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François est un génie de la "communication"

Une exceptionnelle interviewe de Michael Hesemann qui vient de publier en Allemagne une biographie du Pape, traduite par Marie-Anne (18/9/2013)

Michael Hesemann, auteur du livre-interviewe "Mon frère le pape", fruit d'un long entretien avec Georg Ratzinger, n'a pas cédé à la tentation facile du "livre de circonstance", et a pris son temps pour écrire une biographie du nouveau Pape. En particulier, il s'est rendu sur place, il a longuement enquêté, et il a rencontré la seule soeur survivante de François (1).

Ma chère amie Marie-Anne eu la gentillesse de traduire à ma demande une longue interviewe accordée à cette occasion à <kath.net>.

Inutile de le cacher, Michael Hesemann, qui aimait Benoît (et dit de très belles choses sur lui), se réjouit de l'élection de François, mais il n'est pas pour autant un françoismaniaque. Il met à mal la légende construite autour du Pape "venu du bout du monde" par les vaticaopinionistes - et c'est décapant.
En particulier celle d'une pauvre famille italienne émigrée en Argentine est une pure invention, destinée à conforter l'image d'un "pape pauvre" et "d'un pape des pauvres".
Mais cela, les portraits de la famille Bergoglio le laissaient deviner.

Michael Hasemann pense que la clé pour comprendre ce pontife, c'est son origine (en partie) latino-américaine.
Peut-être. Je ne suis pas absolument convaincue, mais ses arguments sont bien documentés.
J'espère surtout que, comme le souhaitait Angela Ambrogetti, il cessera d'être le pape de l'Amérique latine, pour devenir celui du monde entier. Pour le moment, son univers est un peu loin de moi.

Texte en allemand ici: http://www.kath.net/news/42819
Traduction Marie-Anne

     

Voici maintenant six mois que le pape François exerce son ministère. Michael Heseman (né en 49), historien et biographe des papes, interviewé par Yuliya Tkachov, dresse un bilan remarquable : Ce pape venu « du bout du monde » est un génie de la communication, pourrait-on dire.
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Yuliya Tkachova : Monsieur Hesemann, pourquoi votre nouveau livre « Héritage de Benoît XVI et l’avenir de l’Église » n’est-il publié que maintenant ?

Michael Hesemann
: C’est parce que je n’aime pas tirer des conclusions trop rapides. Elles sont rarement justes. Mes chers collègues ont fait publier des livres quelques semaines seulement après l’élection du nouveau pape, le 13 mars dernier. Je vous pose la question : comment peut-on comprendre et apprécier un homme à sa juste valeur en si peu de temps alors que jusque là il était totalement inconnu ? Les résultats ont été fatalement quelque peu erronés. Quant à moi, j’ai pris mon temps ; et j’ai fait le voyage par avion pour parler sur place, en Argentine, avec les gens qui le connaissent vraiment. J’ai rencontré sa sœur, son plus proche collaborateur, son meilleur ami, le rabbin de Buenos Aires (photo en bas de page). On ne peut connaître quelqu’un sans voir de près le lieu d’où il provient. Pour nous qui vivons en Europe centrale, l’Argentine est après tout, un monde en grande partie inconnu. On ne peut comprendre le pape François sans connaître sa patrie.


YT: Que voulez-vous dire par là ?

