Comment Alfie est mort

Le terrible récit de Benedetta Frigerio, la journaliste de La Bussola, qui a vécu heure par heure à Liverpool avec les parents de l'enfant, les jours tragiques qui ont précédé sa mort. A lire absolument (2/5/2018).

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Dossier Alfie

C'est le récit d'un authentique martyre, au sens littéral du terme - ce n'est pas une simple façon de parler. Il faut le lire, pour se persuader qu'on ne peut pas ne pas prendre position: c'est bel et bien un assassinat, et de la plus cruelle des façons. Et il y a eu des précédents...

Voilà comment ils ont fait mourir Alfie


1er mai 2018
Benedetta Frigerio
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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Il est vrai que la chose la plus scandaleuse qui soit arrivée au petit Alfie Evans est qu'il a été intubé et ventilé pendant 15 mois et qu'on lui a refusé une trachéotomie, parce qu'un mois après son hospitalisation (en décembre 2016) il a été décidé qu'il devait mourir sans même essayer de faire un diagnostic. En fait, même si les journaux ont écrit qu'Alfie souffrait d'une maladie mitochondriale, il n'y a pas la moindre trace d'examen clinique pour le prouver.

Il est aussi certainement déconcertant de constater que les tuyaux de ventilation d'Alfie ont été remplacés plus de 5 mois après leur application et ont donc été trouvés pleins de sanie, comme l'a montré son père avec une série de photos (dont certaines publiées par nous) qui prouvent les nombreuses négligences de l'Alder Hey hospital de Liverpool. Preuves qui ont également beaucoup frappée Mariella Enoc, Présidente du Bambino Gesù, qui s'est vu refuser par l'hôpital anglais l'entrée dans la chambre d'Alfie. Bref, tout cela est vrai, mais Alfie n'est pas mort uniquement pour cela.

Une fois la ventilation enlevée, Alfie a a subi un traitement terrible.
Comme ses poumons étaient habitués à se dilater mécaniquement, les médecins auraient dû le "sevrer" pour ne pas provoquer la mort immédiate. Pourtant, ils ne l'ont pas fait même si le bébé avait contracté une infection pulmonaire après l'arrêt des machines.
C'est pour cela qu'Alfie, comme il l'avait expliqué à Thomas un médecin italien avec lequel il était en contact, avait besoin d'une antibiothérapie immédiate, qui lui a été refusée. Et pourtant, malgré tout cela, le bébé a quand même respiré sans aucune aide pendant des heures, puisque les médecins lui avaient aussi refusé le masque nécessaire pour aider sa respiration, de toute façon autonome.

Donc, dans la soirée du lundi 23 avril, après le retrait de la ventilation à 22h15, Thomas a lancé un appel demandant que quelqu'un apporte de l'oxygène à l'hôpital, mais la barrière de police à l'entrée empêchait toute intervention extérieure. À ce moment-là, l'un des avocats de la famille, Pavel Stroilov, a couru à l'Alder Hey hospital, à l'appel de Thomas. Alors que Stroilov entrait, six autres personnes ont essayé de le suivre, dont une avec un masque à la main, qui a essayé d'entrer avec lui sans succès. Celle-ci a pourtant pensé à jeter le masque par-dessus la tête des agents, permettant à l'avocat de l'apporter aux parents d'Alfie. A ce point, le petit, qui avait déjà démontré une force de lion, démentant l'avocat de l'hôpital, Michael Mylonas, qui dans l'audience avait rassuré le juge Hayden que la mort d'Alfie serait immédiate après le retrait de la ventilation, a été aidé à respirer.

Mais, une fois de plus, les médecins ont essayé de priver l'enfant du masque, avec l'excuse qu'il ne venait pas de l'Alder Hey. Et à deux reprises, ils ont donné l'ordre de l'enlever, jusqu'à ce que Thomas souligne que le protocole de mort approuvé par le juge Hayden ne parlait ni de privation d'oxygène ni de suspension de la nutrition. Pour la même raison, Thomas a obtenu que le bébé, privé de nourriture depuis au moins 36 heures, soit alimenté. Oui, Alfie est resté sans nourriture pendant 36 heurs, un temps très long pour un si petit enfant, dont le cœur avait déjà été soumis à un énorme effort après le retrait violent de la ventilation sans sevrage.

De plus, quand ensuite l'alimentation a été fournie, elle était de toute façon à un niveau très bas. L'enfant a vécu menacé par les médecins et défendu par ses parents pendant 4 jours, ouvrant parfois les yeux, réagissant. Alors, pour faire taire la presse, l'hôpital a promis à Thomas plus d'oxygène et plus de soutien vital. Deux heures avant de mourir, la saturation en oxygène était d'environ 98 et les battements d'Alfie étaient d'environ 160, à tel point que Thomas était convaincu qu'ils le laisseraient partir bientôt à la maison (c'est ce que l'administration de l'hôpital lui a dit vendredi après-midi). Avant sa mort, alors que Thomas était sorti un instant, laissant Kate endormie et un autre membre de la famille dans la chambre, une infirmère est entrée et a expliqué qu'elle allait donner au bébé quatre médicaments (on ne sait pas lesquels) pour le soigner. Après environ 30 minutes, la saturation est tombée à 15. Deux heures plus tard, Alfie était mort.

