Continuité entre Benoît et François, selon Seewald

Une belle interviewe, en vérité, dans Il Corriere della sera. J'espère qu'il voit juste (17/3/2013)

Il souligne heureusement des points qui ont été délibérément occultés par les medias (aveuglés par leur hostilité à Benoît XVI, qui ne faiblit pas, au-delà de sa démission, choisissant pour cela l'arme du contraste), et rappelle opportunément l'humilité de Benoît (1).
Original en italien: Raffa.

     

«Comme Benoît, il veut une réforme radicale de l'Eglise»
«Le Pape émérite n'est pas un retraité. Et son silence fera du bruit»
Paolo Lepri

BERLIN - Il y a une ligne précise qui relie les deux papes «réformateurs». Peter Seewald n'a pas de doutes. L'écrivain et journaliste, biographe de Joseph Ratzinger, a été ces dernières semaines partagé entre la tristesse pour le départ du pontife allemand et «la gratitude pour tout ce qu'il a fait».
Aujourd'hui, après l'élection de son successeur, il se tourne vers l'avenir avec l'espérance de l'homme de foi. Jorge Mario Bergoglio suivra ce chemin de renouvellement indiqué par celui qui l'a précédé.
«Benoît XVI a purifié le navire de l'Eglise et instruit l'équipage. François mettra les moteurs en mouvement pour le faire aller dans la mer de notre temps », dit-il dans cet entretien avec le Corriere della Sera.

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- Comment jugez-vous le choix du conclave?

«Cette élection a été à la fois une surprise - et pas une surprise. Quelque chose de nouveau commence. Pour l'Eglise, mais aussi pour le monde. Avec ce pasteur de haute spiritualité s'ouvre une nouvelle ère. La décision du Collège des Cardinaux est la plus grande indication d'un tournant».

- Quelles on été les raisons de la convergence sur le nom de Bergoglio?

«Dès son premier geste, la prière pour Benoît XVI, le nouveau pape a montré qu'il voulait se placer dans le sillage de son prédécesseur. Même le choix de son nom le confirme. Après Benoît vient François. Tous deux sont les grands, vrais réformateurs de l'Église, chacun à son époque, chacun à sa manière. Une véritable réforme ne se mesure pas, en effet, sur des critères terrestres, comment le soutiennent de nombreux médias aujourd'hui, mais elle vient de la foi de l'Église.
Joseph Ratzinger est, du reste, un grand admirateur de saint François, qui était radicalement opposé à l'esprit de son temps. Comme cardinal, il me confia en 2000, au cours de nos conversations à Monte Cassino pour le livre "Voici quel est notre Dieu", que François d'Assise avait, dans une grande crise, fait quelque chose de décisif: rester du côté de l'Église. Le nom de François est déjà tout un programme. L'Eglise, disait Ratzinger à propos de ce grand saint, avait besoin d'un renouveau charismatique de l'intérieur, d'une nouvelle flamme de la foi et pas seulement de la connaissance de l'administration et de l'ordre politique. Et cela est aussi vrai aujourd'hui».

- C'est une défaite pour les cardinaux italiens?

«Il ne s'agit pas de victoire, ou de défaite ou de prévalence d'une formation spécifique. Il fallait trouver la meilleure personne pour le travail le plus difficile au monde, il fallait élire le successeur de l'Apôtre Pierre. Le choix de Bergoglio, qui est d'origine italienne, était intelligent et sage. Je vois en lui aussi une référence à la patrie de ses ancêtres, la merveilleuse Italie, au fier catholicisme de ce pays, à la magnifique ville de Rome, sans laquelle il n'y aurait pas le Vatican comme patrie de tous les catholiques du monde».

- N'existe-t-il pas aussi quelques différences entre Bergoglio et Ratzinger?

«La toute première et très sobre apparition du pape François a rendu clair à chacun qu'il veut poursuivre le travail de son prédécesseur, avec son style et son charisme personnel, mais avec toute cette humilité et cette simplicité que nous avons appris à connaître par Benoît XVI. A présent, il est possible d'apprécier encore plus le geste historique de la démission».

- Quelles seront les priorités du nouveau pape?

«Le pape Benoît a préparé le terrain et ouvert la route. François va continuer à la suivre, en donnant la priorité à la nouvelle évangélisation, à la révélation du message de l'amour et de la fraternité. On pourrait peut-être dire que Jean-Paul II a maintenu et stabilisé dans la tempête le navire de l'Eglise. Benoît XVI a purifié ce navire, il a instruit l'équipage et l'a ramené sur la bonne route. François va mettre en marche les moteurs et mener le navire dans la mer de notre temps. Ce ne sera pas facile. "

- Avez-vous parlé récemment avec Benoît XVI? Donnera-t-il encore sa contribution pour tracer l'avenir de l'Eglise?

«Benoît XVI s'est imaginé comme la fin de l'ancien et le début du nouveau. Pour ainsi dire, il a construit un pont. Ce ne sera pas un retraité qui se consacre au jardinage. "Je ne suis pas descendu de la croix", furent ses paroles. Avec la foi, la méditation et la prière, il nous donnera un exemple de ce qui qui nous manque tellement aujourd'hui, à l'Eglise et à nous. Et si à présent il restera silencieux, n'oublions pas que, parfois, le silence peut faire beaucoup de bruit»

- Tout cela sera-t-il aussi une aide pour le nouveau pape?

«J'ai été très impressionné par le fait que dès le début de son pontificat, sur la loggia de Saint-Pierre, François ait saisi si directement ces signaux. La prière, le silence profond. Nous ne savons pas ce qui va arriver, mais il est clair qu'il faut accroître la conscience de vivre, non seulement dans l'ère après Jésus-Christ, mais aussi à une époque avant Jésus-Christ, comme l'a révélé l'Evangile. Je vois ce passage de l'Evangile comme un prologue pour le nouveau pontificat: "Mon père travaille toujours, et moi aussi je travaille".»

© Copyright Corriere della Sera, 16 Mars, 2013

     

(1) L'humilité, ce n'est pas forcément marcher en robe de bure et en sandales. C'est aussi accepter de porter les signes apparents d'un ministère, même s'ils sont en opposition avec la sobriété de ses goûts personnels