MH: Prenons par exemple l’expression si souvent citée : “l’Église des pauvres”. Qui sont ces pauvres et quelle est l’Église qu’ils représentent selon lui ? En Europe les milieux qui sont porteurs pour l’Église, ce sont la bourgeoisie, l’élite traditionnelle, la noblesse, les milieux défavorisés ne sont pas vraiment croyants, leur vie morale est relâchée, et leur religiosité est superficielle. La situation en Amérique du Sud, c’est tout le contraire, comme m’a dit si bien Pater Marco, qui avait été pendant longtemps le collaborateur le plus proche du cardinal Bergoglio.
Les colonisateurs qui ont exploité la population en la réduisant en esclavage, c’étaient des Européens. Les classes supérieures de la société de là-bas ont été constituées des exploiteurs, des seigneurs sans scrupule quant à la morale, liés à un clergé corrompu leur servant d’alibi.
En fait, les Espagnols et les Portugais n’ont pas du tout souhaité être des missionnaires, parce qu’une population devenue chrétienne ne pouvait plus être asservie. Mais voilà que les ordres missionnaires comme les franciscains en Amérique centrale et les jésuites en Amérique du Sud ont contrecarré leur projet. En évangélisant les Indiens ils les ont libérés de l’esclavage. Ils ont contribué ainsi à créer une société mixte, composée d’indigènes, de métisses et de créoles, qui, après avoir acquis une conscience aiguë de cette situation d’injustice, ont fini par secouer, après plusieurs tentatives, le joug des puissances étrangères. Ils sont depuis toujours profondément enracinés dans la foi et ont développé une religiosité populaire qui a forgé leur identité. Les croyants de l’Amérique du Sud ne proviennent donc pas de ces classes supérieures qui, comme en Occident, sont marquées pas l’hédonisme, et qui sont des descendants des colonisateurs.
C’est ce qui explique l’aversion du pape à l’égard des symboles qui rappellent la monarchie, comme le trône, les concerts de musique classique qui autrefois faisaient partie de la distraction de la cour, ou encore les chaussures rouges dont l’origine remonte à l’empereur romain, même si elles ont pris ensuite une signification chrétienne. Pour un sud-américain, monarchie, égale: colonialisme, exploitation et esclavage. Nous, en Europe on a une tout autre sensibilité. Pour nous la monarchie renvoie à une grande époque.
Mais pour François « l’Église des pauvres » ne veut pas du tout dire une Église d’en bas, avec l’utopie de la gauche, mais plutôt un enracinement profond dans la spiritualité de tout un peuple.
La vision du nouveau pape correspond au livre du prélat Imkamp „Sei kein Spießer, sei katholisch“ “Ne sois pas petit bourgeois, sois catholique”, - que j’ai lu avec grand plaisir et aussi grand profit spirituel. Je pense que le pape François, autant que je le vois, serait d’accord avec ce livre.
Le fait qu’il ait une grande dévotion pour la Vierge Marie, je n’ai pas besoin de souligner. Il va consacrer le monde entier le 13 octobre prochain à Notre Dame de Fatima, après lui avoir confié son pontificat le 13 mai dernier. C’est parce que le message de Fatima - comme toute la spiritualité mariale - appartient à la religiosité populaire, et donc à “l’Église des pauvres”.


YT: Il est donc marqué par l’histoire de son pays. Mais n’est-il pas fils d’immigrés italiens ?

MH: Mais bien entendu. Ses grands-parents sont des piémontais. Ce sont ses parents, et surtout sa grand-mère très pieuse qui lui a transmis sa foi profonde. Mais en même temps, par ses études scolaires il a été aussi marqué par la société argentine, le nationalisme d’un Peron…
Et finalement, il est entré dans le grand ordre missionnaire des jésuites, qui dès le début ont pris parti, en Amérique du Sud, pour les opprimés. Ils ont converti les indiens en les aidant à se libérer des griffes de la traite des esclaves. Tout cela, bien sûr, contre les intérêts de la couronne espagnole et portugaise, qui ont obtenu ensuite de Clément XIV la dissolution de l’ordre. Et il fallait attendre des décennies pour sa réouverture. C’est parce que les jésuite étaient du côté des pauvres.


YT: Les Bergoglios aussi faisaient partie des pauvres, en arrivant en Argentine.

MH: Non, ce n’est pas exact ! Même si pas mal de biographes le disent, ceci ne correspond pas à la réalité. Les grands-parents du pape avaient à Turin un Café très chic, avec un bar de nuit très comme il faut. Son père était comptable dans une banque turinoise. Donc, c’est un milieu tout à fait bourgeois. C’est lorsque Mussolini s’est emparé du pouvoir que la famille a choisi l’émigration. Sa grand-mère a beaucoup protesté contre les fascistes, en allant à l’église, et par son entêtement typiquement piémontais elle risquait fort la prison. Elle a donc préféré cacher sa fortune dans le col de son manteau de fourrure et partir avec sa famille à Argentine. Là-bas les frères de son mari avaient déjà une usine de denrées alimentaires et ont acquis une situation remarquable. Leur maison à 4 étages, le „Palazzo Bergoglio“ est connu dans toute la ville. Cet immeuble s’achevait même par une imposante coupole, dans un style moderne pour l’époque, et parmi les maisons des particuliers elle était seule à disposer d’un ascenseur. C’est seulement lorsque l’usine avait succombé à la crise économique mondiale que les grands-parents ont cessé de faire ce commerce et que Bergoglio père est devenu comptable dans une fabrique de bas.


