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Rétrospective 2011

... et les chrétiens en politique, vus par Mgr Negri. Reprise d'un article récent, mais peut-être passé inaperçu, car il était mélangé à d'autres. (28/1/2012)

« Entre l’inconvénient de se répéter, et celui de n’être pas entendu, il n’y a pas à balancer ».
(Louis de Bonald)

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Les principes non négociables.

* * *

Inutile de préciser que ces propos, destinés aux italiens, sont immédiatement transposables pour nous.

     


Le défi est culturel, pas politique
Luigi Negri
La Bussola
14/10/2011

(...)
Désormais, il est clair que nous avons affaire à une crise très grave, de caractère culturel. Culturelle dans le sens profond du mot culture...: cette organisation fondamentale de la vie humaine comme sens, comme beauté, comme justice, comme bien. Cette culture primaire - ainsi que l'a qualifiée Jean-Paul II dans le discours inoubliable à l'UNESCO le 1er Juillet 1980 - cette culture de base a en grande partie disparu de notre pays.

Et c'est également l'occasion de dire que ce qui a anéanti la culture de notre peuple, c'est cette espèce d'idéologie, douce dans ses formulations mais extrêmement dure dans sa mise en oeuvre, que nous pouvons attribuer à cette fermentation de positions rationalistes, maçonniques, consuméristes, communistes (ou plutôt, matérialistes) tenue d'une main de fer par les médias de masse. Les médias - pour reprendre une très belle image de Benoît XVI en Allemagne - ont fait pleuvoir sur notre foi et notre peuple les pluies acides de cette idéologie du médiatiquement correct.

C'est un vide, mais un vide qui se recouvre de respectabilité, de dévouement passionné aux institutions sociales dont découleraient tous les droits. En pratique, nous sommes retournés à l'absolutisme d'Etat, à l'absolutisme de la société, les droits ne sont pas reçus par l'homme, dans le cadre de sa conscience, dans une confrontation ouverte avec le mystère de Dieu. Non, les droits sont ceux que la société reconnaît, promeut.

Benoît XVI est servi, avec ses valeurs non négociables. L'abolition de ces valeurs non négociables, tels que formulées par le pape, est en effet le fil rouge (en français dans le texte) de tous les programmes des formations socio-politiques, en particulier celles situées à gauche. Et qu'on ne s'illusionne pas de poursuivre ainsi le bien commun. Le bien commun - qui est une réalité vaste et variée se réalisant dans certaines conditions bien précises de nature sociale - est l'expression d'un cœur plus profond. Et le cœur plus profond, ce sont les valeurs non négociables.

Il y a donc un malaise, un malaise très fort, car quand la culture vient à manquer, les hommes manquent aussi, il manque des personnes capables de prendre des responsabilités, capables de porter des jugements, capables de mener des actions en conséquence.

La politique est une misère, mais quel autre domaine de notre vie culturelle et sociale échappe à cette misère? Cette absence de personnalités significatives, cet anéantissement quotidien dans la polémique politique ou culturelle, dans la banalité de ce qu'on appelle la vie privée qui devient, pour les uns et les autres, sans beaucoup de différence, une affaire d'Etat.

Alors je crois que l'Église doit éviter la tentation d'agir rapidement pour essayer de régler les choses rapidement. Ces problèmes ne sont pas des problèmes qui seront résolus rapidement, ces crises nécessitent un long processus d'éducation. Et le processus éducatif ne se fait pas en empruntant des autoroutes, le processus éducatif se fait en cheminant par des sentiers, en escaladant des rochers - comme on dit dans les endroits où je suis évêque - luttant jour après jour pour que la culture de base que l'Eglise propose devienne forme de la personnalité, ultime valeur de références, objectifs personnels, familiaux, sociaux. L'éducation ne s'improvise pas, et surtout elle n'est pas le fruit de quelque slogan bien dit, ou de quelque publication de souffle grand ou petit. Nous devons recommencer à éduquer notre peuple à partir de la foi afin que le phénomène d'éducation devienne évangélisation, que l'éducation devienne formation de la personnalité.

Certes, la société est en crise dans sa dimension politique, mais la société n'est-elle pas en crise dans son aspect familial? La crise sociale est un aspect de cette impressionnante crise familiale, c'est pourquoi que les familles, en majorité détruites dans leur réalité, sont incapables de donner aux jeunes et aux enfants des orientations sûres pour vivre, et donc des raisons de vivre, sans la formulation desquelles il n'y a aucune possibilité d'éducation.

Notre devoir est de former des laïcs qui puissent assumer ensuite la responsabilité des jugements, et agir en conséquence; il faut échapper à la tentation de créer un peuple ou un pseudo-peuple de croyants qui accepte ensuite d'être télécommandé par les instances ecclésiastiques au niveau des points de plus grande responsabilité. Nous ne devons en aucune façon prendre la place des laïcs dans l'entreprise qui leur appartient totalement d'apporter dans une société comme la nôtre, leur contribution originale d'intelligence, de passion, d'éducation, de capacités de construction.

Je pense que c'est un grand défi. Nous ne pouvons pas nous disperser sur d'autres défis, comme la solution des problèmes sociaux et politiques concrets, ou les stratégies à court ou à long terme pour la solution de ces problèmes. Nous sommes défiés dans l'essence de notre identité, de notre mission. Jean XXIII a dit que si l'Église n'est pas maître (ndt: au sens professeur), elle n'est pas non plus mère et que si elle est mère, elle ne peut être que maître. C'est une route longue mais passionnante, le long de laquelle on peut rencontrer des personnes proches et lointaines, mais qui sont disponibles à la conversion du cœur et l'intelligence.

Est-ce un discours abstrait?
Je pense qu'il y a une partie du monde ecclésial qui poussera un soupir en entendant ces choses, comme s'il s'agissait de choses abstraites. Mais cette abstraction est une abstraction qui change l'histoire.
Le pragmatisme de beaucoup, y compris catholiques, finit par mourir dans l'histoire.