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UN RÉSISTANT AU PAYS DE CASTRO
 

Témoignage d'un prêtre "résistant de la vocation sacerdotale" sur le site Religion en Libertad, traduit par Carlota (12/9/2011).




 
 

L’histoire d’une résistance

Des curés autrichiens et leurs ouailles lancent un ultimatum au Pape ! Les tribunaux berlinois interdisent que des affiches « Bienvenue au Pape » soient placardées sur des panneaux de la capitale allemande (ici) . Des témoignages d’une valeureuse résistance, sans doute !
Le père Alberto Reyes Pías vient, quant à lui, de faire paraître en Espagne un livre intitulé « Histoire d’une résistance ». qui n’est pas tout à fait la même.
Mais je laisse la parole au journaliste Jesús García de Religion en Libertad qui s’est entretenu avec l’auteur (original ici)




 

-Père Alberto, vous présentez ces jours-ci à Madrid, le libre intitulé “Histoire d’une résistance”. À quelle résistance faites-vous référence ?
-À mes résistances à Dieu. Je ne crois pas qu’il soit difficile de savoir ce que Dieu veut de nous, mais c’est autre chose d’assumer ce que Dieu veut. Le christianisme est difficile parce qu’il demande que nous sortions de nous-mêmes le meilleur de nous. Pour moi Dieu est comme un entraîneur exigeant qui te demande le maximum, et face à cela il est facile de résister. J’avais ma vie « faite, programmée, contrôlée », et un jour j’ai senti que Dieu avait changé mes plans, et je me suis retourné contre lui.

- Vous lui avez cependant cédé. Dieu est irrésistible ? Pourquoi ?
- Quand on a vu la lumière on ne peut rester indifférent. Quand une personne fait l’expérience de Dieu et s’est sentie touchée par Lui, elle comprend ce qui cela signifie que Dieu est irrésistible : tu commences à avoir soif de Dieu, tu comprends que c’est le meilleur point de référence, tu perçois une harmonie interne que tu ne rencontres nulle part ailleurs, et tu te rends compte de ce que l’autre t’importe. Néanmoins tu conserves la liberté de dire non à Dieu, même si le prix en est une sensation de vide et un non sentiment existentiel.

- Dans votre livre, le mot amour apparaît partout. Vous vivez depuis votre naissance sous un régime totalitaire (Ndt précision d’importance, le Père Alberto Reyes Pías, né en 1967, est cubain,) qui a assassiné et enfermé dans des prisons des frères à vous, des amis, de la famille plus ou moins proche. Est-il possible d’aimer dans un tel environnement ?
-Il est possible de vivre dans une attitude d’amour, toujours, parce que faire le bien et non le mal est une option, difficile parfois, mais jamais impossible. D’autre part, le christianisme n’est pas une philosophie ni le fruit d’une connaissance, mais c’est suivre Quelqu’un de vivant et personnel, et quand ta vie se tisse autour de la vie de Jésus, il t’est plus facile de comprendre, et la compréhension amène au pardon et le pardon ouvre les portes à l’amour.
En outre, s’enfermer dans la haine et dans la rancoeur ne sert à rien, au contraire, cela empêche que grandisse ce que nous avons de meilleur à l’intérieur de nous-mêmes. Essayer de comprendre pour s’ouvrir à l’amour, à partir de cela, entre autres choses, c’est un acte d’intelligence.

- Pourquoi est-il arrivé au peuple cubain ce qui lui est arrivé ces 52 dernières années?
-Le peuple cubain a été trompé. Fidel s’est toujours présenté comme un meneur démocrate populaire et c’est seulement quand il est arrivé au pouvoir qu’il a manifesté son intention de porter Cuba sur les chemins du marxisme, mais le peuple n’avait pas lutté pour cela. Pourquoi a-t-il eu du succès ? En partie parce que Fidel a imposé sa volonté depuis le pouvoir, en écrasant sans pitié tout ce qui mettait contre lui. Mais aussi parce une grande partie de mon peuple était fasciné par les promesses d’un monde meilleur bien que ces promesses exigeaient l’exclusion de Dieu. Mon peuple a tourné le dos à Dieu et un peuple qui tourne le dos à Dieu ne peut pas avancer.

