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Familles: Müller contre Paglia

Une interviewe du Président du Conseil pontifical pour la famille dans l'Avvenire... et les critiques acerbes de Matteo Matzuzzi, sur la Bussola (27/10/2013)

>>> Le document de Mgr Müller: www.osservatoreromano.va.
>>> Sur le même sujet: Communion pour les divorcés remariés?

Il y a trois-quatre jours, le président du Conseil Pontifical pour la famille, Mgr Paglia, accordait une interviewe à Vatican Insider. L'occasion était le pélerinage "Famille, vis la joie de la foi", organisé les 26 et 27 octobre par le dicastère qu'il dirige (cf. Familles: Mgr Paglia a perdu la mémoire )
Plusieurs de ses propos m'avait fait tiquer, et notamment son amnésie subite concernant Benoît XVI, qui l'avait nommé, sans doute sur des pressions (Mgr Paglia est le "parrain" spirituel de Sant'Egidio, et l'ami de son influent fondateur, Andrea Riccardi), à son poste actuel.

Il s'exprime cette fois dans l'Avvenire, le quotidien des évêques italiens, à propos du synode sur la Famille convoqué par le Pape François en octobre 2014.
Ses propos, laxistes, lénifiants, hyper-politiquement corrects, s'opposent frontalement au ferme rappel de la doctrine par Mgr Müller, paru ces jours-ci dans l'OR.
Il ne fait aucun doute que les deux "lignes" s'affronteront au Synode, et on peut se demander (non sans inquiètude) ce qui en sortira pour la famille, et si le Pape voudra trancher.

La Bussola, toujours soucieuse de défendre le Pape de toute accusation d'hétérodoxie, s'en prend au prélat, confirmant entre autre ce que je pensais: à la curie, c'est l'époque des nominations, et le titulaire du Conseil pontifical pour la famille n'a pas encore été confirmé. On comprend qu'il fasse du zèle en pensant plaire à son maître.

Encore un "détail": dans l'interviewe de Paglia, il n'est nulle part question de doctrine, de foi, d'évangélisation, et le nom de "Jésus" n'est pas prononcé une seule fois. Voilà un prélat qui confond le rôle d'un évêque et celui d'un ministre "des" familles dans un gouvernement socialiste.

     
L'interviewe de Mgr Paglia (l'Avvenire, 26/10/2013)

«Ainsi, l'Église se penchera sur les blessures de la famille»
http://www.avvenire.it/
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Simplicité, transparence, style accueillant et langage de compréhension immédiate. Ce sont les lignes directrices auxquelles devront s'inspirer la théologie et la pastorale du mariage et de la famille, selon les indications que le pape François a remises aux experts en vue du «double» Synode de 2014-2015. Cela ne s'était jamais produit dans l'histoire de l'Église que deux grandes assemblées épiscopales de portée universelle, comme c'est précisément le cas pour un synode, affrontent le même sujet à si peu de temps d'intervalle. Un tournant plus qu'éloquent du rôle fondamental attribué par le pape à la réalité de la famille. «Il s'agit de toute évidence d'une urgence absolue du point de vue pastoral - observe l'archevêque Vincenzo Paglia, président du Conseil pontifical pour la famille - mais aussi social, culturel, politique». Et la transversalité de la famille, le fait qu'elle constitue les racines et l'avenir de tous, un pont entre les générations, la réalité dans laquelle se reflètent tous les problèmes qui s'entrecroisent dans la société, imposent une réflexion tous azimuts, ouverte, sans zones d'ombre. «Et par-dessus tout - ajoute Paglia, s'exprimant en marge de l'assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la Famille qui se termine aujourd'hui par l'audience du Pape - notre attention doit être accordée à toutes les familles, et je veux dire toutes sans aucune forme d'exclusion».

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- Cela signifie que seront également abordés des noeuds pastoraux et théologiques, comme le rôle des divorcés remariés, qui pendant des années a créé des malaises et des difficultés?
« Le pape ne convoque pas un Synode, et même un "double Synode" pour redéfinir la théologie du mariage et de la famille. Le pape veut avant tout accueillir et écouter les familles telles qu'elles sont, toutes les familles, dans la complexité des différentes situations. Et il veut que la grandeur de ce "trésor précieux des peuples", comme il l'a dit lui-même au Congrès d'Aparecida, soit comprise dans son caractère extraordinaire, qui est une richesse pour l'Eglise et pour la société».

- Accueillir et comprendre les différentes situations dans lesquelles les familles d'aujourd'hui vivent ne signifie-t-il pas également intervenir là où il y a des situations de crise et de souffrance?
« Les évêques auront certainement l'occasion d'approfondir les questions doctrinales les plus urgentes, mais affirmer aujourd'hui vers quels rivages se dirigeront ces réflexions signifierait faire du tort à la variété et aux capacités d'analyse de l'épiscopat mondial. Une chose est certaine. Le pape demande à l'Eglise de mettre au centre des trois prochaines années, le thème de la pastorale des familles. Et cela est un choix vraiment providentiel.

