La grâce de Paolo Gabriele

Un nouvel emploi lui a été procuré, suscitant quelques critiques. Rappel d'Andrea Tornielli: "Avec le geste du pardon et de la grâce, Benoît XVI ne minimise pas la gravité de ce qui s'est passé et de ses conséquences, mais il suit l'exemple de Celui dont il est le vicaire" (18/1/2013).

     

On se souvient que Gabriele a été gracié par Benoît XVI le 22 décembre (cf. benoit-et-moi.fr/2012(III).../paolo-gabriele-la-grace-pour-noel.php ).

Ces jours-ci, la presse italienne s'est fait l'écho d'une information selon laquelle il aurait retrouvé une nouvelle situation, dans une structure dépendant du Vatican. La longanimité du Saint-Père semble avoir suscité de l'incompréhension, et même des critiques.
Voici, en réponse, le très beau commentaire d'Andrea Tornielli.
Texte en italien ici: http://2.andreatornielli.it/?p=5578

     

(...)
L'information de la nouvelle situation de Paolo Gabriele a suscité des réactions variées.
Gabriele doit travailler comme employé dans une coopérative sociale qui fournit des services à l'hôpital Bambino Gésù, propriété du Vatican. Il travaillera dans les nouveaux locaux de l'hôpital récemment ouverts à côté de la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, où vient de prendre possession de son ministère d'archiprêtre le néo-cardinal américain James Harvey, qui comme préfet de la Maison pontificale avait recommandé Gabriele comme majordome du Pape.

J'ai reçu un tweet d'une personne qui dit: «On voit bien que pour obtenir un emploi, il faut (!!) voler et diffuser les documents secrets du pape».
La réaction de certains, à l'extérieur mais aussi à l'intérieur du Vatican, est froide. On dit: mais comment, l'ancien majordome a accompli un acte très grave, il a mis sur la place la correspondance privée du pape, et après avoir été condamné, il est d'abord gracié - la mesure, comme on s'en souvient, a été communiquée à Gabriele par Benoît XVI lui-même, lors de la visite qu'il lui a faite - et maintenant «déplacé» avec un nouvel emploi, même si c'est en dehors des murs du Vatican. Quelle justice est-ce donc là?
Certains ont fait remarquer avec une pointe d'irritation que Gabriele, redevenu un homme libre, à tous égards, est sorti pour faire ses courses, et qu'il est même apparu «souriant». D'autres voient dans la grâce et le nouvel emploi une façon de céder à un «buonisme», qui risquerait de rendre vaine l'action des juges et des enquêteurs du Vatican. D'autres encore rappellent que le Pape s'est comporté comme aucun autre chef d'Etat ne l'aurait fait, et entre les lignes - au moins dans ce cas - semblent souhaiter le contraire.

Toutes ces observations sont compréhensibles et raisonnables, humainement parlant. Mais ce qui leur échappe, c'est que Papa Ratzinger, et comme lui ses prédécesseurs immédiats, dans ce cas aussi, n'a pas agi sur la base du sens commun, mais de quelque chose d'autre. Parce qu'il croit en ce qu'il prêche et il sait qu'il ne pourra jamais être comparé à aucun autre chef d'Etat. Il sait que le «vicaire du Christ» doit suivre les traces de Jésus, «se mettre derrière lui», comme Jésus lui-même l'ordonne à Pierre, quand il dit: «Vade retro me!» (Marc, 8:33, cf http://www.biblia-cerf.com/BJ/mc8.html ). Jésus a pardonné la trahison de Pierre et nous pardonne à nous aussi nos péchés, même les plus graves, si nous reconnaissons que nous avons besoin de sa miséricorde. Le chrétien sait qu'il est le bénéficiaire d'une grâce surabondante, une miséricorde qui est au-delà de toute imagination humaine, impossible à comprendre en termes de «méritocratie» (si Dieu n'agissait envers moi que sur la base d'un critère de méritocratie, je serais grillé). Il suffit de lire l'Evangile pour comprendre à quel point la logique de Dieu est différente de celle du monde. Il est utile de relire l'extraordinaire dialogue qui a eu lieu le 18 Décembre 2011, entre le pape et les détenus de la prison de Rebibbia pour le réaliser: j'invite tous ceux qui ne l'ont pas encore fait à revoir l'extraordinaire Dossier de Tg2 sur Benoît XVI, réalisé par Lucio Brunelli (cf. Portrait inédit d'un pasteur et Images, film, videos ).

Avec le geste du pardon et de la grâce, Benoît XVI ne minimise pas la gravité de ce qui s'est passé et de ses conséquences, mais il suit l'exemple de Celui dont il est le vicaire. Avec la décision de trouver une nouvelle situation à l'ancien majordome, prise surtout en tenant compte de sa femme et de ses trois enfants, le Pape montre sa compassion pour la famille: un thème central dans la prédication de l'Eglise en ce moment. «Aucun péché n'est trop grand: une misère finie, aussi énorme soit-elle, pourra toujours être couverte par une miséricorde infinie», disait Albino Luciani (Jean-Paul 1er). Peut-être est-ce pour cela que Paolo Gabriele a même recommencé à sourire.