Le voyage en Grande-Bretagne est-il l'un, ou (exclusif) l'autre, ou les deux?
Pour y voir clair, un article de Gian Maria Vian, dans l'OR (*), qui parle de "la lumière gentille", et une interviewe du Père Lombardi.(21/9/2010)

Du point de vue populaire, le voyage a certainement été un immense succès, et nous ne bouderons pas notre plaisir, et notre joie pour le Saint-Père. Nous souvenant quand même qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, et que les sirènes des medias ne sont pas - et de loin - les chants des anges.
Le succès médiatique (par définition, un "prix" décerné par... les medias eux-mêmes) me laisse un peu plus sceptique.
De leur part, quelle surprise peut-il y avoir à "découvrir", plus de 5 ans après son élection, que Benoît XVI est non seulement "gentil" (ce qui est singulièrement réducteur), mais que c'est une personnalité exquise, et peut-être même sublime?

Il ne faut quand même pas oublier qu'avant chaque voyage, ces mêmes medias font TOUT pour écoeurer les gens, et surtout dissuader le Saint-Père de venir. Pour le faire taire? (la Turquie avait été jusqu'aux menaces de mort - remplacées ici par la menace d'arrestation - et je sais que beaucoup de catholiques avaient vécu dans la peur son départ vers la Sublime Porte).

Là, bien sûr, l'"ennemi" est contraint à une retraite en rase campagne, devant les faits. Question de stratégie.
Sandro Magister écrit, évoquant une victoire politique, médiatique et oecuménique (il oublie "populaire", la considérant peut-être comme acquise): "il suffit de lire les journaux anglais; il est impressioonant de voir que les mêmes qui, des mois durant, ont martelé l'Eglise catholique d'accusations et de polémiques, ont enregistré jour après jour les succès du pape avec des tons toujours plus respectueux et compréhensifs".

Plutôt que de "succès médiatique", il faut donc parler de "succès populaire" Ou plus exactement de succès personnel. Pas étonnant, si on le voit!

J'ai cité ici - et je répète que je l'ai beaucoup apprécié - l'article du blog de Frédéric Mounier, qui posait la vraie question "pourquoi"?
Parmi les commentaires, il y en a un qui est au moins un début de réponse (et je le vois sans aucune agressivité, mais avec réalisme):

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Mais, je pense que la réponse est toute simple :
les médias et les journalistes (..) sont à côté de la réalité de l’Église et surtout des gens.
Voilà,
ce Pape est en réalité très apprécié, pas particulièrement par "la Croix", et encore moins par d’autres médias, et vous en tombez des nues.
De plus, vous vous rendez compte que , peut-être, vous avez moins d’influence et d’emprise que vous ne l’imaginez sur l’esprit des personnes.

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Sur ce thème désormais rabâché, voici deux articles qui émergent du lot, par les personnalités concernées.

D'abord l'éditorial de Gian Maria Vian, le directeur de l'OR (*). Et puis une interviewe du Père Lombardi, dans la presse italienne.
Ce dernier, bien conscient du rôle des medias, n'en relève pas moins leur rôle positif dont on doit les remercier (ils ont un monopole!): les images de la télévion ont permis de voir le Pape. La BBC a fait son travail, et elle l'a bien fait. Ce sont quand même des "pros".

Gian Maria Vian



La lumière gentille (La luce gentile)

