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C'est croire, " sans 'si' et sans 'mais' " à ce tombeau vide. Et c'est ce que Benoît veut nous faire redécouvrir. Très belle réflexion de Vittorio Messori qui voit aussi un élément très positif dans la fréquentation croissante des sanctuaires. (6/4/2012)

Article paru sur Il Corriere della Sera, et reproduit sur le blog de Vittorio Messori (http://www.et-et.it/ ).
Ma traduction.

     



L'Evangile renaît dans les sanctuaires
Vittorio Messori
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Dimanche de Pâques. Pour la foi, c'est l'évocation de la résurrection de Jésus, crucifié trois jours plus tôt, qui - précisément en sortant du tombeau - montre qu'il est le Christ, le Messie annoncé par les prophètes et attendu par Israël. Beaucoup, même parmi les croyants, ont oublié que pendant des siècles, par rapport à la Pâque, Noël était une fête secondaire et qu'aujourd'hui encore, les Eglises orientales donnent une plus grande importance liturgique à l'Epiphanie, signe de la manifestation de ce Messie à tous les peuples. Et combien, même parmi ceux qui pratiquent la Messe, se rappellent que le dimanche s'appelle ainsi (ndt: le mot italien est plus proche de l'éthymologie, "domenica" - Dies Domini , jour du Seigneur (1) - car il est le renouvellement, 52 fois par an, de ce "jour après le "shabbat" où eut lieu le Grand événement?

Sans lui il n'y aurait pas de christianisme et Jésus serait rentré dans la liste obscure des nombreux prédicateurs apocalyptiques - qui ont souvent mal fini et toujours dans l'oubli - qui accompagnent depuis toujours l'histoire juive. Les Évangiles le disent clairement: après la mort ignominieuse sur la croix, les apôtres, les disciples, les femmes qui suivaient le énième Prophète manqué préparaient déjà leur pauvre bagage, quittant, tête baissée, la ville sainte, pour revenir à leur pays natal, la Galilée. Il y a un terrible imparfait utilisé par les deux disciples, faisant route vers Emmaüs, et qui ne savent pas que l'étranger qui s'est joint à eux, est Jésus est ressuscité depuis peu: «Nous espérions qu'il allait délivrer Israël». Ils espéraient. Et au contraire, à partir de 3 heures de ce vendredi tout semblait avoir pris fin sur le gibet dressé, comme un avertissement, à la porte la plus fréqeuntée de Jérusalem. Le samedi est toujours dans la tradition chrétienne, le jour de Marie, parce que ce jour, après l'exécution, peut-être seule la mère a gardé sa confiance, dans le découragement en général. Elle fut, par conséquent, le rempart ultime de la foi, celle qui espérait contre toute espérance. Je dis peut-être, parce que les Evangiles ne nous disent rien à ce sujet.

Saint-Paul, auteur d'écriture concise et nerveuse, parle clair, avertissant les chrétiens de Corinthe: « Si le Christ n'est pas ressuscité, alors ma prédication est vaine, et votre foi aussi est vaine .... Si nous avons eu espoir en Lui seulement en cette vie, nous sommes à plaindre plus que tous les hommes».
Pourquoi redire maintenant ces choses? Mais pour vous rappeler que cette foi, à laquelle Benoît XVI a décidé de dédier une année spéciale de réflexion et de redécouverte, cette foi est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît à beaucoup. Et bien moins complexe que ce qu'ont tenté de nous faire oublier même des hommes d'Eglise, nous submergeant de paroles dites et écrites, d'énoncés théologiques, de prescriptions morales. Croire, pour un chrétien, c'est cela, et seulement cela: «parier» (pour employer le terme de Pascal, grand dévot et grand mathématicien) sur la vérité des Évangiles, qui nous racontent le tombeau vide le troisième jour, et les apparitions de crucifié pendant bien 40 jours. Et, au moins une fois, pas dans le groupe restreint des apôtres, mais devant «plus de 500 frères», comme nous en informe Paul, justement là où il parle de la résurrection comme point d'appui sur lequel toute la foi se maintient ou disparaît. Avec Paul, voici Pierre qui nous rappelle dans une lettre, qu'être chrétien ne signifie pas «suivre des fables habilement inventées» , mais à prendre au sérieux, jusqu'au fond (sans "si" et sans "mais", diront certains) les récits de la Résurrection de Jésus dans l'Écriture.

