Les deux lettres de Benoît XVI

au cardinal Brandmüller (21/9/2018).

J'ai traduit la traduction en italien (donnée par La Vigna del Signore) du texte original en allemand.

>>> Des lettres surprenantes de Benoît XVI
>>> Des lettres surprenantes de Benoît XVI (suite)

Lettre de Benoît XVI du 9 novembre 2017 au cardinal Walter Brandmüller

Éminence,
Dans votre récent entretien avec le FAZ [Frankfurter Allgemeine Zeitung], vous dites que j'ai créé, avec la construction du pape émérite, une figure qui n'existe pas dans toute l'histoire de l'Église. Bien sûr, vous savez très bien que les papes se sont retirés, quoique très rarement. Qu'étaient-ils après? Pape émérite ? Ou quoi d'autre?
Comme vous le savez, Pie XII a laissé des instructions au cas où il aurait été capturé par les nazis : qu'à partir du moment de sa capture il ne serait plus pape mais cardinal. Si ce simple retour au cardinalat avait été possible, nous ne le savons pas. Dans mon cas, cela n'aurait certainement pas eu de sens de simplement réclamer un retour au cardinalat. J'aurais alors été constamment exposé au public comme l'est un cardinal - et même encore plus, parce que dans ce cardinal on aurait vu l'ex-pape. Cela aurait pu entraîner, intentionnellement ou non, des conséquences difficiles, en particulier dans le contexte de la situation actuelle. Avec le Pape émérite, j'ai essayé de créer une situation dans laquelle je suis absolument inaccessible aux médias et dans laquelle il est très clair qu'il n'y a qu'un seul Pape. Si vous connaissez un meilleur moyen et donc si vous pensez pouvoir condamner ce que j'ai choisi, je vous prie de m'en parler.

Je vous salue dans le Seigneur
Votre
Benoît XVI

Lettre de Benoît XVI du 17 novembre 2017 au cardinal Walter Brandmüller

Éminence,
De votre gentille lettre du 15 novembre, je suppose que je peux conclure qu'à l'avenir, vous ne ferez plus de commentaires publics sur la question de ma démission, et je vous en remercie.
La douleur profonde que la fin de mon pontificat a causée en vous, comme en beaucoup d'autres, je peux très bien la comprendre. Mais la douleur, chez certains - et il me semble aussi en vous - s'est transformée en colère, qui ne concerne plus seulement la renonciation, mais s'étend de plus en plus à ma personne et mon pontificat dans son ensemble. De cette façon, un pontificat est dévalué et dissous dans la tristesse pour la situation actuelle de l'Église. De cette fusion émerge graduellement un nouveau type d'agitation, pour lequel le petit livre de Fabrizio Grasso, "La Rinuncia" (Algra Editore, Viagrande / Catania 2017) pourrait devenir emblématique (*).
Tout cela me remplit d'inquiétude et, précisément pour cette raison, la fin de votre interview avec la FAZ m'a laissé très troublé parce qu'en fin de compte, elle ne peut que promouvoir le même type d'atmosphère.
Prions, comme vous l'avez fait à la fin de votre lettre, pour que le Seigneur vienne en aide à son Église.
Avec ma bénédiction apostolique, je suis

Votre
Benoît XVI

NDT


(*) Pour comprendre de quoi il s'agit, j'ai fait une petite recherche sur le livre (dont nous avons d'ailleurs parlé ici: L'Eglise dans la tempête).
La Rinuncia (La renonciation) est un très court essai (70 pages), au sous-titre très significatif: "Dieu a-t-il été vaincu?". Pour faire très court, l'auteur, un jeune philosophe, s'interroge sur le sens de la démission de Benoît XVI et la situation inédite créée dans l'Eglise avec la cohabitation de "deux papes". Il s'appuie entre autre sur un discours fameux de Georg Gänswein, prononcé le 20 mai 2017 à l'Université grégorienne (dossier ici: benoit-et-moi.fr). On peut comprendre que cela ait agacé Benoît XVI, qui, pour éviter les polémiques et dans un souci d'apaisement, veut éviter à tout prix qu'on commente sa démission. S'il a choisi le titre de "Pape émérite", c'est justement pour échapper aux questions des journalistes, qui n'auraient pas manqué de le harceler s'il avait simplement repris son titre de cardinal.

Faire de ces lettres (à l'instar de certains "bergogliens") un camouflet du Saint-Père aux "conservateurs" me paraît donc totalement hors de propos.

Voici une recension du livre:

LE RENONCEMENT DE BENOÎT XVI VU PAR LE PHILOSOPHE FABRIZIO GRASSO
finedeitempi.wordpress.com
29 juillet 2017

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La tempête qui a suivi la démission de Benoît XVI n'est à l'évidence pas encore terminée. Les journalistes le disent, prêts à utiliser chaque mot du Pape émérite comme prurit anti bergoglien; ainsi commence l'auteur, qui tente de retracer et d'analyser la raison de ce choix, que malheureusement encore beaucoup aujourd'hui n'ont pas compris.
Fabrizio Grasso pose la question: Benoît XVI a-t-il vraiment quitté le ministère pétrinien?
Est-il possible que, selon les dispositions canoniques, il y ait deux papes régnants ?
Ce qui a créé la confusion, selon l'auteur, ce sont les paroles de Gänswein: «Il n'y a pas deux papes, mais de facto un ministère étendu avec un membre actif et un membre contemplatif. Un Pape politique et un Pape spirituel, un avec le bâton et un avec le sceptre.
C'est pour cela que Benoît n'a renoncé ni à son nom ni à la soutane blanche».
On se demande à juste titre si la papauté instituée par le Christ a été réformée ou élargie: c'est ce que met en évidence l'auteur.
D'autres doutes surgissent après ces déclarations, qui laissent place à de nombreuses interprétations entre théologiens et clergé.

Dans le cœur de beaucoup de gens, il n'a pas été possible d'arriver à une clarté interprétative, théologique ou canonique de la démission. Tout cela a créé un conflit théologique et politique qui persiste depuis le début du Pontificat de François.
Pontificat qui, selon Grasso cache encore beaucoup d'ombres.

Le Noir et le Blanc, Ratzinger et Bergoglio, seront pour beaucoup le dilemme éternel.
Un livre passionnant, qui reflète la réalité d'aujourd'hui sous toutes ses facettes ; il mérite d'être lu afin d'en tirer les bonnes idées sur la situation actuelle du Vatican.

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