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MORT D'OTTO DE HABSBOURG
 

Une grande page de l'histoire de l'Europe, du monde et de la chrétienté, se referme. Dans la Bussola, Oscar Sanguinetti nous raconte de façon brève, mais magistrale, l'histoire de cette famille de petite noblesse, venue de Suisse, et qui a dominé le monde. Les condoléances du Pape, une video exceptionnelle de KTO, et un souvenir personnel. (10/7/2011)




 

Otto de Habsbourg et son épouse l'archiduchesse Regina d'Autriche, née princesse de Saxe-Meiningen, décédée en 2010

 

Le pape adresse ses condoléances à la famille d’Otto Habsbourg-Lorraine
(La Croix)
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Le pape Benoît XVI a adressé ses condoléances et exprimé sa "peine profonde" à la famille d’Otto Habsbourg-Lorraine, fils du dernier empereur d’Autriche-Hongrie, Charles Ier, décédé le 4 juillet à 98 ans. Dans un télégramme adressé à Karl Habsbourg-Lorraine, fils aîné d’Otto, Benoît XVI, d’origine allemande, qualifie Otto Habsbourg-Lorraine de "grand Européen engagé pour la paix". "Dans une longue et riche vie, l’archiduc Otto est devenu un témoin de l’histoire mouvementée de l’Europe".




 

Les armoiries des Habsbourg au temps de la couronne..

 

Benoît XVI, qui a également adressé sa "bénédiction apostolique" à la famille des Habsbourg-Lorraine, sera représenté aux funérailles, le 16 juillet à Vienne, par le cardinal-archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, qui célébrera un Requiem à la cathédrale Saint-Etienne. L’urne funéraire du cœur du défunt sera, selon ses vœux, inhumée dimanche 17 juillet à l’Abbaye bénédictine hongroise de Pannonhalma, près de Budapest.

Otto Habsbourg-Lorraine, fervent croyant, était un Européen convaincu, ayant siégé au Parlement européen de 1979 à 1999 pour le compte de l’Union chrétienne-sociale bavaroise (CSU). Il était également président de l’Union internationale Pan-Européenne.




 

Au service des peuple convertis à l'Evangile
Oscar Sanguinetti
http://www.labussolaquotidiana.it/...
09/07/2011
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La nouvelle de la mort d'Otto - «Ottone», écrit L'Osservatore Romano du 5 Juillet (ndt: le suffixe "one", en italien, a une fonction d'amplification, on pouurait traduire par "le grand Otto") - de Habsbourg, bien qu'amplement prévisible - il avait 98 ans - se prête de toutes façons à plusieurs remarques.
La première - et peut-être l'unique - impression que l'événement suscite d'abord (en français dans le texte) , et presque obligatoirement, est celle d'être face à une fin, la conclusion d'un cycle historique.




 

Otto et son père, Charles 1er Charles d'Autriche a été béatifié en 2004 par JP II. Le procès en béatification de son épouse Zita s'est ouvert en 2010

 

Certains pourraient dire "la énième" fin , puisque le même sentiment a dû sans doute être éprouvé, lorsque Charles 1er d'Autriche, le père d'Otto, se retrouva tout à coup, sans avoir abdiqué, à la tête d'un empire qui n'était plus, d'un royaume dissous par la défaite dans la Seconde Guerre mondiale, et, dans un court laps de temps, expulsé de sa patrie et dépouillé de tous les biens familiaux.
Et peut-être, encore, quand sa tentative de restauration du trône hongrois, dans la tumultueuse année 1921, échoua pour la deuxième fois.

Mais à coup sûr, encore et encore plus, quand le jeune et saint souverain ferma prématurément les yeux, à Madère, l'année suivante.
La mort de Charles, en effet, referme l'histoire du long règne d'un lignée qui s'était mise au service d'un peuple, puis de nombreux peuples différents, d'une dynastie qui a offert son épée et son génie politique à l'idéal élevé de la Sainte République romaine, dans le cours difficile et troublé de l'âge moderne et contemporain. Et elle ne marque pas seulement l'éviction du pouvoir d'une dynastie - il y en a eu beaucoup ... -, mais la disparition même de l'idée d'un pouvoir laïc, mais sacré, sur le modèle de l'autorité de la famille et soumise aux mêmes lois de perpétuation que celle-ci.
Après lui viendra le temps des idéologies, des régimes anonymes et bureaucratiques, des totalitarismes omniprésent, des peuplesréduits à des masses hétéro-dirigées, en perpétuel conflit.

