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... l'herbe ne pousse pas. Un formidable hommage à Joseph Ratzinger/Benoît XVI, sur le journal italien l'Unità. (19/1/2012)



Il peut paraître très étonnant de trouver dans l'Unità des articles enthousiastes pour le Pape et son entourage. Mais ce n'est pas le premier, nous en avons croisé plusieurs dans ces pages (ici), signés Filippo di Giacomo.
Son dernier article s'inscrit dans la continuité des autres. Les "petites" polémiques nées dans le milieu des journalistes, les critiques acerbes contre les nominations effectuées par "Ratzinger", les attaques contre le Cardinal Bertone, sont ramenées à leur juste dimension de croc-en jambes issus de certains milieux vaticans.

Ces croche-pieds au Vatican
Filippo Di Giacomo
L'Unità, 18 janvier
(Source)
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A l'ombre des grands chênes, dit-on, l'herbe ne pousse pas.
Si le chêne est un pape, toutefois, même les proverbes peuvent être renversés: c'est le cardinal Ratzinger qui a poussé à l'ombre du pape Wojtyla; ou, pendant vingt-quatre des vingt-sept années de son pontificat, Jean Paul II a pu croître librement grâce à «l'humble travailleur» (comme Benoît XVI s'est défini le jour de son élection) qui sarclait tout, autour de ses racines.
De «l'échec Ratzinger», on a déjà commencé à parler dans la soirée du 10 Septembre 2006, quand l'information sur l'homélie de la messe célébrée par le pape dans la matinée au Neue Messe Stadt (1) (ndt: c'était à Munich, juste avant le fameux discours de Ratisbonne, et j'avoue que je ne me souviens plus de cette polémique, qu'avait bien pu dire le Saint-Père qui ait déclenché l'ire des journalistes?) a été réinterprétée dans un sens polémique, par une plume italienne en veine de faveurs .

L'idiotie, issue du milieu para-catholique, coïncidait avec les débuts du père Federico Lombardi comme directeur de la salle de presse du Vatican: quelqu'un avait eu l'idée de le gratifier d'un croc-en-jambe.
Et en feuilletant les coupures de presse qui ont accompagné les nominations faites par Benoît XVI, il s'avère que le petit jeu se poursuit sans interruption.

Ainsi, dans les archives des journalistes, le matériel et les titres se sont empilés de manière à parler de "fin", "discrédit", "échec" de l'Eglise, du Vatican, du Pape et du monde catholique tout entier.
Même les récentes nominations de cardinaux sont entrées dans la chronique italienne, avec l'habituel provincialisme "de Noantri" (ndt: il semble qu'il s'agisse de patois romain, "di noi alltri", pour "de nous autres", par opposition à "voi alltri", pour "vous autres... qui n'habitez pas dans le même quartier"), faisant semblant de se référer à des sources objectives (citant anonymement un «cardinal», «les édifices sacrés», «un monsignore de la Curie») pour déverser sur les pages des journaux les peines de coeur des habituels malades (la définition est de Paul VI) de "cardinalite" chronique.

Si le cardinal Angelo Sodano a mis dix ans pour gagner le titre (selon L'Espresso) de «pire secrétaire d'État du Vatican du siècle écoulé», le secrétaire d'Etat de Benoît XVI, le cardinal Tarcisio Bertone, l'a obtenu en moins de deux ans, depuis sa visite à Cuba en Février 2008, quand il a été largement raillé pour son ambition de faire accompagner par l'Eglise la transition cubaine, qui, surtout alors, semblait pleine d'inconnues. Qu'ensuite cette ambition se soit transformée en ce chemin lent, difficile mais pacifique que le monde observe, ne semble plus guère intéresser des journaux de chez nous.
Considérée comme tout aussi insignifiante, la piste tracée par des hommes choisis par Ratzinger qui, à l'horizon d'une Europe remplie de nuages, ont au contraire doté les catholiques qui veulent s'engager en politique d'une plate-forme réformiste, exprimée en moyenne dans un langage plus radical que celui cher à la bourgeoisie de gauche de notre continent.
Une plate-forme qui, si et quand les démocraties parlementaires européennes retrouveront stimuli et idéaux, contribuera à reporter le dialogue vers les grands mots honnis du capitalisme financier moderne: le travail, le courage entrepreneurial, l'imagination politique, le pacte social. Sans parler, ensuite, de l'importance qu'aura sur le long terme la visite d'Etat au Bundestag du pape en Septembre, pour réécrire les règles qui changent l'Europe et sa monnaie unique,.

Et il n'y a certes pas d'«échec» de Ratzinger et des siens, dans un domaine où Emma Fattorini (ndt: historienne de l'Eglise contemporaine), commentant le discours du 9 janvier au corps diplomatique, a vu Benoît exprimer une plateforme politique et sociale selon laquelle «... dans les pays les plus opprimés, ceux dans lesquels les religions sont les principales causes de la suppression des droits, ce sont les femmes qui se convertissent au christianisme en plus grand nombre, parce qu'elles trouvent là, dans le sens de l'égalité et la justice, une plus grande opportunité d'émancipation et de libération».
Cette graine d' «évangélisation des femmes par les femmes», était un rêve que Jean-Paul II lui-même, avec la force de ses gestes a poursuivi mais pas atteinte.

Bien que non directement liée aux événements de l'Église, le dernier livre d'Ilvo Diamanti (Gramsci, Manzoni e mia suocera) devrait être indiqué au Vatican comme une lecture utile pour les ecclésiastiques de carrière, ceux qui ont pour hobby le croche-pied à travers les medias, habitués depuis l'élection de Benoît XVI (pour utiliser une métaphore de Diamenti) «à nier la réalité pour ne pas changer les lunettes avec lesquelles ils l'observent. De haut et de loin».
Il s'ensuit, comme motif supplémentaire d'appréciation de ce moment de l'Église, l'énorme capacité des hommes choisis par le pape Benoît à ne pas réagir aux insultes sans fin.

«Comment le catholicisme a-t-il fait pour choisir un pape chrétien», se demandait Hannah Arendt à l'époque l'élection de Jean XXIII. Certains se demanderont: comment Joseph Ratzinger a-t-il fait, dans une génération de clercs aussi "combineurs", pour choisir comme collaborateurs des prêtres aussi bons?
* * *

(1) Homélie ici.
Un des internautes, sur le site de Raffaella, cite un article de Gad Lerner sur Repubblicca, alarmé par un hypothétique axe du sacré entre le catholicisme et l'islam à la veille du 11 septembre.
Tout ce que je sais, c'est que les attaques avaient commencé encore avant, le premier épisode dont je me souviens, c'est après la visite au camp d'Auschwitz-Birkenau, en mai 2006.