Nous ne savons pas combien Alfie aurait vécu s'il avait été correctement aidé et soigné, nous ne savons pas si des examens approfondis auraient permis d'établir un diagnostic et ensuite de trouver un remède, nous ne savons même pas si Alfie a été réduit à cet état par la responsabilité d'un hôpital dont le curriculum passé est pour le moins monstrueux (comme nous lisons dans cet article et dans cet autre, où de nombreux indices rendent l'hypothèse au minimum admissible si elle n'est pas prouvée).Mais ce qui est certain, c'est que nous ne pouvons pas dire que l'enfant est mort uniquement à cause de la suppression des soutiens vitaux.
Comme l'avait écrit Bruno Dallapiccola, l'éminent généticien et directeur scientifique de l'Hôpital Bambino Gesù, "le petit Alfie ne pourra pas résister longtemps sans l'apport de substances nutritives à travers le phlébo (càd par voix intraveineuse). Sans apport nutritionnel, la survie peut varier de quelques heures à quelques jours". Bien sûr, "la durée de la survie est conditionnée par les conditions initiales du patient", bien que dans le cas d'Alfie "nous ne pouvons pas nous prononcer avec certitude". Cependant, concluait Dallapiccola, "indépendamment du fait que le bébé continue à respirer de façon autonome, le manque d'apport nutritionnel représente désormais une urgence".

Angelo Selicorni, un éminent généticien italien, est lui aussi intervenu deux jours après le retrait de la ventilation: "Détaché des machines, l'enfant a 'résisté' pendant des heures sans 'aucune intention de mourir'". Ce tournant, a-t-il poursuivi, "met en doute la 'terminalité' de son état".

Alfie, déjà fatigué et soumis à des traitements violents, a été complètement privé de l'antibiotique nécessaire pour guérir l'infection et ensuite de nourriture et d'oxygène pendant trop longtemps. Ceux qui ne veulent pas prendre position se cachent derrière le mantra du "cas trop compliqué", dont les limites seraient difficiles à établir. Mais peut-être n'ont-ils pas le courage de regarder la réalité et de dire qu'il s'agit d'un cas flagrant d'acharnement euthanasique? Il est clair que si pour les médecins la vie d'Alfie était "futile", donc un poids et un coût qui ne valaient pas la peine d'être soutenus, l'approche clinique envers lui ne pouvait avoir d'autre but que de l'éliminer. Comme Selicorni l'a encore écrit : "Si je considère l'histoire d'Alfie comme une non-valeur, une histoire humaine inutile, dénuée de sens, je ne peux que penser que plus tôt j'y mettrai fin, mieux ce sera".

Un fantasme ? En 2012, de nombreuses polémiques avaient éclaté au sujet de plaintes de patients impliqués dans le Liverpool Care Pathaway (LCP), le programme de traitement de fin de vie alors en vigueur en Grande-Bretagne. Une infirmière de l'Alder Hey, Bernadette Loyd, lasse de voir des cas semblables, avait écrit au ministère de la Santé pour dénoncer la façon dont mouraient les enfants et les nouveaux-nés. "Mourir de soif est terrible, et il est inconcevable que des enfants doivent mourir ainsi. Les parents se trouvent face à un dilemne et se sentent presque obligés de choisir cette voie parce que les médecins leur disent que leur enfant n'a plus que quelques jours à vivre. Mais il est très difficile de prédire la mort et j'ai aussi vu quelques enfants qui ont recommencé à vivre, après que le LCP ait été mis en route puis interrompu". "J'ai aussi vu des enfants mourir terriblement de soif parce que l'hydratation est suspendue jusqu'à ce qu'ils meurent. J'ai vu un garçon de 14 ans atteint d'un cancer mourir la langue collée au palais quand les médecins ont refusé de l'hydrater. Sa mort a été vécue avec angoisse par lui et par nous, infirmières. C'est l'euthanasie qui arrive par la porte d'entrée". Le système national de santé avait répondu à Bernadette Loyd sans aborder le fond de la question: "Les soins de fin de vie doivent répondre aux plus hauts critères professionnels et nous devons savoir être proches des parents de l'enfant pendant le processus de prise de décision".

Voilà ce qu'a fait le martyre d'Alfie a fait, en plus de la conversion de tant de cœurs: il nous a contraints à nous unir contre un monstre, à regarder la brutalité d'un système eugénique déguisé en démocratie. Un système avec un pouvoir illimité sur la personne et considéré comme une religion civile par la politique et la justice anglaises. Un pouvoir qui écrase beaucoup d'autres vies fragiles et répand une mentalité utilitariste que nous devons commencer à combattre si nous ne voulons pas connaître la même fin.

Mais qui sait, l'histoire d'Alfie en révèlera peut-être beaucoup plus, car pour beaucoup il reste une question: qu'est-ce qui justifie l'acharnement de l'hôpital terrorisé par l'idée que l'enfant soit transféré ailleurs? Qu'est-ce qui a fait trembler l'Alder Hey Hospital?

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