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La nouvelle papolâtrie du progressisme ecclésial

Un article bien envoyé d'un curé blogueur espagnol (ami!) traduit par Carlota (19/12/2013)

>>> Du même auteur, un article assez récent:
Eh bien, je crois que le pape voulait dire...

     

Le Père Jorge González Guadalix, un curé espagnol que nous connaissons maintenant bien et qui est chargé d’une paroisse périphérique de Madrid, revient avec son franc-parler et son humour habituels sur l’« affection » que certains portent au Pape François, dans un article récent de son blog « Profession, curé ».
Original ici infocatolica.com/blog/cura.php/1312151018-la-nueva-papolatria-del-progr
(Carlota)

     

La nouvelle papolâtrie du progressisme ecclésial

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“Cosas tenedes, Cid, que farán fablar las piedras” Cosas tenedes, cosas veredes…(2). Des “choses que l’on a, des choses que l’on voit (1), des choses que l’on est en train de voir, mes amis, qui feraient parler les pierres, les réseaux sociaux, les linotypes [d’imprimerie], les muets et les morts.
Regardez comme l’on a accusé de papolâtrie, durant des années, une partie de l’Église, celle que certains nomment avec mépris l’Église conservatrice, l’Église de la droite bien à droite (2). Que n’auront-ils pas ri du «Totus Tuus » (3) de Jean-Paul II qu’ils auront ridiculisé jusque dans des caricatures sur toute la toile; que n’a-t-on entendu dire de la part de l’Église la plus libérale et la plus progressiste qui l’a accusé absolument de tout.

Et que n'a-t-on pas dit du bon Benoît XVI? Le pape de l’inquisition, vous ne vous en souvenez pas? Oui, M’sieur, ils ont été jusqu’à truquer des photos pour expliquer qu’il avait été un curé nazi.
Les hémérothèques et la mémoire d’internet, spécialement la mémoire cachée, sont sans pitié. Faites-moi le plaisir de regarder en arrière, après vous être recommandés à saint google, et voyons ce qu’on disait sur les portails les plus libéraux, les plus progressistes, hypothétiquement engagés dans la réalité et encore plus hypothétiquement installés au côté des pauvres, sur Jean-Paul II et Benoît XVI; voyons si quelqu’un conserve encore la capacité de sourire.

Jamais une parole de respect, jamais un appel à l’obéissance, plutôt morts que d’affirmer qu’il faut prendre en considération, avec affection et appliquer le mieux possible ce que dit le pape. C’est à dire Jean-Paul II et Benoît XVI. Oui, M’sieur, ceux qui vidaient les églises et remplissaient les places, ceux qui s’étaient jetés dans les mains des mouvements les plus conservateurs. La vérité c’est que les églises qui se vidaient étaient justement les plus ultra-progressistes mais c’était toujours de la faute de l’Opus [Dei] et des Kikos (s'agit-il de Kiko Arguello?), dont je n’ai toujours pas réussi à comprendre qu’est-ce qu'ils avaient à voir avec cela.

Ah, mon ami.
Maintenant, le pape, c’est François. Et ils ont décidé que ce pape était « le leur». Oui, parce qu’ils n‘en ont rien à faire de la figure du pape, Pierre, la succession, les clefs (de St Pierre). S’il est des miens, je l’encense, et si non, la mort et pas de quartier.
Et s’il n’y avait que cela, c’est tellement irraisonné. Ainsi hier je lisais ces phrases de Martín Gelabert, un théologien et provincial dominicain (originaire des îles Baléares, licencié de l’université théologique de Fribourg, Suisse) : « Il y aurait peut-être à se demander si quelques uns de ceux qui se considèrent "plus papistes que le Pape", en réalité ne sont en rien "papistes", car ils font seulement appel au papisme quand le Pape semble être d’accord avec eux ».

Du petit lait, « ils font seulement appel au papisme quand le Pape semble être d’accord avec eux».
Un grand moment, et cela il faut le lire à partir d’un lien du site Religión Digital (la partie « religion » du journal espagnol en ligne « periodista digital ») qui je me rappelle même est venu nous éclairer, par exemple, avec des caricatures du frère Cortés (prêtre espagnol caricaturiste qui fait des dessins qui peuvent paraître« sympathiquement » progressistes mais qui sont d’autant plus dangereux qu’ils distillent des messages donc la non orthodoxie n’est pas forcément compris par tous notamment ceux qui n’ont pas une formation de la catéchèse classique – le grand art de la subversion ) consacrés au déjà défunt Jean-Paul II qui sont un monument d’insulte et de mauvais goût.