(Source)
(Je m'aperçois à l'instant que le texte est sur l'édition en français de l'OR !!! j'ai donc traduit pour rien... mais avec plaisir)
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Une Eglise qui chercherait à être attractive aux yeux du monde serait sur la mauvaise voie , parce que son devoir est de faire briller la lumière du Christ . Que les chrétiens de l'Orient appelle "joyeuse" ( phos hilaron ) dans la prière du soir et que John Henry Newman ressentit et décrivit comme «gentille» ( Kindly Light ) implorant d'être guidé par elle.
Dans cette clé - en fait annoncée par le Pape ux journalistes durant le vol vers l'Ecosse - l'itinéraire britannique de Benoît XVI a été un plein succès, comme de nombreux médias l'ont reconnu et rapporté, principalement au Royaume-Uni , mais pas seulement. Dépassant les analyses pleines de prévention qui annonçaient des jours difficiles, et ensuite les distorsions de l'information , qui visaient elles aussi à obscurcir le sens du voyage .
Le renversement des prévisions , évident dans l'accueil et dans l'attention de ceux qui, durant ces derniers jours, ont vu et entendu le pape , doit être attribué à la façon dont Benoît XVI s'est présenté dans cette visite: avec simplicité et ouverture. Qui se percevaient immédiatement sur son visage et dans ses paroles , placées dans le sillage de cette tradition d'"enseignement gentil" (gentle scholarship), né à l'époque médiévale et qui arrive jusqu'à Newman .
Grâce aux medias, qui ont largement relancé, dans un grand pays désormais caractérisé par une société multiethnique, les gestes et les moments d'un parcours parfaitement organisé , de nombreuses personnes ont pu voir le pape Benoît s'adresser aux personnes âgées et s'entretenir avec eux "surtout comme un frère", caresser les enfants avec douceur - comme le dernier jour, à la sortie de la nonciature , un enfant aveugle dans les bras de sa mère , émue aux larmes et qui ne cessait de remercier - et adorer le Saint Sacrement dans le silence impressionnant de quatre-vingt mille jeunes réunis pour la veillée, quelques heures avant la béatification du cardinal Newman .
Et justement, la tendresse de Benoît XVI envers les petits et les faibles , explique ses paroles fortes - renouvelée et répétées - face aux crimes des abus sur les enfants par les membres du clergé , sa rencontre avec des victimes, et une autre avec un groupe de personnes impliqués dans la protection des enfants .
Ici, l'épiscopat britannique, qui collabore avec les autorités civiles, est exemplaire , en ligne avec une longue tradition de soins et d'éducation des jeunes qui est historiquement le mérite indéniable de l'Eglise catholique et ses institutions à travers le monde .
Il s'est agi, en résumé, d'un voyage historique, marquée par la visite officielle et cordiale à Elizabeth II , souveraine, universellement estimée, la rencontre solennelle avec les autorités civiles à Westminster Hall , où le pape a rendu hommage à l'institution parlementaire britannique , et des entretiens avec plusieurs leaders politiques et avec le Premier ministre David Cameron , qui dans le discours de congé a souligné la contribution positive de la religion dans le débat public.
En conclusion, une visite d'Etat qui s'est révélée - y compris par l'amitié avec l'archevêque Rowan Williams - très importante pour le développement des relations avec les anglicans , avec les représentants des autres confessions chrétiennes et d'autres religions . Et surtout , dans laquelle Benoît XVI a laissé transparaître la lumière gentille qui, comme elle a illuminé Newman , guide chaque être humain.

Gian Maria Vian
(©L'Osservatore Romano - 20-21 settembre 2010)

Interviewe du Père Lombardi

"Le pape vu à la télévision dans son humilité "
Carlo Marroni
(Source)
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"L'une des clés de la réussite de ce voyage? Le pape a été vu à la télévision en direct et en continu pendant quatre jours par tout un peuple , ainsi que par beaucoup qui étaient accourus et l'ont vu en personne, et il a été compris pour ce qu'il est vraiment "

Le père jésuite Federico Lombardi a été l'un des «ombres» de Benoît XVI durant le voyage en Grande-Bretagne qui s'est achevé dimanche soir , et qui, contrairement aux prévisions de la veille - en particulier des medias anglais - est désormais considéré comme un succès tant de participation ( un total de 600 mille personnes ) que d'accueil politique et religieux.

