Pourquoi Benoît XVI inquiète l'entourage papal

Une nouvelle confirmation est donnée par les réactions quasi-hystériques des bergogliens d'un côté, et par le silence du Vatican de l'autre, à ses " Notes " sur le scandale de la pédophilie cléricale. Il faut à tout prix le réduire au silence. Article de Giuseppe Nardi. (29/4/2019)

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Notes de Benoît sur le scandale des abus sexuels

 
À tout moment et à tout propos, Benoît XVI peut s’exprimer avec une grande autorité.
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Une crainte se répand dans l'entourage pontifical: que Benoît XVI puisse intervenir énergiquement et directement en prenant la parole. Sa récente prise de position a manifesté avec quelle facilité le pape émérite pouvait ébranler le pontificat de François.
Les bergogliens voient en lui une menace pour "le virage pastoral", ainsi qu'ils désignent le cours que François impose désormais à l'Église.

QUI A PEUR DE BENOÎT XVI ?
Réflexions sur la déclaration du Pape Émérite


Giuseppe Nardi
katholisches.info
20 avril 2019
Traduit de l'allemand par Isabelle

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(Rome) Benoît XVI a publié, la semaine dernière, un commentaire sur le scandale des abus sexuels dans l’Église. Il y dit ce qu’on aurait, en fait, attendu de François, dont le silence a poussé son prédécesseur à prendre la plume. Ce vendredi saint est le jour tout indiqué pour se livrer à quelques réflexions sur l’intervention du pape allemand et le silence du pape argentin.


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Via Crucis 2005
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Le drame du scandale des abus sexuels commis par des clercs jette une ombre sur tout le pontificat du pape François. À commencer par la nomination de Mgr Battista Rica (directeur de la Domus Sanctae Marthae) comme prélat de la maison pontificale de l’IOR, la banque du Vatican. Le pape venu d’Argentine a récolté ce qu’il avait lui-même semé, peu de temps après cette désignation, en juillet 2013 avec sa fameuse petite phrase : «Qui suis-je pour juger?».

En 2005, le pape Jean-Paul II avait chargé le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, de rédiger, pour la Via Crucis au Colisée, les méditations des différentes stations du chemin de croix. Une comparaison, parfaitement légitime, s’impose entre ses propos et réflexions d’alors et ceux du pape régnant.

Voici, 25 jours avant son élection au siège de Pierre, la méditation du cardinal Ratzinger pour la neuvième station :

Que peut nous dire la troisième chute de Jésus sous le poids de la croix?
Peut-être nous fait-elle penser plus généralement à la chute de l’homme, au fait que beaucoup s’éloignent du Christ, dans une dérive vers un sécularisme sans Dieu.
Mais ne devons-nous pas penser également à ce que le Christ doit souffrir dans son Église elle-même?
Combien de fois abusons-nous du Saint-Sacrement de sa présence, dans quel cœur vide et mauvais entre-t-il souvent!
Combien de fois ne célébrons-nous que nous-mêmes, et ne prenons-nous même pas conscience de sa présence!
Combien de fois sa Parole est-elle déformée et galvaudée!
Quel manque de foi dans de très nombreuses théories, combien de paroles creuses!
Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement!
Combien d’orgueil et d’autosuffisance!
Que de manques d’attention au sacrement de la réconciliation, où le Christ nous attend pour nous relever de nos chutes!
Tout cela est présent dans sa passion. La trahison des disciples, la réception indigne de son Corps et de son Sang sont certainement les plus grandes souffrances du Rédempteur, celles qui lui transpercent le cœur.
Il ne nous reste plus qu’à lui adresser, du plus profond de notre âme, ce cri : Kyrie, eleison – Seigneur, sauve-nous (cf. Mt 8, 25).


La tentative d’étouffement
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Les réflexions du pape émérite sur le scandale des abus sexuels et sur le lobby homosexuel dans l’Église, publiées la semaine dernière, ont mis en lumière la véritable peur qu’il inspire. On a vu les médias profanes mainstream, très favorables au pape François, mais surtout les médias officiels de l’Église se livrer à une sorte de concours à qui passerait le mieux sous silence le texte explosif du pape émérite. Certains sont allés jusqu’à insinuer que le texte ne serait peut-être pas de la main de Benoît XVI. L’Osservatore Romano lui-même n’a évoqué le document qu’en page sept.

En elle-même cette tentative d’étouffement de la déclaration du pape émérite en dit long sur l’état actuel de l’Église et du monde.

