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MORT D'UN ÉVÊQUE, AU SUD SOUDAN
 

Mgr Cesare Mazzolari, un vrai missionnaire: un beau texte de Sandro Magister sur son blog personnel, Settimo Cielo. Comment et pourquoi, en Afrique, l'Eglise n'est pas une simple ONG. Et comment, en Europe, nous devons aborder les relations avec les musulmans (17/7/2011)

Article en italien ici: magister.blogautore.espresso.repubblica.it/..




 



 

Mgr Cesare Mazzolari, un vrai missionnaire
16 Juillet 2011
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Quelques jours après avoir porté sur les fonds baptismaux sa chère nouvelle nation du Sud Soudan, Mgr César Mazzolari, 74 ans, originaire de Brescia, missionnaire à Rumbek, est mort alors qu'il célébrait la messe, dans la matinée du samedi 16 Juillet (1).
Mgr Mazzolari était un vrai missionnaire. De ceux à l'ancienne. Qui sont donc les seuls à savoir indiquer la voie juste à ceux qui en recueilleront le témoignage.

Pour le comprendre, voici quelques extraits de sa dernière interviewe, recueillie par Lorenzo Fazzini dans un livre qui lui est dédié, tout frais sorti: “Un Vangelo per l’Africa. Cesare Mazzolari, vescovo di una Chiesa crocifissa“ (Un Evangile pour l'Afrique. Caesar Mazzolari, l'évêque d'une Eglise crucifiée).

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La mission, une question de foi

Le substrat authentique, pour nous, missionnaires, c'est la foi: une foi qui nous permet d'avancer même quand on ne voit pas de succès tangible, qui nous rende capables de nous engager même dans l'isolement, et quand nous rencontrons chez les gens un sentiment de défi. La culture africaine, de par sa nature, nous met à l'épreuve: par exemple, les gens ici veulent voir si nous sommes soumis, si nous leur donnons de l'argent à chaque fois qu'ils le réclament. Alors qu'ils doivent apprendre que l'argent, nous le leur donnerons quand ils auront fait leur travail; il faut être résolu et presque dur, parce qu'eux-mêmes, dans leur culture, avec leurs enfants sont beaucoup plus sévères que nous, la douceur n'est pas une vertu ici.

Les gens savent que nous attrappons la malaria comme eux, et pourtant, que nous restons ici. Je crois que le fait que nous restions avec eux et que nous essayions de les aider, même de façon limitée, signifie quelque chose de précis pour les Africains: "Vous aussi, vous êtes importants".
Quand nous avons construit le dispensaire pour les lépreux ici à Rumbek, tout le monde a dit: "Maintenant, les lépreux sauront qu'ils sont des gens importants car ils ont un endroit pour eux".
Quand vous voyez qu'il vous manque tout, la dignité, les moyens, l'identité, et qu'en même temps, vos constatez que quelqu'un prend soin de vous, se soucie de, vous aide, éduque vos enfants, en leur offrant un avenir, alors vous réalisez que vous valez quelque chose... La vie missionnaire devient chez le missionnaire une seconde nature. Cela se passe comme avec n'importe quelle maman, qui aime plus que tout son fils malheureux et malade, celui qui souffre le plus. Spirituellement, il se passe la même chose: là où tu paies, ta générosité s'accroît. C'est un fait que le monde ne comprend pas. Parce que ce que nous payons, nous le payons avec le coeur, sans compter. Nous, missionnaires, nous n'aimons pas jouer les victimes. Mais il n'y a pas d'autre explication: tout vient d'une vocation, que nous ne nous sommes pas donnée à nous-mêmes, et qui n'est pas non plus soutenue uniquement par notre inclination naturelle, ou notre bonne volonté. C'est quelque chose que Dieu nous a donné. D'autre part, cette vocation ne vaut pas une fois pour toutes, nous devons demander chaque jour à perséverer. Ce n'est pas la routine qui nous fait continuer, mais la grâce du Seigneur.