Il est vraiment instructif de reparcourir la parabole de ces petits nobles «suisses» , qui, depuis le manoir retiré de Habsbourg, dans le canton d'Argovie, peu à peu, avec patience et astuce, génération après génération, mariage après mariage, héritage après héritage, guerre après guerre (ndt: on ne peut pas ne pas penser aux Capétiens!), au cœur du Moyen Age, autour de l'an 1000, montent dans la hiérarchie sociale, conquièrent des territoires toujours plus grands, les disputant aux cantons suisses en voie d'émancipation de l'Empire. Et de la Suisse, ils se déplacent de plus en plus vers l'est, vers le monde germanique, accumulant des prérogatives politiques et des pouvoirs territoriaux à chaque fois plus grands.
Le point culminant de cet itinéraire sera au XIIIe siècle - avec Rodolphe - puis à nouveau au XVIe siècle - avec Maximilien 1er - l'accès à la plus haute magistrature de la chrétienté, le Saint Empire Romain, cette "architecture politique chrétienne universelle" pensée comme la coquille qui abrite et défend de l'ennemi extérieur l'entière famille des peuples convertis à l'Évangile et dans le même temps, agit comme un organe d'arbitrage suprême en leur sein.

L'axe géopolitique de la dynastie , au fur et à mesure de son ascension, se déplacera vers l'est, vers l'Europe du Danube, atteignant à peu près à l'Autriche et au Tyrol actuels. Et de là, elle étendra ses ramifications vers le nord, vers ce qui deviendra les Pays-Bas austro-espagnols, faisant un grand bond en avant avec le mariage de Jeanne de Castille et de Philippe 1er, fils de Maximilien 1er et archiduc de Bourgogne, par lequel se réalisera la soudure entre les royaumes hispaniques et les domaines des Habsbourg.

Peu après, leur deuxième fils, Charles Quint sera élu au trône de Charlemagne. Le vaste empire austro-hispanique, non seulement saint et romain, qui en naîtra, continuera à ses débuts de se développer vers l'étranger, donnant naissance à la catholique Nouvelle-Espagne, sans fin, qui s'étend des plaines de l'Amérique du Nord à la Terre de Feu.




 

L'empire des Habsbourg en 1600 (http://www.memo.fr/)




 

Cependant, comme toutes les étoiles, celle des Habsbourg aussi, après l'apogée, connut son crépuscule. Il y avait trop d'ennemis: les princes protestants, les Turcs ottomans, les réformateurs religieux, les puissances coloniales antagonistes, la puissance de la Maison des Bourbons, en France.
Il y aura un déclin, mais un déclin qui durera deux siècles. Les éclats du Siècle d'Or finis, les Habsbourg, en 1700, ayant perdu l'énorme pars occidentis (1) , se concentrèrent sur la pars orientis , créant un vaste et solide royaume dans la zone Alpes-Adriatique-Danube, dont le principal mérite sera de contenir l'Asie islamique à ses portes, sans oublier la lutte ultérieure sans merci contre le césarisme révolutionnaire de Napoléon.

Les Habsbourg conserveront pendant plus de 368 années les insignes impériaux: ils ne s'en déferont que lorsque se manifestera l'éventualité que la couronne sainte et romaine passe sur la tête de l'autocrate corse. Alors, en 1806, François II de Habsbourg, laissera de côté pour toujours la couronne auguste surmontée d'une croix.

Au XIXe siècle, l'empire des Habsbourg sera configuré comme un grand royaume d'Europe centrale, multinational, multiethnique et multi-religieux, qui pendant des décennies parviendra à être un modèle de bonne administration et de coexistence heureuse entre les peuples, au moins autant que cela est possible in hac lacrimarum valle (dans cette vallée de larmes). Les renaissances (Risorgimenti) nationales, d'abord, le virus nationaliste ensuite, l'attaquèrent à plusieurs reprises, jusqu'à réussir en 1914 à Sarajevo, à tuer l'héritier de François-Joseph, déclenchant le massacre effrayant et inutile de la Première Guerre mondiale.

De la guerre, malgré les efforts de paix du souverain , l'Empire des Habsbourg sortira dissous, de même que l'Empire germanique, l'Empire russe et l'Empire ottoman. Le centre de l'Europe souffrira de la disparition du grand et ordonné organisme austro-hongrois et, dans le vide créé, germeront les haines nationales et incubera le totalitarisme violent du National Socialisme, qui jettera l'Occident dans un grand, et encore plus dévastateur conflit.

Et l'âme européenne, de Joseph Roth à Franz Werfel, de Robert Musil à Alexander Lernet-Holen, chantera avec mélancolie et nostalgie la "finis Austria", l'effondrement d'un monde idéalisé certes, mais plein de charme, et non sans raison de regret.

L'archiduc Otto, fils aîné du bienheureux Charles, a été six ans durant le Thronfolger effectif, l'héritier du trône. Le bel enfant blond que l'on voit dans les photos avec ses saints parents, sur les genoux d'un orgueilleux François-Joseph, et spectateur contrit et un peu apeuré, aux funérailles de ce dernier, dans la Vienne grise et angoissée de Novembre 1916, sera en un certain sens, Otto plutôt que Charles, vraiment le «dernier des Habsbourg», l'ultime, même potentiel, empereur d'Autriche et roi de Hongrie.
Même s'il ne régnera pas, il saura toutefois tenir fermement - aux côtés de sa mère, l' énergique Zita de Bourbon-Parme - durant les longues années de l'exil, les rênes de la famille toujours plus nombreuse et appauvrie, spécialement en l'aidant à garder la foi chrétienne de ses ancêtres, et en l'empêchant de suivre le sort peu brillant de nombreuses Maisons européennes.