Pour peu qu’ils le veuillent, les médias sont là pour attirer l’attention sur le moindre soupir émis dans les palais vaticans. Ils peuvent aussi faire figurer en première page les déclarations d’un évêque lambda. Mais pas les déclarations d’un (ancien) pape, qui, pour beaucoup, reste aujourd’hui encore un point de référence?

La Repubblica, le journal de la gauche libérale de l’ami du pape François, Eugenio Scalfari, a consacré sa première page à Julian Assange, Mimmo Lucano et Simone Pillon, mais n’a pas eu un mot pour Benoît XVI.

Qu’est-ce que l’unique journal que François affirme lire chaque jour pouvait bien avoir de plus important que les paroles de Benoît XVI, qui sont tombées comme la «foudre»?

Arrêtons-nous sur les personnages mentionnés.

Assange est bien connu et une présentation est superflue.

Domenico « Mimmo » Lucano, le maire suspendu de Riace, dans l'extrême sud de la Calabre, est un « saint canonisé » de la gauche politique. Il a déjà reçu des prix à Dresde et à Berne, est interviewé par Wim Wenders pour un court métrage et a recueilli les éloges de la Süddeutsche Zeitung pour son « engagement » ; il a eu les honneurs d’une dépêche de l’ARD et l’ancien organe de presse du SED (Parti socialiste unifié d’Allemagne), Neues Deutschland, l’a appelé un « symbole de la culture de l’accueil ». C’est pour cette «culture de l’accueil» à l’égard des immigrés qu’il a été internationalement porté aux nues. Le magazine Fortune l’a fait figurer, en 2016, au nombre des 50 personnalités les plus influentes du monde.
Or, Luca a été arrêté au cours de l’automne 2018 pour avoir favorisé l’immigration clandestine. Une année durant, il a fait l’objet d’une enquête de la police financière. Et son procès a commencé le 11 avril dernier. On a appris entre-temps qu’une autre procédure, pour faux et escroquerie, est en cours contre lui, toujours en rapport avec sa «culture de l’accueil». Le procureur lui reproche d’avoir créé, avec l’aide de sa compagne éthiopienne, un réseau criminel pour favoriser l’immigration illégale et d’avoir systématiquement enfreint la loi. La gauche politique, à laquelle appartient La Repubblica, a réagi, avec des cris d’orfraie, à l’arrestation de son idole.

L’avocat Simone Pillon est, depuis 2018, membre du sénat, la deuxième chambre du parlement italien, pour la Lega de Matteo Salvini. Ce catholique pratiquant est l’un des organisateurs des Family Days pour le mariage, la famille et le droit des enfants à naître. Lors de la dernière en date de ces manifestations, début 2016, deux millions d’Italiens ont défilé à Rome contre l’avortement, le mariage homo et l’introduction de l’idéologie du genre dans les écoles. Ils furent ignorés aussi bien par le Vatican que par le gouvernement de gauche de l’époque. Le 11 avril, Pillon a été condamné en première instance par un tribunal de Pérouse pour «homophobie» : dans une conférence, il avait émis des critiques à l’égard de publications distribuées dans les écoles par l’association privée Omphalos-ArciGay et qu’il considérait comme de la « publicité pour l’homosexualité », comme une « incitation aux relations homosexuelles ». (…)
«Diffamation», hurla le lobby homosexuel, qui déposa plainte contre Pillon: les publications incriminées ne feraient qu’«informer» sur les maladies sexuellement transmissibles et «contre l’homophobie». Le juge donna raison aux activistes homosexuels et condamna l’avocat, qui avait pris la parole à l’époque en tant que président du Forum des familles de l’Ombrie, à une amende de 1500 euro; il dut payer en plus 30 mille euro en réparation de dommages au lobby homosexuel et supporter lui-même les frais du procès.
«Défendre la famille contre l’endoctrinement, cela m'a coûté cher. Je n’ai fait que défendre le droit des parents contre le bombardement par l’idéologie du genre», a déclaré le sénateur à propos du jugement de première instance, contre lequel il a annoncé qu’il faisait appel. — «Etre homophobe peut coûter cher» a répliqué le lobby homosexuel, avec un malin plaisir : «Le sénateur Pillon sait désormais qu’on ne peut nous insulter impunément».

Grâce à des juges homophiles, l’intimidation de tous ceux qui se mettent en travers du diktat homosexuel peut se poursuivre et dégénérer en véritable tyrannie.

Benoît XVI peut, à tout moment, s’exprimer
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Les articles de La Repubblica, qui indiquent sans ambigüité sympathie et antipathie mais passent sous silence le texte de Benoît XVI, s’insèrent parfaitement dans le contexte général de la situation actuelle.