- Et la pastorale des familles a besoin de ces d'interventions?
« Elle doit être profondément redéfinie dans un souci de simplicité et d'immédiateté. Nous devons être de plus en plus en mesure de parler à tout le monde, avec un langage capable de conjuguer vérité et miséricorde. Nous n'avons pas besoin de nouvelles lois mais de fraîcheur et de joie. Notre slogan pourrait être: "la famille est la plus belle chose au monde".

- Est-il possible d'ébaucher une liste des arguments concrets dont traiteront les deux synodes?
« Je dirais que nous devrons définir un versant intra-ecclésial et une autre plus général. Dans le premier entreront sans doute toutes les situations de crise, à commencer par les familles qui vivent la pauvreté matérielle. Quand il n'y a pas de pain et de travail, même la stabilité familiale est compromise. A côté de la pauvreté matérielle, je mettrais la condition des familles immigrées, mais aussi des veuves et des personnes âgées. S'occuper d'eux aussi signifie se pencher sur les blessures de la famille.

- Et puis il y a toutes les souffrances spirituelles, souvent non moins dévastatrices ...
« Bien sûr, les personnes séparées, divorcées non remariés et divorcées remariées, les personnes qui demandent à vérifier la nullité de leur mariage, les personnes qui vivent en concubinage. Vers tous ces couples doit se tourner notre attention qui, comme le dit le Pape François, doit avant tout comprendre et accueillir.

- Le thème du concubinage porte en soi l'urgence d'exprimer une parole claire également sur les unions homosexuelles.
« Le Synode ne négligera absolument rien. Dans les prochains jours, les questionnaires adressés aux évêques du monde entier commenceront à partir. Nous avons demandé à chacun d'indiquer en détail les différentes situations familiales présentes dans leurs communautés, les problèmes, les urgences, les difficultés. Je crois qu'en octobre prochain, quand le synode s'ouvrira, nous serons face à un cadre absolument exhaustif.

- Quelle signification donner au pèlerinage qui demain et après-demain amènera Place Saint-Pierre des milliers de familles venues du monde entier?
« C'est déjà le début de ce chemin. Le don de la rencontre avec le pape dans la prière et l'écoute réciproque aidera chacun à trouver de nouvelles raisons dans la vie de la foi. Les familles doivent être le levain de la société et de l'Eglise. Non seulement cela, elles doivent devenir toujours plus un laboratoire de communion pour créer des ponts de paix entre tous les peuples, même de différentes confessions. Un véritable défi mondial. Mais qu'y a-t-il de plus mondial que la famille?

     
Les critiques de Matteo Matzuzzi dans "La Bussola"

La famille de Paglia n'est pas celle de Müller
Matteo Matzuzzi
http://www.lanuovabq.it
27-10-2013
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L'exemplaire de L'Osservatore Romano de mercredi (23 octobre) n'a pas dû finir sur le bureau de Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil Pontifical pour la Famille et ancien évêque de Terni. Dans cette édition de l'organe officiel du Saint-Siège, le journal du pape, il y avait deux pages longues et denses signées par le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Gerhard Ludwig Müller, où étaient fixés des verrous robustes sur le mariage, les divorcés, la famille.
L'Osservatore Romano présentait le document comme une «contribution» en vue du Synode sur la pastorale de la famille annoncé et convoqué par François pour l'automne 2014.

Pourtant, à lire la docte leçon de Müller, ces mots semblaient bien plus qu'une simple contribution: c'était la doctrine, claire et nette, émise par ce qui était autrefois le Saint-Office. Des contraintes bien définies sur ce qui est permis et ce qui est contraire à la volonté de Dieu. Sur ce qui est de la disponibilité de l'homme et ce qui n'est plus de son libre arbitre. Sans surprise, dans les secteurs progressistes les plus allergiques aux clôtures dogmatiques et à tout ce qui ressemble au depositum fidei, a déjà commencé une campagne pour faire du texte du préfet allemand rien de plus qu'une opinion personnelle. Deux stratégies: soit déclasser le document à une petite déclaration qui sera annexée au kit des Pères synodaux, soit ne pas lui donner trop de publicité.

Qu'on puisse se passer des mots de Müller, Mgr Paglia en semble également convaincu; il est intervenu sur le sujet dans une interview accordée vendredi à l'Avvenire. De sa part, aucune leçon de théologie sacramentelle, bien entendu. Simplement, un copier-coller du lexique le plus utilisé par François, dans une tentative maladroite de faire siennes les images lancées par Bergoglio qui plaisent tellement et sont tellement à la mode - à la curie, c'est l'époque des nominations, et le titulaire du Conseil pontifical pour la famille n'a pas encore été confirmé.