- Un effet-Ratzinger totalement inattendu ?
- Ce n'est pas étonnant , déjà dans le passé, on a vu la même chose pour d'autres voyages , de la Turquie aux États-Unis , des voyages qui avaient été précédés de prévisions similaires à celles-ci. A chaque fois, le pape ne veut pas être une star, cela ne correspond pas à sa personnalité , à son ministère et à son désir . Toutefois , il est certainement heureux d'être connu et vu pour ce qu'il est vraiment .
En effet, il est perçu par beaucoup comme le sévère théologien allemand.
Le Pape n'est pas seulement un grand professeur, un homme de culture comme chacun le sait , mais il est aussi un homme humble, gentil, sensible, qui veut s'approcher des autres avec une profonde humanité . Pendant le voyage, il a été compris par beaucoup, surmontant ce qui pouvait être des préventions contre lui, ou un manque de connaissances .
Et cela, grâce aussi à la TV: la BBC et Sky ont diffusé chaque moment du voyage .
Nous la critiquons souvent , à juste titre , pour plein de choses que la télévision fait, mais en réalité elle peut aussi rendre des services merveilleux , montrant combien de personnes étaient présentes, mais aussi en gros plan le visage et la personne du Saint-Père avec ses attitudes .

- Ce n'était pas la première fois?
- Dans son voyage en Turquie, les images filmées, en particulier dans la Mosquée Bleue , ont été déterminantes pour comprendre son attitude amicale et respectueuse envers le monde musulman . Aux États-Unis , les images télévisées du pape sur la Cinquième Avenue , son sourire , son amour pour les gens , sa gentillesse , ont suscité l'enthousiasme et - disons - l'amitié et la cordialité du peuple américain .

- Il en a été ainsi aussi au Royaume-Uni?
- Les images ont aidé les gens à comprendre et souvent à changer l'opinion souvent préventive qu'ils avaient auparavant du Pape et donc, nous pouvons le dire, à l'aimer et à être plus prêts à entendre son message correctement.
La manifestation , plus de 10 mille personnes (??) , a été l'une des plus grandes jamais vues.
Il n'y a rien de surprenant , étant donné qu'il s'agissait d'un événement annoncé et préparé depuis longtemps . Le Pape regarde avec respect même ceux qui sont en désaccord , et donc reconnaît sûrement la liberté de le faire, qui est par ailleurs dans la tradition britannique.

- Et la pédophilie?
- C'était un thème attendu et il a été abordé, avec une nouveauté : en plus des victimes, il a rencontré ceux qui oeuvrent dans l'Eglise pour la protection des jeunes , ce qui est une façon d'envisager l'avenir , au-delà de ce qui s'est passé dans ces années terribles . Cela a été également une indication de méthode . On part de l'écoute et de la compréhension des victimes , puis les crimes, on fait justice, et on crée un environnement renouvelé afin que ces événements ne se reproduisent pas " .

- Le message le plus fort a été celui sur la relation entre religion et politique , prononcé à Westminster Hall?
- L'image de cette immense assemblée écoutant attentivement les paroles du pape dans un lieu historique et où aucun pape n'avait jamais parlé , il me semble que cela exprime bien l'un des points clés de ce voyage .
Un message qui insiste sur le rôle public de la religion : le pape a également utilisé une image forte quand il dit qu'il y en a voudraient même abolir Noël .

- De manière lucide, il a "mis le feu"aux risques de cette tendance , avec une des références simples et concrètes , telles que les fêtes de Noël
- La bataille contre le relativisme , défi très "occidental" , d'autant plus que dans cet objectif a été créé un nouveau dicastère du Vatican, a trouvé un terrain commun avec les anglicans .
C'est là que réside la racine réelle qui nous unit , un dialogue oecuménique très fécond avec les autres aussi , je pense par exemple aux luthériens en Allemagne .

- Une visite également marquée par l'arrestation de cinq personnes soupçonnées de terrorisme , qui s'est immédiatement révélée très alarmiste.
- Je ne juge pas l'action des forces de police , qui font bien leur travail . Mais il était aussi clair tout de suite que rien ne serait changé dans le programme .

© Copyright Il Sole 24 Ore, 21 Septembre 2010.

(*) Notes

A archiver:

Le n° historique de l'OR daté du 20-21 septembre, archivé ici:
-> La première page: 217q01.pdf [383 KB]
-> Les articles: or2021settembre2010.pdf [2 192 KB]