C'est le fondement. Tout le reste est seulement conséquence et commentaire, pour nécessaires et importants qu'ils soient. Et c'est justement à ce fondement, à cette simplicité que Joseph Ratzinger exhortait à revenir, dans tout le quart de siècle où il a été «Préfet de la foi». Aujourd'hui, comme pape, il veut nous aider à y revenir, avec l'aide de l'année spécialement dédiée dont nous venons de parler. Et avec le projet de cette «réévangélisation», qui était déjà chère à son prédécesseur, mais que lui a voulu institutionnaliser par la création d'un Conseil pontifical créé à cet effet. Ce n'est pas un hasard qu'en dépit de l'immense fardeau de ce pontificat, qu'il ne cherchait pas et qu'humainement, il ne désirait pas, il ait voulu arracher quelques heures de sommeil pour nous donner non pas un livre de méditations, de spiritualité, de morale, mais une oeuvre en trois volumes sur les Evangiles et leur historicité.

Le christianisme n'est pas une sagesse, ce n'est pas une éthique, une culture, un ensemble de normes de vie, aussi sages qu'elles soient. C'est aussi cela, mais de manière dérivée, parce que, dans son noyau essentiel, il y a une histoire, un récit vrai, qui culmine dans la résurrection.

On a déjà observé que si, à cause des aléas de l'histoire, les Evangiles nous étaient parvenus réduits à quelques petits morceaux de papyrus, si on avait perdu tout l'enseignement moral de Jésus, si nous n'avions plus les paraboles et même les récits des miracles, eh bien, le christianisme pourrait quand même exister. A condition que soit resté le bloc que la Tradition appelle «le mystère pascal»: c'est à dire les récits de la passion, de la mort et enfin, de la résurrection. Nous aurions perdu beaucoup, en perdant les deux tiers des Évangiles, mais l'essentiel serait resté solide, rendant la foi possible.

Cette foi qui semble rencontrer aujourd'hui de graves difficultés, du moins en Occident. Moins, semble-t-il, en Afrique et, au moins en partie, en Asie, mais les statistiques ne doivent pas tromper, ceux qui connaissent la situation de ces pays sont moins optimistes. Il y a des bibliothèques entières sur ce thème; nombreux sont les instituts de sociologie qui enquêtent, et confirment par exemple que ceux qui étaient considérés, jusqu'à il y a quelques décennies, comme des camps retranchés de la foi, n'ont certes pas échappé à l'invasion séculariste et à la démolition des bastions. Ou du moins, de la pratique religieuse: l'Irlande, l'Espagne, le Portugal, la Flandre, la Bavière, la Vénétie, la Bretagne, le Québec, le Brésil ..... Même la Pologne vacille depuis quelques années sous le tsunami qui l'a investie depuis l'Occident.

Il y a des signes, cependant, qui donnent à réfléchir: la diminution, parfois l'effondrement de la pratique au moins dominicale et des vocations religieuses, est compensée par une sorte de boom des fréquentations des sanctuaires, qu'ils soient mariaux, ou de saints, comme Padre Pio. Souvent, ceux qu'on ne rencontre plus à l'église, on les croise à genoux à Lourdes, Medjugorje, Fatima, San Giovanni Rotondo. Ou dans les Grottes vaticanes, devant la tombe de Jean Paul II. La présence islamique croissante suscite, parmi les chrétiens, une redécouverte de leur propre tradition religieuse qui aura des effets imprévisibles. Et le thème religieux est souvent pour les livres, un laissez-passer pour devenir un best-seller. Aux États-Unis, prospère même un filon éditorial, celui des abbey-books.

Si l'exode des soeurs a été silencieux, mais plus importante encore, peut-être, que celui des prêtres, il n'en a pas été ainsi pour les moniales. C'est-à-dire celles qui choisissent (et en nombre croissant) la vie cachée et dure de la clôture.

Dieu seul connaît l'avenir. Ce que l'historien peut dire, c'est que plus d'une fois, le christianisme a été donné pour mort: mais il semble que de son fondateur, il ait appris un art: celui de savoir comment sortir du tombeau où le «monde» le pensait enfermé pour toujours.

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(1) En français le mot Dimanche est un nom propre qui vient du latin « dies Dominicus », « jour du Seigneur », puis par dissimilation consonantique, « diominicu ». L'étymologie du terme peut être retracée à partir de la Didachè : « Dies dominicus » est une traduction du grec « Kuriake Heméra ». L'expression appliquée à ce jour de la semaine est un usage chrétien à l'origine (wikipedia).