Il ne se soustraira pas non plus aux multiples honneurs publics que l'histoire de l'Europe du XXe siècle imposait à celui qui était l'héritier charnel et moral des grands hommes qui avaient dirigé l'Empire. Dans le militantisme du national-socialisme de l'autrichien Adolf Hitler, qui détestait viscéralement la dynastie, et dans l'idéal européen, Otto cherchera à insuffler les idéaux chrétiens, les desseins de paix et d'union de ses saints parents, ainsi que le capital d'expérience politique accumulé au cours des siècles par sa famille.

Otto disparaît, presque centenaire, mais les Habsbourg continuent.
L'espoir est que la mémoire de la grandeur des idéauux qu'ils ont personnifiés pendant des siècles ne disparaissent pas, et que reste toujours vivante parmi eux la vocation de servir l'Europe et l'Eglise.




 

Hors-Série de KTO
Entretien - Otto de Habsbourg
Diffusé le 01/07/2008 / Durée 52 mn
http://www.ktotv.com/...
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A l'occasion de la Présidence française de l'Union Européenne en 2008, Otto de Habsbourg-Lorraine donnait une interview exclusive à KTO. Ce fut l'un de ses derniers entretiens télévisés. Devenu à 66 ans député du Parlement Européen, après un parcours atypique, le fils de Charles Ier d' Autriche, dernier empereur d'Autriche-Hongrie, s'était consacré pendant 20 ans à la construction européenne. Otto de Habsbourg est décédé le 4 juillet 2011 à l'âge de 98 ans.
(entretien mené par la toujours remarquable Philippine de Saint-Pierre)




 



Une messe de requiem pour l'archiduc à Nancy

Un office a été célébré en l’église des Cordeliers pour le repos éternel d’Otto de Habsbourg-Lorraine.
Un solennel et vibrant hommage à celui qui a toujours associé la Lorraine à son nom.

(Très bel article de L'Est Républicain)
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350 personnes ont pris place, aujourd'hui, en fin de matinée, dans l’église des Cordeliers à Nancy, pour la messe de requiem à l’intention d’Otto de Habsbourg-Lorraine. Au premier rang, maire et adjoints, ainsi que Dominique Flon, président de la Société d’Histoire de la Lorraine et du Musée Lorrain et le baron Bernard Guerrier de Dumast, proche du défunt. L’office était concélébré par les prêtres de l’Oratoire saint Philippe de Neri et présidé par le père Bruno Gonçalves. L’homélie a été prononcée par le père François Weber sur le sens de l’Histoire et la page écrite par l’archiduc, homme d’honneur et de devoir dont toute l’existence a été réglée par sa vision paneuropéenne et son haut sens moral. Un homme très attaché à la Lorraine, terre de ses ancêtres où il se maria et célébra ses noces d’or. Dans ses intentions de prière, le baron Guerrier de Dumast a évoqué cette « proche sollicitude » qu’il n’a jamais cessé de témoigner aux Lorrains. Un lien fort qui se ressentait dans la digne émotion et le recueillement ayant marqué cette cérémonie rehaussée par les chants, a capella, de la chorale d’hommes Vox pop.




 

Hommage à l'archiduc Photo P. MATHIS pour l'Est Républicain




Note

(1) La guerre de Succession d'Espagne a opposé de 1701 à 1714 la France et l'Espagne à une coalition européenne. L'enjeu en était le trône d'Espagne et, à travers lui, la domination en Europe. Dernière grande guerre de Louis XIV, elle permit à la France d'installer un monarque français à Madrid : Philippe V, mais avec un pouvoir réduit, et le renoncement, pour lui et pour sa descendance, au trône de France, même dans le cas où les autres princes du sang français disparaîtraient. Ces conditions ne permettaient pas une union aussi étroite que celle qui était espérée par Louis XIV. La guerre de succession donna néanmoins naissance à la dynastie des Bourbons d'Espagne, qui règne toujours aujourd'hui. (wikipedia)




Un souvenir de voyage

Vu à Cortina d'Ampezzo Une plaque, sur le mur d'une église. L'administration autrichienne réquisitionnait les cloches de bronze pour les fondre, afin d'en faire des canons... La plaque dit: "En souvenir de Charles d'Autriche qui, le 24 novembre 1917, épargna le superbe concert de ces cloches, dans le premier anniversaire de sa béatification, en présence de son fils, Otto de habsbourg, la population d'Ampezzo reconnaissante. 3 octobre 2005




Et une image qui reste dans mon coeur

Otto et Regina à Mariazell avec le Pape, le 8 septembre 2007




 

Une image belle et émouvante que je garde du Chef de la Maison des Habsbourg est celle d'un vieil homme revêtu, comme des dizaines de milliers de pélerins, d'un poncho de plastique, venu avec son épouse suivre Benoît XVI sous la pluie battante de Mariazell, le 8 septembre 2007. http://benoit-et-moi.fr/2007/




Le voyage en enfer d’Omar Ben Alala | Premier Angelus à Castelgandolfo