L'avertissement de Mgr Negri

Il faut une réforme morale de l'Eglise. Message publié sur La Bussola (15/2/2013)

     

Il faut une réforme morale de l'Eglise
Luigi Negri
14/02/2013
http://www.lanuovabq.it/
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Le pape nous laisse un héritage extraordinaire d'humanité. Une humanité faite avant tout de l'intensité de sa foi personnelle en Jésus-Christ, qui est l'aspect le plus impressionnant de l'annonce qu'il a donnée. La fidélité au Seigneur Jésus-Christ, une appartenance humble et passionnée à l'Eglise, et le services à Elle, dans toutes les fonctions qu'il a eues, jusqu'à cette dernière, certainement inattendue, mais embrassée avec un sens profond d'obéissance au mystère du Christ. Une humanité qui se renouvelle quotidiennement dans l'expérience de la foi et de la société ecclésiale, tout comme me l'a enseigné pendant 50 ans, don Giussani.

C'est un moment d'humanité qui est offert à tous les hommes de bonne volonté.
Je rencontre chaque jour des dizaines de laïcs, qualifiés ou non, qui ont été vivement touchés par la présence et le magistère de ce Pape.
Touchés surtout pour sa proposition radicale de raison: de la raison ouverte au mystère, de la raison qui sent, lointain, mais imminent, le Mystère, et qui n'accepte d'être une machine qui fonctionne en organisant et manipulant des objets de connaissance autant qu'il est techniquement possible de les manipuler. Même les objets humains, pour que la vie - ainsi que le Pape l'a quotidiennement dénoncé - soit réduite à un objet biologique à soumettre sans aucune règle aux manipulations qui sont considérées comme justes pour le traitement de la maladie, mais surtout pour la recherche scientifique, du présent et du futur. Une raison vibrante, la raison qui naît du cœur, qui exprime le cœur, et qui chemine vers le sens ultime de la vie mystérieusement cachée au-delà de la réalité, mais pourtant présente dans la réalité.

Son témoignage extraordinaire de foi et d'humanité a eu dans la formulation de la charité son point culminant. La charité qui est Dieu, le Dieu vivant, le Dieu vivant en Jésus-Christ, et le Dieu vivant dans tous ceux qui croient en Lui, et qui pour cela fait partie de cette nouveauté absolue de conscience et de cœur, qui est la conscience et le cœur du Seigneur Jésus-Christ: «Nous avons le sentiment du Christ», disait saint Paul.
Et la charité envers les hommes - qu'il a aussi démontrée avec la gentillesse de son contact avec les centaines de milliers de personnes qui ont pu l'approcher, même pour quelques instants - la charité envers les autres, est un acte de dilatation envers les hommes de cette profondeur de vie nouvelle qui est dans le cœur du croyant et qui ne peut être retenue dans le cœur du croyant. Par sa force, par sa logique, elle tend à déborder de la vie de la personne et à entrer dans le monde et à créer des rapports nouveaux et définitifs sur le rythme de l'humanité et du respect, et non sur le rythme de la violence et de la possession, qui semble être la seule logique du monde dans lequel nous vivons.

Ce grand témoignage a eu son point final, inattendu, bouleversant, avec cette démission qui est parfaitement en ligne avec ce désir de dévouement à l'Église, avec la conscience humble et réaliste de ne pas être en mesure de vivre de façon appropriée, d'honorer de façon adéquate, ce service pontifical pour l'unité de l'Eglise, pour sa vérité, pour sa charité, pour la communion qui doit animer la vie de l'Église universelle et des Églises particulières, qui trouve dans le pape son point de référence ultime: «Cette Eglise qui préside à tous les autres dans la vie de la charité», comme disaient les apologues, et ensuite les Pères de l'Église.

Certes, la tâche qui attend le successeur est une grande tâche: sans doute celle d'évoluer, de mûrir, de faire passer de manière encore plus décisive ce grand témoignage de foi et d'humanité dans les cellules vivantes de l'Église catholique. Et l'Année de la Foi est l'ultime, très belle, intuition de Papa Benedetto: ce retour à la présence du Christ, se mettre à sa suite, cette suite formulée - comme il devait la formuler lors du Synode des Evêques - dans la conversion de l'esprit et du cœur. L'Année de la foi résume son voyage de Pape et la résume de façon opérative et éducative, et donc il faut poursuivre ce renouveau radical de foi comme événement à rencontrer et à vivre et qui ne se réduit pas à des indications, des sentiments, des perspectives à caractère spiritualiste, individualiste, et encore moins à des projets à caractère sociologique, comme il est dit très clairement au début de Deus Caritas Est.
Certes, le Pape connaît bien les difficultés de l'Eglise - et quelque chose en transparaît, même dans la pudeur totale de sa communication - il connaît bien les peines, les difficultés spirituelles qui ont pesé avant tout et surtout sur ses épaules, avec un poids dont je pense qu'il lui a été pénible plus d'une fois.

L'Eglise a besoin aujourd'hui d'un pape qui procède de manière rigoureuse et rapide - si je peux m'exprimer ainsi - à une réforme intellectuelle et morale de l'Eglise, mais surtout de l'épiscopat et du clergé. Nous avons besoin d'une forte prise de conscience de la nouveauté du christianisme, qu'il devienne culture, critère de jugement, critère de comportement, capacité de dialogue avec le monde extérieur à l'Église, capacité de proximité et capacité à dénoncer cette christianophobie qui a été plus d'une fois indiquée par Benoît XVI comme le contexte devenu normal dans la vie des Églises sur tous les continents.

Nous avons besoin d'une réforme intellectuelle et morale: je me suis permis lors de la visite ad limina (le 4 février dernier) de souligner l'importance de mettre dans les séminaires, surtout ceux régionaux, un enseignement sur le Magistère qui fasse apprendre à lire et à valoriser le Magistère du Pape; et un enseignement de la doctrine sociale de l'Église, qui permette aux prêtres de faire face à la réalité socio-politique d'aujourd'hui avec des coordonnées très claires: ce sont ceux qui sont synthétisés par le pape, dans les principes non négociables, mais qui viennent comme suite d'un processus séculariste qu'il faudrait mieux connaître et comprendre.

La tendresse que de nombreuses instances ecclésiale ont pour le Pape est marquée aujourd'hui par une grande douleur,
elle devient humble, et certes, demande au Christ et à la Vierge Marie, afin qu'ils accompagnent l'Eglise dans ce passage difficile, la confiant à un Pape plus jeune, et pour cela en mesure de répondre à ce défi, sur la réforme intellectuelle et morale. Souvent je pense à cette homélie extraordinaire et prophétique que Jean-Paul Ier a donné au début de son pontificat, quand il a pris possession de la basilique Saint-Jean de Latran, puis du siège de Rome. Après avoir énucléé les graves difficultés que vit l'Eglise - a vécu et vit - il a dit: «Nous devons tous revenir à l'antique discipline de l'Eglise»."

Ce fut l'effort inlassable de Benoît XVI, contredit par de nombreuses difficultés internes et externes, mais je pense que c'est la route que son successeur devra nécessairement rouvrir s'il veut servir une Église capable de mission, et non pas enfermée dans la gestion d'un espace religieux dans une société sécularisée.