Le Camp des Saints... vu d'Italie

Alors que les pérégrinations de l'Aquarius n'en finissent pas de faire caqueter les médias, le livre prophétique de Jean Raspail revient au devant de l'actualité, et inspire cette réflexion à un blogueur italien (14/8/2018)

 

Capture d'écran, 14/8, 10h20

Du gouvernement jaune-vert (*) au Camp des Saints


(*) Couleurs respectives des deux partis au pouvoir, le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord


<Campari & de Maistre> (**)
Stefano Bolzoni
2 juillet 2018
Ma traduction

* * *

Le gouvernement jaune-vert est au pouvoir depuis peu de mois, mais déjà suffisants pour finir dans la ligne de mire du milieu composite des bien-pensants et de la gauche-caviar (radical-chic), qui n'a pas hésité à ouvrir un feu de barrage impressionnant contre l'exécutif. L'objet des tirs - souvent, pour dire la vérité, tombant dans l'insulte tout court - était, en premier lieu, les politiques de restriction au débarquement promues par le nouveau titulaire du ministère de l'Intérieur, Matteo Salvini.
Ces derniers jours, on a entendu parler d'un recueil de signatures promu par le quotidien La Repubblica, dans lequel les signataires dénoncent «la politique d'immigration du gouvernement Salvini-Di Maio comme étant inconstitutionnelle, moralement inacceptable et contraire aux droits humains les plus élémentaires».
Le manifeste se poursuit ensuite en affirmant: «Nous dénonçons comme tout aussi dangereux, inconstitutionnel et inacceptable l'ensemble de l'axe politique européen d'orientation raciste et nationaliste vers lequel ce gouvernement se tourne idéologiquement. Le respect de la diversité culturelle, le droit d'asile et le droit à l'intégration, principes durement acquis par l'Europe avec la défaite du nazisme et du fascisme, sont la seule voie que nous devons réglementer et suivre, bien entendu au niveau européen».
La conclusion est ensuite adressée au Président de la République, à qui l'on demande péremptoirement d'être vigilant et, si nécessaire, d'empêcher que l'action du gouvernement puisse continuer à se développer dans ce sens.

On pourrait se demander en quoi les mesures prises pour empêcher les débarquements illégaux sont «dangereuses et inconstitutionnelles», ou de quelle manière les flux migratoires apportent toujours et partout des améliorations à la civilisation humaine. En partant de cette dernière hypothèse, on pourrait aller jusqu'à affirmer que le colonialisme européen lui-même, de Christophe Colomb à Léopold II, était en soi ontologiquement souhaitable, puisque ces mêmes colonisateurs «migraient» vers toutes les parties du globe. Je doute cependant que les auteurs du manifeste partagent cette conclusion.

Les paroles de l'épître, imprégnées de ce totalitarisme humanitaire désormais bien connu, ont cependant ravivé en moi le souvenir d'une œuvre peut-être peu connue [en Italie, du moins!], un livre qui, je pense, peut difficilement être lu et commenté dans nos écoles décadentes: "Le Camp des Saints", écrit en 1973 (publié en Italie en 1998) par Jean Raspail.

Dans l'ouvrage, écrit avec une élégance imparable et épicé de croquis tragicomiques, Raspail imagine l'invasion, au début des années 90, d'une flotte de parias venus du Gange et déterminés à débarquer dans la terre promise qui s'avérera, après des semaines d'attente pénible, être la France méridionale.
Le titre lui-même évoque l'apocalypse puisque, comme l'écrit le dernier livre de la Bible «Le temps des mille ans s'achève. Voici que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre, dont le nombre égale le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la face de la terre, elles assailleront le camp des Saints et la Ville bien-aimée».
La réaction des pays européens à l'annonce de leur départ est double: d'une part, ils manifestent dans leurs communiqués leur admiration et leur respect pour les derniers du monde, en veillant à ne pas paraître racistes ou simplement indifférents; d'autre part, ils espèrent ardemment que la flotte du Gange ne s'amarrera pas sur leurs côtes. Mais les moments les plus indécents du roman sont ceux dédiés à la réaction que la flotte provoque dans l'opinion publique française, décrite par Raspail comme un corps pollué par des décennies de propagande «antiraciste», désormais incapable de comprendre comment l'arrivée de l'essaim migratoire est le plus grand danger pour sa survie même. Outre la flotte itinérante - admirablement décrite par l'auteur dans son tour du monde quotidien - un autre grand protagoniste collectif du roman est constitué par les intellectuels français. Tous, des écrivains engagés aux journalistes alignés, des religieux paupéristes aux ministres tiers-mondistes, se mettent frénétiquement en mouvement, essayant d'inciter un peuple français désormais réduit à l'état d'amibe, à ouvrir les bras à leurs frères à la peau d'ébène.
Pas même l'Eglise catholique n'est pas prête à affronter lucidement l'invasion, et anime même, avec les Eglises protestantes, une extraordinaire campagne immigrationiste, qui reste silencieuse sur le mépris avec lequel la flotte regarde vers l'Occident - le chapitre consacré à la «rencontre» entre missionnaires, laïcs et religieux, et migrants au large de Sao Tomé est mémorable - montrant le souci de voir triompher le nouveau modèle existentiel et culturel qu'elle a désormais fait sien. Dans le roman, l'Église substitue le syncrétisme le plus extrême à l'orthodoxie, abdiquant sa fonction de gardienne de la foi, fermant les yeux - comme le fait cyniquement le père Agnellu - face à la fierté raciale et religieuse des envahisseurs.
Bien qu'ayant été écrit dans les années 70, Le Camp des Saints s'est révélé tragiquement prémonitoire. Non seulement pour avoir prédit les dimensions d'un phénomène qui, à ce moment-là, pouvait difficilement être imaginé, mais aussi pour l'exactitude substantielle avec laquelle Raspail imagine les réactions paroxystiques d'un monde intellectuel, désormais proie de ce que dans le roman, il appelle «le monstre». Mielleux, rampant, «le monstre» avait fait son chemin depuis des décennies, contaminant les laïcs, les religieux et même les papes, les empêchant de voir le danger tapi dans les cheminées des embarcations réquisitionnées, condamnant ainsi l'Occident à subir la conquête des migrants.

En relisant le manifeste de La Repubblica, qui dans le roman de Raspail trouve des émules et des mots tout aussi péremptoires, on se demande si «le monstre» n'a pas déjà commencé son travail.

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(**) Le site, dans lequel il m'est souvent arrivé de puiser et de traduire de très bon articles, a depuis lors disparu... comme en ce moment tant d'autres, nés sous le Pontificat de Benoît XVI (et presque en même temps que le blog du Père Ray Blake). Découragement, lassitude?
Heureusement, j'avais archivé l'article.

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