-Quand vous aviez 9 ans (ndt donc en 1976, à l’apogée de l’extension mondiale du communisme, tout au moins au niveau territorial), votre mère vous a engagé à choisir si vous étiez disposé à mourir pour la foi ou non. Vous nous en parlez?
-Je venais de commencer l’année scolaire et j’avais une nouvelle maîtresse. Un jour, à la suite d’un de mes commentaires dont je ne me souviens pas, elle m’a dit : « Tu es religieux ? » Et je lui ai répondu: « Oui, mais ne le dîtes pas ».
Je me suis senti très mal avec ma réponse et quand je suis arrivé à la maison, je l’ai raconté à ma mère. Ma mère a toujours été une femme plein de joie et de mouvements, mais je me rappelle qu’elle m’a regardé dans les yeux, très sérieuse et qu’elle m’a dit : « Si tu veux continuer à aller à l’Église, il faut que tu sois prêt à ce qu’on te tue. Sinon, tu n’y vas plus».

- Ça a été peut-être le meilleur catéchisme de votre vie?
-J’ai ressenti beaucoup de rage pour ce qui s’était passé, mais depuis ce jour je me suis juré que jamais personne ne me ferait renier ma foi, et que depuis ce jour, personne ne m’emmènerait à l’Église mais que j’irais moi, parce que je le voulais. J’ai toujours pensé que c’est ce jour-là qu’est née ma foi personnelle.

- Dans votre expérience l’on vous entend facilement parler de deux événements qui marquent votre vocation de prêtre et votre vie. Une d’entre elles est le Chemin de Saint Jacques de Compostelle et l’autre des JMJ de Cologne. Pour quoi elles vous ont tant marqué ?
-Chronologiquement les JMJ de Cologne ont précédé le Chemin de Saint Jacques. Je n’avais jamais été à des JMJ et Cologne m’a fait « voir » : voir des jeunes du monde entier exprimant avec plaisir leur foi, les voir prier à genoux devant le Saint Sacrement ou dans la boue, parce qu’il n’y avait pas assez de place dans la chapelle la nuit de la veillée.
J’ai confessé beaucoup de gens et la confession te fait toucher le plus intime de l’âme des personnes. Et moi je me suis dis : « Les jeunes croient, les jeunes ont la foi ». Et j’ai compris deux choses : l’une, c’est que c’est un mensonge de dire que les jeunes n’ont pas la foi ou ne se sentent pas comme faisant partie de l’Église ; et l’autre c’est que la plus grande victoire de cette société sur beaucoup de jeunes c’est de faire qu’ils aient honte de leur foi, qu’ils étouffent leur identité chrétienne.
Le Chemin de Saint Jacques de Compostelle a été important pour deux motifs. D’une part j’ai compris combien de gens étaient en recherche, d’un sens, d’un pourquoi et dans quel but, valables, de Dieu, des jeunes en majorité, mais non seulement. Et d’autre part l’année où j’ai fait le Chemin de Compostelle, avait été particulièrement dure pour moi et je me sentais spirituellement très découragé. Faire le pèlerinage à Saint Jacques cela a été de me retrouver de nouveau avec le meilleur de mon esprit, cela a été retrouver la force pour renouveler mes meilleurs options, cela a été de me sentir capable de redire à Dieu : « Oui, je veux te suivre, et je veux que tu comptes sur moi ».