Nous avons passé des ANNÉES à lire dans les médias les plus progressistes les plus grandes horreurs sur Jean-Paul II et Benoît XVI, nous avons dû supporter des manques de respect voire les plus viles grossièretés pour nous retrouver depuis neuf mois avec des louanges à François et une papolâtrie franciscaine (i.e. liée au Pape François) qui causent une honte d’une autre sorte.
À l’instant même, sans aller plus loin, une petit tour du côté des médias les plus « libéraux » : François, François, François.
En même temps j’aimerais qu’on me dise si dans un média de la presse de la droite bien à droite (3), par exemple Infocatólica (4) pour ne pas en impliquer d’autres, on a vu dans les mois du pontificat de François une caricature offensive, une disqualification, une insulte.
Des choses qui plaisent plus ou moins auront été dites - ou alors c’est que les plus libéraux vont maintenant refuser à ceux qui ne pensant pas comme eux la liberté d’expression ? Mais jamais une insulte, une caricature scabreuse, une disqualification de la personne. C’est là la différence.

Plus encore, allez vite voir saint google et vérifiez commment l’on parlait sur Infocatólica de Jean-Paul II et de Benoît XVI et commment maintenant l’on parle de François. Peut-être qu’il n’y a pas tant de différence.

Père Martín Gelabert: le fait de faire appel au papisme seulement quand le pape semble être d’accord avec quelqu’un, vous pourriez l’expliquer à J. M. Vidal et à J. Bastante (des rédacteurs du site Religion Digital qui ont particulièrement sonné la charge contre Jean-Paul II et ne parlons pas de Benoiît XVI !) ,en profitant de ce que vous avez votre blog hébergé sur Religión Digital. Et puisque nous en sommes là, maintenant je vous demande comme provincial, comment va votre province dominicaine d’Aragon ? Les frères dominicains vont bien ? Vous avez beaucoup de vocations ? (5).

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Notes de traduction

(1) Don Jorge commence par une citation d’une phrase célèbre du premier écrit en castillan (vieux castillan) conservé donc la chanson de Geste « El cantar de mío Cid », retranscrite au début du XIIIème, soit environ un siècle après la mort du héros Rodrigo Díaz de Vivar, le Cid, dont elle raconte les exploits. Au fil du temps les mots « Cosas tenedes » de l’original sont devenus « Cosas veredes ».

Le Cid demande à son souverain de partir reconquérir la forteresse de Cuenca et parle des malheurs occasionnés par les rois qui ont peur. Le Roi lui répond qu’il y a tellement de choses qui se trouvent autour de lui qui feraient parler les pierres, dans le sens que ne pas prendre cette décision n’est pas la pire des choses avec tout ce qu’il y a par ailleurs qui feraient même parler les pierres.

(2) L’auteur emploie là un augmentatif péjoratif et méprisant très évocateur, que je traduirais d’une manière littéraire en disant « droite bien à droite », même si d’autres mots me viennent dans la tête et encore plus si j’étais « catholique adulte » !

(3) Je suppose une allusion à la devise du Pape polonais : « Totus tuus ego sum, Maria »(Je suis tout à toi, Marie) et le culte mariale très prononcé de Jean-Paul II, un culte presque idolâtre vu du côté de certains catholiques « adultes » « protestantisés».

(4) L’auteur site le portail qui héberge son blog et qui n’est certes pas progressiste mais il y a encore plus à « droite » dans les blogs catholiques hispanophones !

(5) L’auteur ne manie pas la langue de buis ! Mais l’on comprend bien qu’il est outré de cette papolâtrie médiatique. Dans sa paroisse le Père Jorge n’a pas non plus attendu un nouveau pape pour œuvrer. Par exemple dans son église il y a une adoration H24 du Saint Sacrement et ses paroissiens se relaient y compris les jours de fête et même ils ne veulent pas que la prière soit interrompue pendant quelques heures au moment du réveillon, ce qui a d’ailleurs provoqué la stupéfaction et l’admiration du Père qui n’en demandait pas tant. Une belle façon des fidèles de répondre à la société de consommation et à la sécularisation.