Nous ne sommes pas une ONG

Oui, les gens qui font le bien, il ne sont pas pléthore. Certains nous bassinent avec ce qu'ils font, vu qu'ils viennent avec de gros moyens. Mais ces «bienfaisants» qui viennent ici ne garantissent pas la continuité. Ils rentent chez eux et écrivent un beau livre sur ce qu'ils ont fait, et peut-être gagneront-ils aussi beaucoup d'argent. Mais les gens ici ne s'améliorent pas pour autant.
Ce que nous voulons obtenir, nous, en tant que missionnaires, ce n'est pas seulement un "agir" extérieur: le simple fait de construire ne signifie pas la promotion humaine, ni ne constitue un authentique développement. Ce qui crée le changement, c'est le sacrifice de la personnes qui, en venant ici, s'oublie un peu elle-même et se consacre aux autres. Nous avons reçu beaucoup d'aide de ces bons bénévoles, pour les lépreux, les tuberculeux, en somme pour tous ceux qui sont structurellement handicapés et ont besoin d'activités qui agissent en profondeur. Mais celui qui vient au Soudan pour faire un peu de bien et de solidarité, et puis s'en va, laisse un trou dans l'eau: mon expérience me le confirme. Bien sûr, ces personnes et ces organisations, en cas d'urgence, sauvent de nombreuses vies humaines, mais la manière des missionnaires est différente dans son approche: un lépreux ne peut pas être soigné seulement trois jours, puis laissé à lui-même. C'est pourquoi de nombreux bénévoles nous ont confié leurs oeuvres, car ils savent que l'Eglise reste ici, et reste encore; et l'Eglise affronte tout: les missionnaires sont restés ici pendant toute la guerre, sous les bombardements. Nous nous sommes déplacés à pied avec des gens, et quand cela a été possible, nous sommes retournés dans nos missions, que nous avions quittées.

Comment faire avec les musulmans en Italie

Il est difficile de traiter avec un peuple comme les musulmans. Il faudrait connaître davantage leur histoire, disposer d'une législation plus sélective pour voir si nous pouvons en faire des citoyens italiens, de manière à ce qu'ils s'intègrent vraiment: une chose qui n'est certes pas facile. Sans les connaître, nous sommes allés, dans certains cas, jusqu'à leur offrir notre église pour qu'elle devienne une mosquée. Nous n'avons pas compris que les musulmans sont possessifs et envahissants, et qu'ils finissent par créer des troubles et de la confusion; ils n'ont aucun respect pour les personnes qui ne sont pas des leurs. Nous avons conclu un pacte avec les yeux fermés, pratiqué l'hospitalité aveugle, mal informés, qui a ensuite amené chez nous aujourd'hui des éléments que nous ne savons pas comment traiter. A l'avenir, ils s'empareront du commandement de beaucoup de choses, et déjà maintenant nous ne savons pas comment nous comporter avec eux. Les différences sont remarquables: au niveau du comportement sexuel, de la façon de travailler, sur le plan culturel. Maintenant nous commençons à voir tous les aspects de leur tradition, qui est complètement différente: la nourriture, la société, le travail.

Il n'est pas juste qu'un enfant qui ne sait pas encore l'italien soit admis au cours préparatoire et fasse souffrir toute la classe parce que le maître doit s'occuper de lui. S'il y a sept ou huit enfants comme cela dans une classe, ils ralentissent tous les autres. Nous devons créer un système qui, au moins linguistiquement, les mette à égalité avec nos enfants italiens. Ce que j'ai décrit est un abus que l'on tolère. Après, il arrive qu'on s'en prenne à ces immigrés. Finalement, le problème, c'est que nous perdons le respect de notre propre culture italienne, qui a de profondes racines chrétiennes; nous avons renoncé à notre tradition pour être "buonistes". Nous avons été trop permissifs et maintenant, nous nous en repentons.

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Sur la relation avec l'Islam, que l'évêque Mazzolari a connu en personne dans le Soudan déchiré par la guerre www.chiesa a publié en 2004 une interview réalisée par Stefano Lorenzetti: " Choc des civilisations? Nous n'en sommes qu'au commencement". (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1335843 ) (à traduire!!)




Note

(1) Le site Vatican Insider rapporte qu'au moment de la Consécration, Mgr Mazzolari a été pris d'un malaise. Transporté à l'hopital de la ville, les médecins n'ont pu que constater son décès. Il venait tout juste de participer aux cérémonies de l'indépendance du Sud Soudan, indépendance pour laquelle il s'était prodigué.
Né en 1937 à Brescia, combonien, il avait été ordonné prêtre en 1962. A Cincinnati, aux USA, il avait oeuvré parmi les noirs et les mexicains.
Il était arrivé au Soudan en 1981.
En 1990, il est devenu administrateur apostolique de Rumbek (3 millions d'habitants).
La même année, il fait libérer 150 très jeunes esclaves.
En 1991, il rouvre la mission de Yirol, la première d'une longue série: certaines d'entres elles devront être ensuite abandonnées, sous la pression de la guerre soudanaise.
En 1994, il est capturé et pris en otage par le SPLA, groupe armé indépendantiste, en lutte contre le gouvernement de Karthoum.
Le 6 janvier 1999, il est ordonné évêque par JP II.




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