-Que vous fait penser ce que vous avez vécu ces jours à Madrid, dans le cadre des JMJ?
-Durant de nombreuses années, j’ai travaillé avec des jeunes. Je crois en eux, j’ai appris à les aimer, et j’ai confiance en eux, mais je suis conscient que souvent ils ont peur de témoigner de ce dont en quoi ils croient. Et j’avoue que cela me sert le coeur. Je sais que devant la peur, comme devant n’importe quel problème, ce dont le jeune a besoin c’est d’être accompagné, mais dans mon for intérieur cela me fait trop de mal de voir des jeunes accomplis qui ont peur de ceux que peuvent penser ou dire les autres à cause de leur foi. Je crois que les JMJ à Madrid, surtout dans le contexte espagnol d’attaque systématique à la foi chrétienne (ndt s’il n’y avait que l’espagnol !) peut être quelque chose qui aide à réveiller dans ces jeunes la fierté du disciple, quelque chose qui leur fasse s’engager plus pour leur foi et pour leur Église, et qui les aide à vivre cette foi depuis une option plus libre et plus courageuse.

-Que nous demanderiez-nous pour votre Église de Cuba?
-La prière. Il est sûr que l’Église à Cuba a besoin de beaucoup de biens matériels, mais ce dont elle a le plus besoin c’est de la prière pour qu’elle continue à être fidèle à Dieu et au peuple qu’elle sert, pour qu’elle ne perde jamais de vu que son meilleur trésor c’est le Christ et son Évangile, et que cela soit ce dont elle ne se fatigue jamais de proposer. Et je demanderais aussi la prière pour mon peuple, ce peuple qui un jour a tourné le dos à Dieu, parce que ce dont a besoin mon peuple c’est de tourner son visage vers Dieu.

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Notes de traduction
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Cuba était devenue théoriquement indépendante en 1898 lorsqu’elle s’était libérée du « joug espagnol » avec le soutien actif des Etats-Unis qui avaient déclaré la guerre à l’Espagne à la suite de l’explosion du croiseur Maine en rade de la Havane (la responsabilité de l’Espagne ne fut jamais établie d’autant que la commission espagnole d’enquête espagnole avait été refusée par Washington et que les médias nord-américains avaient fonctionné à fond pour préparer une opinion publique très belliciste). L’île était ensuite très vite passée sous influence nord-américaine plus ou moins directe. À partir de 1952 Fidel Castro, alors jeune avocat, avait commencé à s’opposer au général Fulgencio Batista, qu’il finira par définitivement renverser en 1959. Au milieu du XXème siècle cette île des Caraïbes, perle de l’ex-Empire espagnole, avait encore un niveau de vie bien supérieur globalement à celui de l’Espagne.

Le 8 septembre se fête la Sainte Patronne de Cuba, Notre Dame de la Charité du Cuivre, qui est représentée par une Statue de la Vierge qui date d’environ 400 ans. C’est ainsi qu’on raconte son histoire: Cuba était sans cesse attaquée par les pirates (que l’on peut dire anglais, sans trop se tromper !) et notamment dans la zone de la chaîne montagneuse riche en minerai de cuivre dite Sierra del Cobre. Philippe II décida d’envoyer pour défendre la zone, le capitaine Francisco Sánchez de Moya originaire d’Illescas (province de Tolède), accompagné d’autres héros de Lépante. Avant de partir l’officier fit faire une reproduction de la statue de la Sainte Vierge de son village et l’emporta avec lui. Arrivé dans sa nouvelle affectation il fit construire un ermitage pour les mineurs, les soldats et les villageois. Quelques années plus tard (1612), la statue fut retrouvée flottante sur une petite planche dans la baie de Nipe par deux frères d’origine indienne Juan et Diego de Hoyos, et un jeune enfant noir, Juan Moreno.
Depuis 2010, la statue de la Sainte Patronne de l’île a quitté son sanctuaire pour aller à la rencontre de Cubains (fait très exceptionnel et d’autant plus depuis la prise de pouvoir castriste) à bord d’une petite voiture blanche. Elle a déjà parcouru plus de 25 000 km – Voir
ici la vidéo ou des photos.
Par ailleurs quelques 80 jeunes pèlerins cubains ont été accueillis à Illescas la semaine précédant les JMJ de Madrid voir ici.




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