YT: Je croyais qu’il était cheminot…

MH: Lorsque je racontais cela à Maria Elena Bergoglio, la sœur du pape, elle a éclaté de rire. C’est une histoire cousue de toutes pièces.
D’autres ont inventé la formule selon laquelle il aurait été comptable des chemins de fer. Mais il ne l’a jamais été non plus. Comme je l’ai déjà dit, on a colporté pas mal de fausses informations. C’est pourquoi j’ai voulu aller sur place pour apprendre la vérité, au lieu d’écrire des faussetés. Mais c’est vrai qu’un pape venant de la classe ouvrière semble bien correspondre à l’image de François selon les médias !


YT: Que reprochez-vous à l’information donnée jusqu’à présent sur le pape François ?

MH: Elle est superficielle, centrée sur les choses extérieures, ayant tendance à l’opposer à son prédécesseur. Or, je pense qu’il serait le premier à s’insurger contre cette emprise que les courants libéraux exercent dans l’Église.


YT: Que voulez-vous dire par là ?

MH: Sans aucun doute, il a un autre style qui s’explique, comme je l’ai dit, par son origine sud-américaine et sa formation jésuite. C’est-à-dire qu’il préfère un style simplifié par rapport à ses prédécesseurs européens. Mais l’extérieur ne veut rien dire. Renoncer à des chaussures “rouges” ne signifie pas qu’il devienne un pape “rouge” ! ni même un pape libéral. Un des “Papabiles“ du dernier conclave, le cardinal O’Malley, un capucin, aurait porté des sandales… Non, le style Bergoglio est tout d’abord celui d’un jésuite, qui se veut simple, ni plus ni moins.
Cela ne veut absolument pas dire qu’il prenne ses distances avec son prédécesseur qu’il vénère, bien au contraire ! Cela apparaît non seulement dans ses discours adressés au public, mais, selon le témoignage de sa sœur Maria Elena Bergoglio, cela correspond à une réalité.
J’ai passé trois heures avec Maria Elena Bergoglio, pour l’interviewer et pour apprendre la vérité sur l’histoire de cette famille. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est le ton affectueux avec lequel elle parlait de Benoît XVI. Elle l’a qualifié comme “un grand pape, extraordinaire, même si pas tout le monde a su l’apprécier”. Elle a loué “sa grande richesse intérieure, son humilité, son courage et son honnêteté”.
Et ce que nous avons pu voir durant ce premier semestre du nouveau pontificat, ce sont des signes évidents de continuité ! à tel point que la première encyclique du pape François a été vraiment une œuvre commune à tous les deux.
Dans mon livre, je dis que l’effort principal du pape Benoît, consistait à retrouver l’interprétation correcte du Concile Vatican II. C’est parce que des tendances libérales ont propagé l’herméneutique de la rupture, comme si l’Église catholique avait été rebaptisée en 1965 ! Ce faisant on se référait volontiers à un certain “esprit du Concile“ qu’on plaçait au-dessus des textes promulgués par le Concile. En rejetant le pontificat de Ratzinger, cette herméneutique refait surface. Mais c’est intenable !
Non, il n’y a pas eu de révolution à Rome. Le pape Benoît s’est retiré en raison de son âge, et son successeur a été élu pour qu’il mène la barque de l’Église en ce temps où nous vivons.
Bien sûr qu’on n’a pas voulu élire un 2e Ratzinger comme Benoît XVI non plus n’a été un 2e Wojtyla. Après un pape surdoué intellectuellement, on a choisi délibérément un autre homme, avec d’autres charismes. Le pape François n’est pas un intellectuel, ni un théologien à l’égal des pères de l’Église ; on avait besoin plutôt de consolider l’héritage charismatique d’un Jean-Paul II.
C’est un pasteur, un curé du monde, et c’est bien de cela que l’Église a besoin maintenant. Bien sûr qu’ils ont des personnalités différentes tous les deux : Benoît XVI gardait sa timidité, sa modestie, la profondeur de sa pensée, en tant que pape. François est spontané, extraverti, proche des gens. Le premier est un grand spirituel, le second un homme de cœur, et cela, chacun, de façon merveilleuse.
Ceci me rappelle un peu la succession en 1958 ; après la mort de Pie XII, les cardinaux ont élu Jean XXIII qui était apparemment, tout à fait différent. Mais lui aussi, à l’étonnement général, a déclaré à maintes occasions, combien il avait de l’estime pour son grand prédécesseur.
C’est dommage que de nos jours on s’ingénie à opposer systématiquement François à Benoît; et pour cela on répand des mensonges flagrants, non seulement parmi les catholiques libéraux, mais aussi parmi les traditionalistes qui désapprouvent le style Bergoglio.

