Ce document sur le Synode, rédigé par les jeunes?

Qui l'a écrit, en fait? Aldo Maria Valli y a trouvé de nombreux éléments qui identifient clairement une 'certaine' plume. Pas vraiment jeune, celle-là! (30/3/2018)

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Cf. Le synode des vieux jeunes

>>> Une traduction "non officielle" en français du document est disponible ici: www.synod2018.va

Mais qui donc a écrit le document des jeunes?


Aldo Maria Valli
28 mars 2018
Ma traduction

* * *

J'ai lu le document que les jeunes ont remis au Pape en vue du synode des évêques sur «Jeunes, foi et discernement vocationnel». J'ai eu l'impression d'un texte vieux dans le langage et les contenus, comme s'il avait été produit non pas par des jeunes d'aujourd'hui, mais par quelqu'un qui était jeune il y a un demi-siècle et qui n'est pas encore sorti de certains schémas et de certains complexes.

Dans l'introduction, il est dit que le document «reflète les réalités spécifiques, personnalités, croyances et expériences des jeunes du monde» et a pour but de «fournir aux évêques une boussole qui vise à une meilleure compréhension des jeunes». Mais page après page on note que les réflexions, «issues de la rencontre de plus de trois cents jeunes représentants du monde entier» et avec «la participation de 15 mille jeunes connectés online à travers des groupes Facebook», transmettent l'idée d'une Église réduite à une organisation sociale, soucieuse plus qu'autre chose de s'excuser de ne pas être suffisamment en phase avec son temps. Et du point de vue du langage, certaines expressions semblent prises dans le répertoire du pape François.

Procédons dans l'ordre.
Après avoir soutenu que «les jeunes sont à la recherche d'eux-mêmes dans des communautés qui les soutiennent et les édifient, authentiques et accessibles, c'est-à-dire des communautés capables de les valoriser», le document affirme: «Parfois, nous sentons que le sacré semble être séparé de la vie quotidienne. Souvent, l'Église apparaît comme trop sévère et est fréquemment associée à un moralisme excessif. Parfois, dans l'Église, il est difficile de dépasser la logique du "on a toujours fait comme cela". Nous avons besoin d'une Église accueillante et miséricordieuse».

Il n'est pas difficile de voir ici la coïncidence totale avec ce que François affirme souvent. A part le fait que le sacré, à mon humble avis, DOIT être séparé de la vie quotidienne (l'espace et le temps sacrés existent comme tels précisément parce qu'ils sont différents de ceux profanes), nous trouvons immédiatement la dénonciation de l'Église trop sévère et moraliste (alors qu'au contraire, le problème d'aujourd'hui semble à l'opposé, c'est-à-dire une Eglise incertaine et laxiste) et la critique parallèle de la logique du "on a toujours fait comme cela", cheval de bataille du pontificat actuel.

Et que dire de cet appel à une «Église accueillante et miséricordieuse»? Ici encore, le copyright ne revient-il pas à François?

Plus loin, à la place de la beauté et de l'originalité de la proposition chrétienne (les facteurs qui, aujourd'hui comme toujours, fascinent vraiment les jeunes), nous trouvons une analyse sociologique qui mélange différentes questions et tout cela dans un sens horizontal: «Les jeunes sont profondément concernés et intéressés par des sujets tels que la sexualité, la toxicomanie, l'échec des mariages, les familles brisées, ainsi que par des problèmes sociaux majeurs tels que le crime organisé et la traite des êtres humains, la violence, la corruption, l'exploitation, le féminicide [/les violences faites aux femmes, selon le vocabulaire français certifié conforme!], toutes les formes de persécution et la dégradation de notre environnement naturel».

Il est facile de deviner que beaucoup de jeunes s'intéressent à ces sujets. Mais qu'est-ce que l'Église a à dire à ce sujet à la lumière de la Vérité divine éternelle ? En tout cela, où est Dieu? Où est la recherche de la vérité ?

À cet égard, le document ne dit rien. En compensation, voilà le rappel habituel, ressassé des «défis» sociaux, face auxquels (et ici revient dans la lettre le vocabulaire du Pape François) «nous avons besoin d'inclusion, d'accueil, de miséricorde et de tendresse de la part de l'Église». Et puis, tout aussi inévitable, voici l'appel au «multiculturalisme», qui a «le potentiel de faciliter un environnement de dialogue et de tolérance», avec un objectif indiqué en ces terme: «Valorisons la diversité des idées dans notre monde globalisé, le respect de la pensée de l'autre et la liberté d'expression». Ce qui, franchement, ne semble pas être une grande conclusion. Mais surtout, on a l'impression que le document est basé sur un schéma pré-fabriqué.

En confirmation, la préoccupation première est indiquée par le fait qu'«il n'y a pas encore de consensus contraignant sur la question de l'accueil des migrants et des réfugiés, ni sur les problèmes qui causent ce phénomène» et «tout cela malgré la reconnaissance du devoir universel de protéger la dignité de chaque personne humaine». D'où l'avertissement : «Dans un monde globalisé et interreligieux, l'Église a besoin non seulement d'un modèle, mais aussi d'un approfondissement des lignes théologiques déjà existantes pour un dialogue pacifique et constructif avec des personnes d'autres religions et traditions».

