Sacerdoce féminin: en 2011, déjà...
mais à l'époque, le cardinal imprudent s'était vu vertement rappeler à l'ordre et avait dû faire marche errère. L'article du P. Scales, de 2011, cette fois, énumère les déclarations les plus récentes du magistère INFAILLIBLE sur la question (10/4/2018)
>>> Sacerdoce féminin: manoeuvres préparatoires
Les propos tenus en 2011 par le cardinal Policarpo évoquent évidemment ceux, récents, du cardinal Schönborn.
On pourra objecter - une fois de plus - que le cardinal Schönborn n'est pas le Pape, et que quand il s'exprime, il ne fait qu'émettre une opinion personnelle.
Mais sans compter le fait que l'archevêque de Vienne est l'un des interprètes autorisés d'Amoris Laetitia, ou du moins présenté comme tel, on a du mal à imaginer qu'il aurait pu s'exprimer ainsi avant 2013. A l'évidence, QUELQUE CHOSE a changé, et il n'est pas difficile de deviner QUOI: le pontificat actuel est le terreau idéal pour avancer des revendications qui auraient été impensables il y a cinq ans. Ou, comme le dit le Père Scalese: apparemment, ces idées ont continué à circuler tranquillement et sont maintenant reproposées avec plus de vigueur et sans aucun embarras, avec la confiance évidente que le temps est désormais venu pour le coup d'épaule finale.
Qui pourra encore, sans rire, parler de continuité?
Le cardinal Policarpo
Padre Giovanni Scalese CRSP
10 juillet 2011
querculanus.blogspot.fr
Ma traduction
* * *
S'il y a une question claire, résolue définitivement, c'est l'exclusion des femmes du sacrement de l'Ordre. Tous les éléments pour la résoudre étaient déjà contenus dans la déclaration Inter insignories de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, du 15 octobre 1976. L'unique limite de cette déclaration était sa «note doctrinale»: elle était présentée comme un «document disciplinaire, officiel et faisant autorité», mais pas comme «infaillible ou irréformable» (cf. Enchiridion Vaticanum, vol. 5, p. 1392-3, en note). C'est peut-être pour cette raison que cette déclaration n'a pas mis fin aux discussions sur cette question. C'est ainsi que Jean-Paul II s'est senti obligé d'intervenir à nouveau, d'une manière plus autoritaire, avec la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994. Aucune motivation nouvelle n'était apportée en soutien de la non-admission des femmes au sacerdoce. Il s'agissait simplement de mettre fin aux discussions interminables sur cette question:
«Bien que la doctrine sur l'ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes ait été conservée par la Tradition constante et universelle de l'Église et qu'elle soit fermement enseignée par le Magistère dans les documents les plus récents, de nos jours, elle est toutefois considérée de différents côtés comme ouverte au débat, ou même on attribue une valeur purement disciplinaire à la position prise par l'Église de ne pas admettre les femmes à l'ordination sacerdotale.»
«C'est pourquoi, afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église.».
Les expressions utilisées me semblent ne laisser aucun doute. Et pourtant, cette fois encore, le Saint-Siège dut faire une nouvelle intervention pour clarifier la valeur de la déclaration pontificale. Ceci fut fait avec la «Réponse à un doute» de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi le 28 octobre 1995 [donc portant la signature du card. Ratzinger]:
«Question : Doit-on considérer comme appartenant au dépôt de la foi la doctrine selon laquelle l’Église n’a pas le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes, doctrine qui a été proposée par la Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, comme à tenir de manière définitive ?
Réponse : Oui.
Cette doctrine exige un assentiment définitif parce qu’elle est fondée sur la Parole de Dieu écrite, qu’elle a été constamment conservée et mise en pratique dans la Tradition de l’Église depuis l’origine et qu’elle a été proposée infailliblement par le Magistère ordinaire et universel (cf. Concile Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium, 25, 2). C’est pourquoi, dans les circonstances actuelles, le Souverain Pontife, exerçant son ministère de confirmer ses frères (cf. Lc 22, 32), a exprimé cette même doctrine par une déclaration formelle, affirmant explicitement ce qui doit toujours être tenu, partout et par tous les fidèles, en tant que cela appartient au dépôt de la foi».
Cette intervention de la CDF précise que la doctrine contenue dans la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis est définitive et infaillible (pratiquement, c'est le deuxième cas où l'infaillibilité pontificale a été exercée après sa définition au Concile Vatican I; la première fois était avec le dogme de l'Assomption). A ces interventions spécifiques, il convient d'ajouter le canon. 1024 («Seul le baptisé mâle reçoit valablement l'ordination sacrée») et, si cela ne paraît pas suffisant pour son caractère juridique, le n. 1577 du Catéchisme de l'Église catholique:
« "Seul un homme (vir) baptisé reçoit validement l’ordination sacrée" (CIC, can. 1024). Le Seigneur Jésus a choisi des hommes (viri) pour former le collège des douze apôtres (cf. Mc 3, 14-19 ; Lc 6, 12-16), et les apôtres ont fait de même lorsqu’ils ont choisi les collaborateurs (cf. 1 Tm 3, 1-13 ; 2 Tm 1, 6 ; Tt 1, 5-9) qui leur succèderaient dans leur tâche (S. Clément de Rome, Cor. 42, 4 ; 44, 3). Le collège des évêques, avec qui les prêtres sont unis dans le sacerdoce, rend présent et actualise jusqu’au retour du Christ le collège des douze. L’Église se reconnaît liée par ce choix du Seigneur lui-même. C’est pourquoi l’ordination des femmes n’est pas possible (cf. MD 26-27 ; CDF, décl. " Inter insigniores ").»
