La prophétie de l'humilité et de la pudeur

Encore une très belle analyse, celle d'Angela Ambrogetti (12/2/2013)

Je crois qu'avec "humilité", "pudeur" est le mot qui caractérise le mieux notre cher Pape. Angela Ambrogetti l'a saisi avec une sensibilité toute féminine, qui est aussi la mienne.

Benoît XVI, la prophétie de l'humilité et de la pudeur
Angela Ambrogetti
11 Février 2013
Korazym.org
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Il faut un grand courage pour retrouver le sens de la limite. Et il faut l'humilité.
La nouvelles qui, ce lundi 11 Février 2013, s'est propagée à la vitesse de l'éclair, la démission du Pape, a semblé à beaucoup une plaisanterie. Téléphones qui sonnent, e-mails, sms.... Benoît XVI démissionne le 28 Février à 20h00. Fou, inouï. Et pourtant non, c'était beaucoup plus prévisible que ce que l'on pourrait imaginer. Nous n'avons pas su lire les signes, à commencer par celui-là, quand il était encore préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sa déclaration que le Pape Jean-Paul II ferait bien de démissionner dans les derniers mois de sa vie. Nous l'avions oublié. Et puis en Novembre 2010, est publié un livre-entretien de Benoît XVI, "Lumière du monde". On y trouve beaucoup de thèmes, y compris la démission. Mais très clairement. Non par peur, ou face à des difficultés, «devant les loups», comme il l'a dit au début de son pontificat. «Quand le danger est grand, on ne peut pas fuir. C'est pourquoi ce n'est certainement pas le moment de démissionner», a dit le Pape à l'été 2010.

Le scandale des abus sexuels commis par le clergé était à son plus haut niveau de médiatisation; dans l'Église, on sentait d'étranges craquements. Non, il ne fallait pas partir. Et puis l'histoire des lefebvristes, et la mise en œuvre difficile du Concile qui, après des années d'enthousiasme, avait conduit à de profondes remises en questions. Certains ont même dit qu'au fil des ans le théologien Joseph Ratzinger avait perdu, non pas la foi, mais l'espérance. C'est Luigi Giussani qui lui avait redonné la joie de vivre dans l'Église.
Ratzinger le Pessimiste? D'une certaine façon, peut-être, ou plutôt Ratznger le réaliste qui sait qu'aujourd'hui la tâche d'un Pape est de ramener Dieu au centre de l'histoire, au cœur de l'homme. Réaliste au point de comprendre qu'il n'y parviendrait pas. Une prise de conscience sereine. Georg Ratzinger, son frère aîné prêtre, dit qu'il le savait depuis des mois. La santé qui ne permettait plus de longs voyages, la difficulté à marcher à cause de la polyarthrite de la hanche, des problèmes de circulation, et peut-être plus, que nous ne savons pas. Ce qui est certain, c'est que Benoît XVI ne veut pas que les derniers jours de sa vie soient jetés en pâture à la télévision. Comme cela fut pour Jean-Paul II. Et depuis quelques mois, cela, on le voyait, la mise en ordre de toutes choses. Les nominations, le consistoire, les décisions de gouvernement, laissaient penser à la préparation, à la fin du pontificat. Mais de la manière habituelle et naturelle. Rien d'inattendu, du reste, pour un homme de presque 86 ans.

Mais non. Le Pape, que certains voulaient conservateur et clérical a accompli le geste le plus moderne et le plus laïque qui soit. Un geste qui enseigne à la modernité le sens de la limite. «Quand un pape arrive à une claire conscience de ne plus être en mesure, physiquement, mentalement et spirituellement, de mener à bien la tâche qui lui est confiée, alors il a le droit et dans certains cas même le devoir de démissionner». Il l'a dit en 2010, il l'a fait une paire d'années plus tard, et peut-être l'aurait-il fait plus tôt s'il n'y avait pas eu à régler la triste histoire de la trahison de son maître d'hôtel. Cette histoire terminée, sur le trône de Pierre, doit avoir pensé Ratzinger, il faudrait un homme plus jeune et plus fort, qui puisse mettre en œuvre la réforme du ministère pétrinien et de la Curie elle-même, que Benoît XVI n'a pas la force de conclure, pour des raisons évidentes de santé et l'âge. Il ne veut pas, Benoît XVI, que l'on gouverne en son nom. Peut-être a-t-il eu aussi peur de devenir le pauvre vieux manoeuvré par d'autres. D'ailleurs, si le droit canon prévoit la démission du pape il y a une raison. Et aujourd'hui le martyre de l'humilité, de se cacher, la dimension de Nazareth sont peut-être le plus diffciles à comprendre dans une société qui ne conçoit que l'efficacité et l'exposition médiatique. Le Pape n'est pas une superstar a-t-il déclaré dans un discours à la Curie, au début de son pontificat, il n'est pas une célébrité, un mythe, mais il est le serviteur des serviteurs. Et parfois, servir signifie aussi renoncer.

Oui, nous sommes tous encore sous le choc de cette décision. Mais de toutes façons, nous l'aurions été encore plus si Benoît XVI était mort subitement. Et même maintenant, nous avons la consolation de penser que nous aurons encore ses écrits.
On ne sait pas comment seront les prochains mois. Et l'habituel course aux papabili, aujourd'hui, n'a guère de sens. Si un certain portrait-robot était valable au terme d'un pontificat achevé normalement, il faut maintenant imaginer un portrait-robot différent. Parce que le prochain Pape régnera en sachant que seulement à quelques mètres du Palais apostolique, le théologien Ratzinger, évêque émérite de Rome, prie pour lui et l'Eglise, mais est également disponible à l'écouter.