Contre la tyrannie de la légalisation de l'avortement en Espagne, il appelle à la désobéissance civile. Traduction Carlota. (14/7/2010)

Carlota:

Empêchons la tyrannie

Le temps de l’Église des accommodements et de l’enfouissement qui semble parfois être celui l’Église Catholique en France, va-t-il un jour se terminer alors que dans d’autres pays pourtant tout près de chez nous, la proclamation des valeurs chrétiennes, et notamment en faveur de la vie, continue, malgré des lois votées et leur entrée en vigueur? L’archevêque de Burgos, par exemple, appelle à la désobéissance…dans une lettre pastorale. Des mots forts mais pourtant indispensables. Pourquoi nos politiques ne les comprennent-ils ? (..)
À noter que le Tribunal Constitutionnel espagnol rendra sa sentence mercredi prochain sur la constitutionnalité de la loi sur l’avortement. Comme d’habitude il semblerait que les avis soient assez équilibré d’un côté comme d’un autre et que la décision dépendra peut-être que d’un seul membre…

Ma traduction – Original ici.
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Dans la vie des personnes, des institutions et des peuples, il existe des dates qu’on effacerait du calendrier si l’histoire pouvait rembobiner ses pages.
Le 5 juillet 2010 est de celles-là pour les Espagnols. Ce jour, en effet a été promue une loi inique qui s’oppose frontalement à la droite raison et à la plus élémentaire justice. Telle est la loi qui établit que les Espagnols ont le droit de tuer les non - nés, à partir du moment où ils le font avant les 14 semaines. Disons-le très clairement : cette loi n’est pas une loi, même si elle se présente ainsi du fait d’instances politiques et législatives. Ce n’en est pas une car personne n’a le droit d’éliminer un innocent. En cela, elle n’oblige pas. La droite raison ne peut admettre comme droit le fait de tuer une personne qui n’a commis aucune faute.

J’ai dit « raison », non religion. Car le droit d’exister d’une personne déjà conçue, même si elle n’est pas encore née, n’est pas une croyance de telle ou telle religion. On n’a pas besoin d’être croyant pour affirmer qu’un innocent a le droit d’être défendu et respecté dans son intégralité. La droite raison comprend qu’une personne, un être humain, ne peut ne peut être détruite par une responsabilité étrangère. Encore moins si c’est pour gagner de l’argent ou des voix. Le sens commun se rebelle.

C’est une tromperie d’affirmer que cette loi a été approuvée par la majorité du parlement et qu’elle est représentative de la majorité des citoyens ; ou de dire que si le Tribunal Constitutionnel la déclare conforme, ce serait désobéir que s’y opposer et que cela mériterait une sanction. La tromperie consiste à attribuer à des politiques, des juges ou des citoyens, un droit qu’ils n’ont pas. Et personne n’a le droit de légiférer sur le fait qu’on peut tuer un innocent. Quelle société subsisterait si on déclare que c’est un droit citoyen décidé par la majorité de tuer des innocents. Au mieux des suppositions, elle se convertirait en tyrannie, contre laquelle devraient réagir les personnes droites, selon le conseil de Gandhi : « Dès que quelqu’un comprend qu’obéir à des lois injustes est contraire à la dignité de l’homme, aucune tyrannie ne peut le dominer ». On ne peut le dire avec plus de sagesse. Parce que ce qui est en jeu, c’est que certains puissent dominer tyranniquement d’autres. Cela n’a pas d’importance que ces « dominateurs » portent un nom ou un autre.

Les grands penseurs de l’époque classique ont bien vu que toutes les lois doivent venir de la droite raison. Par exemple, Cicéron disait dans son fameux traité De Legibus (ndt au sujet des lois) : « La loi est la plus grande des raisons qui est insérée dans la nature humaine, laquelle ordonne ce qui doit se faire et interdit le contraire ». Plus près de nous, Einstein disait : « Il n’y a rien de plus destructeur pour le respect du gouvernement et la loi du pays que d’approuver des lois qu’on ne peut accomplir ». Avec son talent, bien des siècles auparavant Saint Augustin avait déclaré : « Je juge que ce qui est injuste ne peut être loi ». Montesquieu à partir d’une autre perspective a dit la même chose : « Une chose n’est pas juste par le fait d’être loi. Elle doit être loi parce qu’elle est juste ». Lui, en bon connaisseur des comportements sociaux, a su deviner que les politiques et les législateurs doivent présenter comme justes les lois injustes. En face d’une telle prétention, lui-même nous ouvre les yeux : « Il n’y a pas de pire tyrannie que celle qui s’exerce à l’ombre des lois et avec l’apparence de la justice ».

Je suis un simple citoyen, je ne suis ni un politique ni un magistrat. En outre, je suis responsable d’une communauté chrétienne. Depuis ce qui est ma double condition je veux faire un appel à la sagesse et au bon sens. Sortons à la rencontre de toutes les mères qui se trouvent en difficulté, et facilitons leur maternité avec tous les moyens dont nous disposons, qui sont nombreux. Et avec la même volonté, essayons d'arrêter ce fléau de l’avortement qui rien qu'en Espagne, a déjà détruit plus de personnes qu’il n'y a d’habitants à Saragosse, Cordoue et Burgos

† Francisco Gil Hellín
Arzobispo de Burgos


Note

Approuvée par le Parlement le 24 février, la loi dépénalisant l’avortement en Espagne est entrée en vigueur le lundi 5 juillet, dans l’attente d’une décision du Tribunal constitutionnel, qui pourrait suspendre provisoirement son application. Les femmes peuvent désormais avorter librement jusqu’à quatorze semaines de grossesse, et jusqu’à 22 semaines en cas de « risque pour la santé » de la mère et/ou « de graves anomalies du fœtus ».

(Source)