Que pouvait dire de plus l'autorité suprême de l'Eglise pour mettre fin aux discussions sur une question particulière ?
Pourtant, récemment, le Patriarche de Lisbonne, le Cardinal José da Cruz Policarpo (donc pas Hans Küng ni quelque autre théologien progressiste), dans une interview, a eu la naïveté d'affirmer qu'il n'y a pas d'obstacle fondamental du point de vue théologique à l'ordination des femmes; il ne s'agirait que d'une tradition remontant à l'époque de Jésus. «Jean Paul II, à un moment donné, a semblé trancher la question. Je ne pense pas que ce soit la façon de résoudre ce problème. Théologiquement, il n'y a pas d'obstacle fondamental; il y a cette tradition, disons: "on n'a jamais fait autrement"».
J'aimerais comprendre quelle notion le Cardinal Policarpo a de la "théologie" et de la "tradition". Mais, à part cela, ce qui laisse le plus abasourdi, c'est qu'un Évêque-Patriarche-Cardinal ne parvienne pas à saisir la valeur des interventions pontificales: un Pape tranche une question de manière définitive et infaillible, et que fait l'Évêque-Patriarche-Cardinal? Il se sent en droit de dire : «Je ne pense pas que ce soit la façon de résoudre ce problème». Dites-nous, Éminence, de grâce : comment doit-il être résolu ?
Ayant réalisé sa gaffe, le Cardinal Policarpo a essayé de se mettre à l'abri. Il l'a fait en écrivant une lettre dans laquelle il reconnaît n'avoir jamais traité systématiquement la question (mais alors, pourquoi en a-t-il parlé?). «Les réactions à cette interviw m'ont contraint à réfléchir plus attentivement sur le sujet, et j'ai vérifié que, surtout pour ne pas avoir pris en compte les dernières déclarations du Magistère sur le sujet, j'ai donné lieu à ces réactions» (fallait-il que certaines s'indignent pour qu'il réalise qu'ils n'avait pas «pris en compte les dernières déclarations du Magistère sur le sujet»?
Il réaffirme ensuite sa communion absolue avec le Saint-Père (si on peut appeler communion le fait d'ignorer ou de traiter par dessus la jambe son magistère infaillible...) et la dignité de la femme dans l'Église (que personne n'avait jamais songé à remettre en question). Il conclut en répétant que c'est seulement à première vue qu'on pouvait penser qu'il s'agissait d'une question ouverte. Les interventions les plus récentes du Magistère interprètent la tradition d'ordonner exclusivement les hommes «non seulement comme un moyen pratique de procéder, qui peut changer au rythme de l'action de l'Esprit Saint, mais comme une expression du mystère de l'Église elle-même, que nous devons accueillir dans la foi».
Je me demande: pourquoi n'avez-vous pas dit ces choses dans l'interview? Deviez-vous attendre les polémiques pour approfondir la question et en arriver à ces conclusions? Bref, une pièce pire que le trou.
Mais, apparemment, les surprises ne s'arrêtent pas là. Aujourd'hui, on a eu droit aux déclarations de solidarité des évêques portugais avec le cardinal Policarpo. Ils trouvent «exagérées» les pressions qui ont forcé le Patriarche à publier la clarification. Il semble que les confrères du Patriarche non plus ne se rendent pas bien compte de leurs affirmations. Ils soutiennent en effet que les déclarations de Dom Policarpo sont de nature théologique et n'entendent nullement remettre en cause les règles de l'Église (et nous y revoilà: ils continuent à considérer la question comme purement disciplinaire, alors qu'elle a été résolue, de manière définitive, précisément au niveau doctrinal!): «Ce n'est pas une question dogmatique et, en tant que telle, elle peut être discutée»; «La question doit être débattue et étudiée par les théologiens»; «Cela nécessitera un débat très long et très ample et la convocation d'un synode ou même d'un concile».
Et ce seraient là les évêques portugais? De deux choses l'une: soit ils sont hérétiques, soit ils sont ignorants. Ne voulant pas remettre en cause leur bonne foi, je suis forcé de conclure qu'ils sont simplement ignorants, c'est-à-dire qu'ils n'ont jamais lu ni le Code de droit canonique, ni le Catéchisme de l'Église catholique, ni, et encore moins, la déclaration Intersigniores ou la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis. Et, en outre, ils ne savent pas comment l'Église fonctionne. Mais c'est justement cela qui laisse sans voix: comment certaines personnes ont-elles fait pour devenir évêques ?
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