Rechercher:

Pages spéciales:

Page d'accueil

Vatileaks

Consistoire

Mexique et Cuba

Rétrospective 2011

"L'Église est un champ où le blé et les mauvaises herbes croissent ensemble". (17/2/2012)

Texte en italien:
http://www.et-et.it/

Vittorio Messori est sévère - parce qu'il aime l'Eglise - mais réaliste.

Le mal de l'Église (et des hommes d'Eglise)
Vittorio Messori
14/2/2012
-------------------
Ces jours-ci, suivre certaines chroniques vaticanes, aussi sombres que peu édifiantes, peut être savoureux ou pénible, selon les goûts pro ou anti-cléricaux.
En réalité, cela ne devrait pas tant que cela faire perdre son calme au catholique qui non seulement connaît l'histoire de son Église, mais n'a pas oublié les avertissements de l'Evangile. Cette Église, en d'autres termes, est un champ où le blé et les mauvaises herbes croissent ensemble; c'est un filet jeté dans la mer et dans lequel vivent toujours ensemble des poissons bons et mauvais. Parole de Jésus lui-même, qui nous exhorte à ne pas nous en scandaliser et à ne même pas tenter de séparer le bon du mauvais, se réservant à lui-même cette tâche le Jour du Grand Jugement.

Le premier exemple de ceci est évidemment le centre et le moteur de la "machine" ecclésiale: la Curie du Vatican, c'est à dire le gouvernement central de ce que la tradition appelle "l'Eglise militante". Eh bien, sur ce point, ce n'est pas un hérétique ou un anticlérical (ndt: le mot italien est 'mangiapreti', littéralement "mange-prêtre", que l'on pourrait traduire par "bouffeur de curé"), mais une sainte que Paul VI voulut proclamer "Docteur de l'Eglise", et co-patronne de l'Italie, Catherine de Sienne, qui constata: "La cour de Notre Saint-Père me semble parfois un nid d'anges, parfois un repaire de vipères". Bien et mal, donc, unis dans la même réalité, comme toutes choses humaines; et l'Église est aussi une institution humaine, est une enveloppe historique (avec les limites qui en découlent) pour contenir un mystère méta-historique (ndt: "méta" est un préfixe grec qui exprime l'auto-référence; la métahistoire est une branche de l'histoire qui étudie l'historien et son travail.).

Mais nous nous livrerons à une évaluation morale plus loin.

Il y a, d'abord, un aspect "organisationnel" à considérer. Il ne faut pas oublier, en effet, que ce n'est pas uniquement l'écho de "scandales" pour les affaires, le sexe, le pouvoir, qui provient aujourd'hui du Vatican. C'est la machine même de l'administration qui depuis des années semble se bloquer avec une fréquence alarmante; ce sont les équivoques, les distractions, les gaffes diplomatiques, et même les erreurs - y compris dans des documents solennels - dans ce latin qui est encore sa langue officielle, mais qui est de moins en moins et de plus en plus mal connu.

D'accord, la Curie, comme l'Église elle-même, semper reformanda est. Mais ici, une «réorganisation» ne semble pas possible, parce qu'il semble que les forces vives et de qualité font défaut. Les bureaux interminables du Vatican sont gérés, depuis l'époque de la Contre-Réforme, par un personnel provenant de tous les diocèses et de tous les ordres religieux du monde. Mais c'est un monde, le nôtre, où la majorité des diocèses et des congrégations ont fermé les séminaires par manque d'effectif, et leur problème n'est certes pas d'envoyer à Rome, pour servir l'Eglise universelle, les jeunes les plus prometteurs. Ces jeunes ne sont pas là, et, s'ils existent, ils sont jalousement défendus par les évêques et les supérieurs généraux.
Pourtant, après Vatican II qui aurait dû permettre d'alléger la structure ecclésiale, l'"Annuaire pontifical" a presque triplé ses pages, l'expansion bureaucratique n'a pas cessé. Les fonctions, les postes, les responsabilités augmentent, tandis qu'année après année, les ressources humaines diminuent Et les rares renforts ne semblent pas en mesure de porter cette responsabilité écrasante, qui est de gérer sur terre rien moins que la volonté du Ciel.

Donc, le réalisme catholique semble imposer une réduction drastique de la structure d'une Catholica qui, alors qu'elle était de masse, devient ou est déjà devenue une communauté minoritaire. Vouloir maintenir l'imposant appareil baroque lorsque les forces manquent (et les rares qui demeurent sont parfois inadaptées) conduit inévitablement aux dérapage et aux erreurs qui peuvent être observées dans la gestion de l'Eglise.
Faut-il donc prendre au sérieux ceux qui proposent un retour au premier millénaire, confiant à l'UNESCO, comme sites artistiques et touristiques, les bâtiments sur la colline du Vatican, et revenir à la "vraie" cathédrale de l'évêque de Rome, celle de Saint-Jean de Latran avec une structure institutionnelle réduite au minimum? Il n'est pas nécessaire de se réfugier dans de tels extrêmes, mais le problème existe et devra être abordé, loin des idéologies "soixante-huitardes" de démagogie paupériste.

Mais, nous l'avons dit, il semble qu'il y ait aussi un effondrement moral, qui n'est pas seulement sexuel (problèmes pédophiles, mais pas seulement, docet), mais aussi le retour, presque comme à l'époque de la Renaissance, de palais du Vatican réduits à des nœuds d'intrigues et de luttes pour les carrières , le pouvoir, l'argent, les intérêts politiques et idéologiques. Eh bien là, il n'y a pas de réforme qui tienne, il n'y a pas de remède uniquement humain. Là, toutes les techniques de "réorganisation de l'entreprise" sont ridiculement impuissantes et doivent s'ouvrir au «scandale» de la prière.

Parole du Pape Benoît XVI, mais durant des décennies, paroles également du cardinal Joseph Ratzinger. Si l'Eglise est en crise, a-t-il toujours répété, c'est parce que la foi des hommes d'Eglise est en crise. Hiérarchie comprise. Il en est venu à me dire, en une occasion: "Au point où nous en sommes, je l'avoue: la foi, la pleine, celle qui n'hésite pas, me semble être devenue si rare que lorsque je la rencontre, elle m'étonne plus que l'incrédulité".

Pour cela, il est revenu aux sources de tout, avec ses trois volumes sur le Jésus historique, pour cela, il a voulu un organe spécial pour la nouvelle évangélisation, pour cela, il a proclamé 2012 "l'année de la foi". L'intendance suivra (en français dans le texte), disait Napoléon: d'abord la conquête, ensuite les fonctionnaires de l'administration. Pour l'Eglise, le pape Benoît XVI en est certain, se rendre pure doit être une conquête, ou plutôt une re-conquête: celle de la foi dans l'historicité des Evangiles, dans le Dieu qui s'est incarné dans une femme, dans un Jésus qui, en ressuscitant, a montré qu'il était le Christ .

L'Eglise dispose désormais de peu d'hommes, et parfois peu adéquats, dit-on?
Eh bien, l'effritement, pour l'institution, serait certain si ceux qui sont encore "à l'œuvre dans la vigne du Seigneur" (comme le Pape aime à le dire) perdaient la perspective de se donner pour une récompense non pas humaine, mais divine. Si la foi vacille ou s'éteint, si elle n'est pas la raison de vivre quotidienne, la paresse bureaucratique sournoise est aux aguets, le vieux Monsignore comme le jeune religieux sont prêts à se transformer en fonctionnaires du ministère clérical, et, comme tels, soumis à toutes les tentations.