YT: Donnez-nous des exemples !

MH: Sur internet on a fait circuler une fausse nouvelle comme quoi le nouveau pape aurait l’intention d’annuler le motu proprio de Benoît XVI „Summorum pontificum“, c’est-à-dire la permission de célébrer la messe dans le rite ancien. Comme s’il était un “adversaire farouche” (sic!) de ce rite alors que j’ai appris à Buenos Aires que tout cela est sans fondement. Bien au contraire : A peine après 48 h de présence, j’ai pu constater que dans une des plus belles et plus anciennes églises, au centre-ville, une centaine de mètres de la cathédrale, une messe selon l’ancien rite est bel et bien célébrée. Et le cardinal Bergoglio a même demandé à un prêtre âgé et expérimenté de former les jeunes pour pouvoir célébrer en ce rite.
On avait beau dire que sa première décision personnelle consisterait à remercier l’actuel maître de cérémonie, le conservateur Guido Marini. Dieu merci, il est confirmé dans sa charge. Le pape a présenté cette décision aux évêques italiens en disant que lui aurait beaucoup à apprendre de Marini, et que la réciproque est aussi vraie. Je trouve cette explication d’une grande justesse !
D’autres ont osé considérer le pape François, comme s’il était sorti des loges des franc-maçons, puisqu’il a accepté d’être membre honorifique de Rotary-Club à Buenos Aires. Pourtant, leur fondateur Paul Harris, n’a pas du tout été franc-maçon. Jean- Paul II lui-même a accepté ce titre, comme d’ailleurs plusieurs évêques allemands, avec parmi eux l’évêque Walter Mixa, qui est fidèle à la tradition. Alors, pourquoi pas Bergoglio ? Ses gestes de bon pasteur ont été faussement interprétés comme des attitudes d’un membre de la franc-maçonnerie ! Pourtant, avoir les bras croisés, c’étaient déjà la coutume chez les premiers chrétiens, comme c’est encore le cas chez les orthodoxes en allant communier. C’est le signe d’une attitude d’intériorité, pleine de respect et d’attachement à Dieu.
Et on épilogue aussi sur sa croix pectorale dont le métal ne serait que du fer-blanc ! J’ai appris par hasard où a été l’acheter l’ancien archevêque Bergoglio : dans une célèbre librairie située près de la place St Pierre. En fait, c’est une croix en argent massif (925/1000), provenant de Giuseppe Albrizzi de Padoue, un orfèvre italien très connu, qui s’est spécialisé dans l’art sacré. J’ai moi aussi un exemplaire où un tampon indique qu’il s’agit bien de l’argent ! A vrai dire, la croix pectorale de Benoît n’était que dorée ! De même son anneau de pêcheur ! Et ses vêtements liturgiques qualifiés somptueux provenant tout simplement de la sacristie pontificale étaient les mêmes dont avait été revêtu Jean XXIII, le pape de la “Réforme”. Cela était plus économique que de se faire confectionner des ornements apparemment plus simples mais dont le coût aurait été beaucoup plus élevé ! Ceux qui opposent les deux papes dans ce domaine se trompent donc lourdement !


YT: Malgré les reproches que vous faites aux médias, il vous faut admettre que les apparitions publiques du pape argentin sont très populaires… avec une seule exception, c’est l’utilisation de la vieille Renault.