Mgr Paglia parle de «blessures» à guérir (voilà l'hôpital de campagne de retour), invoque «la simplicité, la transparence, le style accueillant et de compréhension immédiate». Il espère qu'autour de ces mots d'ordre, le débat synodal se développera. Et cela parce que «de toute évidence, il s'agit d'une urgence absolue, non seulement du point de vue pastoral, mais aussi social, culturel, politique». Mais Paglia va plus loin, et, comme à bord d'un avion, parlant a braccio, le Pape avait dit que le problème des divorcés remariés devrait être discuté, l'ancien évêque de Terni tente la fuite en avant et dit que «notre attention doit être portée vers toutes les familles, et je veux dire vraiment toutes, sans aucune exception ».

Ce qu'il entend par «toutes» est plus clair quelques lignes plus loin: «La famille est la plus belle chose au monde». Et le regard de l'Eglise «doit inclure et accepter les personnes séparées, divorcés non remariés et divorcés remariés, les personnes qui demandent de vérifier la nullité de leur mariage, celles qui vivent en concubinage». Un défi que le prélat qualifie de «mondial (global?)», mais par ailleurs, «qu'y a-t-il de plus mondial que la famille?». Famille, qui, dit Paglia «est la plus belle chose au monde». Il parle de miséricorde, l'ancien évêque de Terni, comme si la miséricorde était une sorte d'éponge qui efface tout.

Mais là aussi, Müller est intervenu pour clarifier comment sont les choses pour la doctrine catholique,: «À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa miséricorde aux hommes».

Et la famille est une seule, et répond à l'appel de Dieu qui se réalise - pour citer le pape à Assise - dans la «vocation à former de deux, hommes et femmes, une seule chair, une seule vie». Le préfe gardien de la foi reconnaît l'indication de Bergoglio et l'amplifie, la renforçant par la théologie: «Le mariage est entendu comme une communion corporelle et spirituelle complète de vie et d’amour entre un homme et une femme, qui se donnent et s’accueillent l’un l’autre en tant que personnes. À travers l’acte personnel et libre du « oui » réciproque, est fondée par droit divin une institution stable, qui est ordonnée au bien des époux et de leurs enfants, et qui ne dépend plus de l’arbitraire humain : "Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité"».

Il est clair, Mgr Muller, y compris en précisant que pas même le repentir ne peut permettre aux divorcés remariés de s'approcher des sacrements. L'Eglise catholique n'est pas l'Église orthodoxe, et la pratique de la «deuxième possibilité», bien que mentionnée dans l'interview dans l'avion en Juillet dernier directement par le Papa François, n'est pas possible: «ette pratique n’est pas conciliable avec la volonté de Dieu, telle qu’elle est clairement exprimée dans les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du mariage, et cela représente un problème œcuménique qu’il ne faut pas sous-estimer». En somme, il n'y a pas grand chose à discuter. Si telle est la volonté de Dieu, dit Müller, on ne peut pas innover, ni inventer quoi que ce soit.

Une ligne que tous (à commencer par les responsables de la curie en la matière) devraient suivre et observer. Mais Mgr Paglia, toujours sur l'Avvenire, n'est pas d'accord et affirme que «nous n'avons pas besoin de nouvelles règles, mais de fraîcheur et de joie». Les évêques, ajoute-t-il, «auront sans aucun doute l'opportunité d'approfondir les questions doctrinales les plus urgentes, mais l'urgence est une autre: Accueillir et écouter les familles comme elles sont, toutes les familles, dans la complexité des différentes situations». Le motif, c'est le prélat lui-même qui l'explique: «La pastorale familiale doit être profondément redéfinie dans une optique de simplicité et d'immédiateté. Nous devons être de plus en plus capables de parler à tous, avec un langage capable de conjuguer vérité et miséricorde». En somme, pour le président du Conseil pontifical pour la famille, assez, avec les verrous et les contraintes fastidieuses: plus que de doctrine, on a besoin de fraîcheur et de joie.

En plus du texte de Müller, il n'avait manifestement pas lu non plus à l'avance le texte que le pape devait lire vendredi midi devant l'instance plénière de l'organisme présidé par Paglia:. «La famille - précisait Francis - est fondée sur le mariage. A travers un acte d'amour libre et fidèle, les époux chrétiens témoignent que le mariage, en tant que sacrement, est la base sur laquelle se fonde la famille et rendent plus solide l'union des époux et leur don mutuel. Le mariage est comme le premier sacrement de l'humanité, où la personne se découvre elle-même, s'auto-comprend en relation avec les autres et en relation à l'amour qu'elle est capable de recevoir et de donner».