Les déclarations faites par l’ermite de 92 ans, depuis les jardins du Vatican, et surtout le silence que François observe à leur égard, révèlent quelque chose de plus important encore. À tout moment et à tout propos, Benoît XVI peut s’exprimer avec une grande autorité. Il s’était lui-même imposé une interdiction de parole qu’il a levée aujourd’hui d’une manière indirecte et mesurée.

Si chacun peut s’exprimer, pourquoi pas aussi Benoît XVI ?

La semaine dernière, avec son texte, il est intervenu à la place du pape régnant, puisqu’il a dit ce que le pape devrait dire. L’existence, inédite dans l’histoire de l’Eglise, de deux «papes», l’un régnant et l’autre «émérite», permet cette situation.

Sa prise de position sur le scandale des abus sexuels et sur le lobby homosexuel dans l’Église était sa première intervention directe depuis sa renonciation. Plus encore: il a pris, ce faisant, la place du pape régnant, qui se drape dans le silence, comme si sa devise était : «Ce qui importe, c’est de ne pas donner de réponses».

Le pape François ne répond pas aux questions qu'on lui pose
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En effet, cela fait 236 jours que François s’abstient de répondre aux reproches du nonce Mgr Carlo Maria Vigano, qui avait, le 26 août 2018, accusé le pape régnant de n’avoir rien entrepris contre la double vie homosexuelle du cardinal Theodore McCarrick. Plus encore: Vigano révélait que François avait réhabilité McCarrick, en dépit des sanctions prononcées contre lui par Benoît XVI. François a fait de McCarrick (l'un des plus influents représentants du lobby homo dans l’Église) son conseiller principal pour les nominations épiscopales aux USA. Le cardinal McCarrick, à qui l’on a reproché d’avoir favorisé des homosexuels ou des homophiles pour les promouvoir a des sièges épiscopaux, s’était, en 2017, désigné lui-même comme le «modèle» auquel devaient se conformer les évêques américains.

Cela fait 942 jours que le pape François refuse de répondre aux dubia que lui ont adressés quatre cardinaux à propos du texte controversé de l’exhortation post-synodale Amoris laetitia. Deux d’entre eux, les cardinaux Carlo Caffara et Joachim Meisner, sont morts, sans avoir reçu aucune réponse du pape. Deux mois avant la mort du cardinal Caffara, alors que François visitait le diocèse de Bologne, le cardinal, en raison de son rang, s’était trouvé, pour le repas, installé à côté du pape qui ne lui a pas adressé une seule parole.

Sans aucun doute, une crainte se répand dans l’entourage pontifical: que Benoît XVI puisse intervenir énergiquement et directement en prenant la parole. On sait que, jusqu’ici, les plus proches affidés de François ont surveillé, avec une préoccupation incessante, le monastère Mater Ecclesiae. La récente prise de position de Benoît a manifesté à l’évidence avec quelle facilité le pape émérite pouvait ébranler le pontificat de François.

Les réactions des bergogliens révèlent bien ce climat de tension. Ils voient en Benoît une menace pour «le virage pastoral», ainsi qu’ils désignent le cours que François impose désormais à l’Église. Ils devraient redouter plus encore les réactions de ces franges de l’Église qu’ils voient comme des adversaires: un très grand nombre ont soutenu les thèses de Benoît XVI et manifestent leur soulagement qu’au moins un «pape» dise ce que le pape devrait dire. Le mur du silence dont Benoît XVI s’était lui-même entouré et celui que l’on avait construit autour de lui semble bien brisé.

La signification de la déclaration de Benoît ne réside pas seulement dans les mots qui traitent des abus sexuels commis par des clercs. Ce serait une erreur de penser que son texte se réduit à cette question. Il s'agit de pages qui disent bien plus : elles remontent à l’origine du problème, à la grande crise qui depuis plus d'un demi-siècle tourmente le monde — et l’Église, qui est une partie de ce monde. Benoît a mis ensemble les différentes pièces du dossier et tiré ses conclusions. Il en ressort un témoignage lumineux et bienfaisant, qui s’élève au-dessus des accusations nerveuses que d’autres figures ecclésiales adressent tous les deux jours au « cléricalisme », pour s’incliner le lendemain devant l’esprit du monde. Ou ceux qui, ces derniers jours, se sont irrités et ont reproché au pape allemand d’interférer avec le magistère de François.

Reste la question centrale que Benoît XVI pose à tous les responsables de l’Église et aux croyants. Que faut-il faire au vu de la situation actuelle de crise apocalyptique? Devons-nous créer une autre Église, pour que tout revienne en ordre ? — Non, dit Benoît, car on a déjà tenté cette expérience voici 55 ans et elle a échoué.

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