MH: Et pourquoi le pape devrait-il refuser un cadeau offert avec tant de gentillesse ? Bien entendu, comme toute personne qui débute dans une fonction, il a besoin lui aussi d’un certain entraînement. Maria Elena Bergoglio m’a expliqué que François a été éduqué non seulement par les paroles mais surtout par l’exemple de leur père! Et c’est bien ainsi qu’il se comporte lui aussi maintenant. C’est cela qui lui donne sa crédibilité. Il sait qu’il a beau parler d’une Église des pauvres, de la miséricorde et du partage si lui-même habite au palais. Le fait qu’il dispose d’une chambre à coucher plus grande à Ste Marthe que dans l’appartement pontifical, n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est l’effet que cela produit sur les gens.
En ce domaine Bergoglio agit avec plus de compréhension que son prédécesseur. Benoît XVI est un homme profondément humble, ce qui veut dire pour lui, d’être réservé, et ne pas se prendre au sérieux.
L’humilité de François est, je dirais, “démonstrative”, une simplicité qui veut se faire voir, dans le bon sens du terme. Sa devise, c’est : Sois modeste, et montre-le au monde, parce que tu leur sers d’exemple ! Tout comme son père qui leur disait : Regardez comment je fais, et faites de même !
Et il faut le reconnaître, ce pape a le génie de la communication. D’instinct il trouve le chemin pour aller vers les gens. Des centaines de conseillers n’auraient pu lui apprendre cela ! C’est un pape qui a su conquérir le cœur des gens. Avec cela, il transmet de la foi autant que les personnes auxquelles il s’adresse sont capables de recevoir. Cela aussi est un art ! sinon on brusque les gens en leur assénant des vérités inconfortables et on les perd pour l’Église. En cela il est tout à fait pasteur et pas un docteur de l’Église. Il a tourné le dos au moyen âge en utilisant le twitter pour ses messages. Ses faits et gestes sont plus faciles à recevoir que les méditations très profondes de Benoît. Évidemment, un pape avec une si bonne sensibilité pastorale est une chance pour l’Église ; il peut ramener à l’Église les personnes pour lesquelles Benoît XVI, ce “Coopérateur de la vérité“, a été trop exigeant, trop inconfortable. Ses gestes significatifs qui créent les gros titres des journaux font partie de cette stratégie !


YT: Que peut-on attendre du pape François dans l’avenir ?

MH: Tout d’abord, il continuera l’œuvre de Benoît XVI en y mettant du sien. Comme l’a vu déjà Benoît XVI, une réforme de la Curie doit être à l’ordre du jour instamment. En outre, le nom “François” qu’il porte, c’est déjà un programme de simplicité, de culture du dialogue, d’engagement pour la paix. Il va sûrement beaucoup œuvrer pour l’œcuménisme et le dialogue inter-religieux, comme il l’avait fait fort heureusement lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, sans aucun syncrétisme.
Ce qui s’est passé samedi dernier, avec cette merveilleuse prière pour la paix donne le meilleur exemple comment on doit agir dans l’esprit d’Assise sans commette aucune faute. Les musulmans pouvaient aussi prier avec les catholiques, mais sans ignorer qu’il s’agit du Dieu trois fois saint. Et la prière se déroulait sans inventer de nouvelles formes liturgiques, mais en puisant dans le trésor de la foi catholique : avec le rosaire et l’adoration eucharistique. A mon avis, cette prière pour la paix signifie jusqu’à présent le sommet du pontificat de François. Il a tout réalisé avec justesse. Ici on pouvait voir combien il est méconnu, car au fond, il n’est pas un pape de la réforme, ni du modernisme, mais un grand rénovateur qui veut retrouver le noyau de la foi de l’Église des origines.


YT: Mais cela demande une explication plus détaillée.

MH: Volontiers, même si j’ai besoin, pour cela de faire un détour. Chez les deux papes Benoît et François, le choix de leur nom est déjà un programme. Benoît représente le savant bénédictin. Son époque préférée, c’est l’Antiquité tardive, et son auteur préféré n’est autre que st Augustin, ce grand docteur de l’Église. Son souci consistait à définir et à sauvegarder la vérité de la foi en notre temps qui n’est pas moins turbulent qu’avait été celui des invasions barbares.
St François a surgi, quant à lui, à une époque de la décadence, et il a su ramener l’Église sur le droit chemin, en prenant l’exemple de la simplicité des temps apostoliques. Curieusement, Joseph Ratzinger a fait sa thèse du grand doctorat en 1955 sur la théologie de l’histoire de st Bonaventure, qui n’a pas été seulement un grand docteur de l’Église, mais aussi le biographe officiel du Pauvre d’Assise.
Et voici que de nos jours, à l’Église bénédictine des savants succède une Église franciscaine des pauvres. La boucle sera bouclée par l’activité du pape François qui purifiera l’Église de ses somptuosités pour la ramener à la fraîcheur des commencements. C’est pourquoi je pense qu’on peut voir l’Esprit Saint à l’œuvre déjà dans cette élection inattendue. Nous avons la chance de pouvoir bénéficier de si grands papes ! C’est déjà une preuve de la vitalité et de la force de notre Église encore aujourd’hui. Et elle sera encore plus forte lorsque le pape consacrera le monde entier le 13 Octobre à Notre Dame de Fatima, car sous la protection de Marie elle ne pourra plus faire fausse route!


YT: Merci, Mr Hesemann, pour cette interviewe!

Note

(1) Voir ici en video une interviewe (pas par Michael Hesemann) de la soeur du Pape:
http://www.youtube.com/watch?v=2HkDcUXw3_A