Poursuivons. Une grande partie du document est consacrée aux peurs des jeunes et là aussi les expressions utilisées appartiennent presque à la lettre au répertoire de François. Comme ici: «Parfois, nous finissons par abandonner nos rêves. Nous avons trop peur et certains d'entre nous ont cessé de rêver». Et ici: «Nous voulons un monde de paix, qui conserve une écologie intégrale avec une économie mondiale durable», sans oublier les «conflits», la «corruption», les «inégalités sociales» et le «changement climatique».

Et quand, enfin, on sort un peu de la sociologie de pacotille et qu'on entre, au moins, dans le champ de la sociologie de la religion, voici une affirmation plutôt évidente («aujourd'hui la religion n'est plus considérée comme le principal moyen par lequel un jeune va vers la recherche de sens, car on se tourne souvent vers les tendances et idéologies modernes»), suivie immédiatement d'une critique de l'Église («les scandales attribués à l'Église - soit ceux réels, soit ceux perçus comme tels - conditionnent la confiance des jeunes dans l'Eglise et dans les institutions traditionnelles qu'elle réprésente»).

Et voulons-nous parler des grandes questions concernant la vie, la mort, la famille, la sexualité ?

Eh bien voici: «Il y a souvent de grands désaccords parmi les jeunes, tant dans l'Église que dans le monde, sur les enseignements qui sont aujourd'hui particulièrement débattus. Parmi ceux-ci: la contraception, l'avortement, l'homosexualité, la cohabitation, le mariage et aussi comment le sacerdoce est perçu dans les différentes réalités de l'Église. Ce qu'il est important de noter, c'est qu'indépendamment de leur niveau de compréhension des enseignements de l'Église, nous trouvons encore des désaccords et des débats ouverts parmi les jeunes sur ces questions problématiques». «En conséquence (les jeunes) voudraient que l'Église change ses enseignements ou, au moins, qu'elle fournisse de meilleures explications et une meilleure formation sur ces questions».

Peu après, peut-être conscient du déséquilibre, le document se corrige et dit que «d'autre part, beaucoup de jeunes catholiques acceptent ces enseignements et trouvent en eux une source de joie».
Mais alors, qu'en est-il? On a l'impression d'une analyse à la fois superficielle et ambiguë.

Ce qui compte, de tout façon, semble satisfaire les attentes du monde, qui veut l'Église sur le banc des accusés et en position perdante.

Il faut de nombreuses pages avant qu'apparaisse une allusion à Jésus. Qui ressemble à ceci: «En dernière instance, beaucoup d'entre nous désirent fortement connaître Jésus, mais ont souvent du mal à comprendre que Lui seul est la source d'une vraie découverte de soi-même, puisque c'est dans la relation avec Lui que la personne arrive finalement à se découvrir elle-même. En conséquence, il semble que les jeunes demandent des témoins authentiques: des hommes et des femmes capables d'exprimer avec passion leur foi et leur relation avec Jésus, et en même temps d'encourager les autres à se rapprocher, à rencontrer et à tomber amoureux à leur tour de Jésus».

Question: Mais pour arriver à cette conclusion, y avait-il besoin de convoquer des jeunes du monde entier, d'envoyer des milliers de questionnaires et d'organiser ce grand travail du présynode ?

Mais le problème, je le répète, c'est que la beauté de la proposition chrétienne n'émerge pas. Au contraire, le souci de l'autocritique est constant («Les idéaux erronés des chrétiens modèles semblent hors de portée, tout comme les préceptes donnés par l'Église. Pour cette raison, le christianisme est perçu par certains comme une norme inaccessible»), et même en ce qui concerne la vie consacrée, l'accent est mis davantage sur les limites et la «vulnérabilité», avec l'accent habituel sur «le manque de clarté sur le rôle des femmes dans l'Église».

Quant à la direction que les personnes consacrées doivent assurer, l'accent est mis sur l'implication et «le chemin» («Les guides ne doivent pas conduire les jeunes à être des disciples passifs, mais à marcher avec eux, en les laissant participer activement à ce voyage»), mais sans jamais dire à quoi tout cela doit conduire. En compensation, voilà une fois encore la «vulnérabilité»: «Une Église crédible est précisément celle qui n'a pas peur de se montrer vulnérable. Pour cette raison, l'Église doit être diligente et sincère à admetttre ses erreurs passées et présentes, en se présentant comme formée par des personnes capables d'erreurs et de malentendus. Parmi ces erreurs, il faut mentionner les différents cas d'abus sexuels et de mauvaise gestion des richesses et du pouvoir».

Nous touchons à la fin. Encore deux déclarations tirées du répertoire bergoglien («Les jeunes veulent avoir de l'Eglise un regard en sortie»; «L'Eglise devrait renforcer les initiatives visant à combattre la traite des êtres humains et les migrations forcées, ainsi que le trafic de drogue») et le document est terminé.

La question revient : mais qui l'a écrit, vraiment ?

Aldo Maria Valli

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