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Qu'en est-il de l'effet François?

Ou comment une hirondelle ne fait pas forcément le printemps (9/8/2014).

     

Les médias dans leur presque totalité, repris hélas par une fraction non négligeable du clergé, veulent nous faire croire que depuis le 13 mars 2013, nous sommes entrés dans l’ère merveilleuse du « printemps de la foi ». Les fenêtres se sont ouvertes pour laisser les miasmes s’évacuer, et on respire enfin un air frais et pur, les églises se remplissent, et on fait la queue aux confessionnaux. Ils appellent cela « l’effet François ».

Mais qu’en est-il exactement ?
Heureusement, à ces mêmes médias qui soufflent habituellement le froid, il arrive (de temps en temps) de souffler le chaud, nous aidant à y voir un peu plus clair… pour peu que l'on soit vigilant.
Des chiffres récents confirment que l'hémorragie des fidèles en Allemagne, contenue, sous Benoît XVI, connaît une croissance exponentielle depuis 2013. A l'inverse, l'Espagne et les Etats-Unis connaissent depuis 2009-2010 (coïncidant avec des visites de Benoît XVI) les signes d'un réveil des vocations...

Petit rappel chronologique...
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I. Août 2009
Après l’affaire Williamson

Surprise! Malgré les campagnes médiatiques acharnées, un sondage du quotidien "Bild Zeitung" affirme que Benoît XVI est la 3ème personnalité préférée des allemands.
“Le Saint-Père allemand nous a donné une nouvelle conscience, il a aidé beaucoup de gens à retrouver la foi”, écrit le journal, qui publie le sondage en première page.
(http://benoit-et-moi.fr/2009-II)

II. Avril 2010
En plein scandale de la pédophilie: Je pars ou je reste ?

Les médias – qui n’avaient rien épargné pour atteindre ce but - affirmaient que les catholiques allemands quittaient massivement l'Eglise. La faute à Benoît XVI, bien sûr .

Voici ce que j'écrivais alors:

« EST-CE QUE JE RESTE, OU EST-CE QUE JE PARS? »
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Après tous les scandales qui secouent l'Eglise, la question peut effectivement se poser. Je me la serais moi-même posée, mais pas pour les raisons généralement admises.
En ce moment, les medias se délectent des défections des catholiques allemands qui quitteraient massivement l'Eglise. On nous avait resservi le même couplet, l'an dernier, après l'affaire Williamson, les catholiques allemands se refusant à être assimilés à des négationistes de la Shoah. Noble réaction.
Et si, parmi eux, certains en avaient tout simplement assez d'un clergé mou, d'une Eglise sans identité ni courage qui a trahi le Pape?
En réalité, la principale raison pour laquelle beaucoup de "catholiques" formels quittent l'Eglise, il n'est pas nécessaire de la rechercher très loin, et elle n'a rien de noble, mais elle est très humaine: l'argent!
J'en ai d'ailleurs discuté très librement avec une amie allemande, grande admiratrice de Benoît XVI, mais qui n'avait plus envie de payer l'impôt. Pour des raisons d'ordre à la fois pratiques, et de conviction. Il est plus que probable que son cas n'est pas isolé.

Le financement des cultes en Allemagne
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Même si l’Allemagne est un État laïque, les contribuables paient des impôts à l’État… et à leur Église. L’impôt ecclésiastique représente un ajout de 8 % ou 9 % à l’impôt général selon les Länder.
Par exemple, un Allemand baptisé dans la religion catholique doit payer l'impôt de cette Église, et son employeur en fait le prélèvement sur son salaire. Il ne peut s'en libérer qu'en renonçant officiellement à son appartenance religieuse et, du même coup, à certains services fournis par l'Église qu'il quitte.

Boom d'inscriptions dans les écoles catholiques
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Ce qui conforte mon sentiment, c'est cette information, parue sur un site catholique allemand (http://www.katholische-sonntagszeitung.de/..) selon laquelle il y aurait un "boom" des demandes d'inscription dans les écoles catholiques en Allemagne, notamment celles qui ont été au coeur des scandales pédophiles.
Les parents seraient-ils en mal de sensation, masochistes, ou simplement réalistes et imperméables aux medias?
Je penche pour la dernière option.
(http://benoit-et-moi.fr/2010-I)

III. Mars 2011
A six mois de la visite du saint-Père dans sa patrie...

Un nouveau sondage publié dans l’hebdomadaire Die Zeit était repris dans l’Avvenire, et là encore, il démentait de façon spectaculaire les préjugés et les lieux communs largement répandus dans la presse occidentale:

Selon le "Baromètre de confiance 2011", élaboré par l'institut de sondage d'opinions Forsa, près d'un tiers des Allemands (29%) disent qu'ils ont "une grande confiance" en Benoît XVI. Ce que souligne Die Zeit - qui le juge "à bien des égards surprenant" -, c'est que le nombre d'Allemands qui expriment leur confiance dans le pape est beaucoup plus élevé que ceux qui l'expriment par exemple, pour les dirigeants (12%) ou les partis politiques (18%). Même parmi les catholiques allemands, 50% estiment Benoît XVI «très crédible», alors que 21% expriment le même avis sur l'Eglise en tant qu'institution.

Autrement dit, résume l'hebdomadaire Die Zeit, Benoît XVI apparaît plus «populaire», tant parmi les croyants que les incroyants, que l'Eglise en tant qu'institution.

Voilà qui contredit la représentation d'une relation problématique entre Joseph Ratzinger et son pays , véhiculée dans de nombreux milieux, et pas seulement allemands.

Et même, selon Joachim Koschnick, directeur de recherche des sondages d'opinion Forsa, ce serait ce large soutien dont bénéficie Benoît XVI qui a «freiné» la chute du degré de confiance envers l'Église allemande, impliquée dans des scandales graves l'an dernier.
(http://benoit-et-moi.fr/2011-I).

IV. Avril 2013
L’état de grâce et « l’effet François »

Un mois après l'élection de François, Andrea Tornielli publiait un article enthousiaste sur Vatican Insider

Les prêtres affirment: «Plus de fidèles dans les confessionnaux»
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Tandis que l'on enregistre des critiques du nouveau pape de la part d'intellectuels et de sites Web qui jusqu'à il y a un mois se déclaraient ouvertement papistes et qui digérent mal la sobriété du successeur de Benoît, la vague de sympathie des fidèles de François se poursuit.
Une sympathie certainement pas due à un engouement médiatique: beaucoup de gens se sont rapprochés du sacrement de la confession le dimanche de Pâques, touchés par les paroles de Bergoglio sur le pardon et la miséricorde. En témoignent des curés et prêtres provenant de diverses régions de l'Italie.

Et le vaticaniste de La Stampa d'apporter des précisions chiffrées, ayant téléphoné à des prêtres de sa connaissance dont l'expérience personnelle serait allé dans le même sens.
(benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/etat-de-grace)

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Quelques jours plus tard, Massimo Introvigne ajoutait sa pierre à l’arc de triomphe, et menait sa propre enquête pour le CESNUR qu’il dirige, selon une méthode "scientifique". Miracle, elle confirmait en tout point le "micro-trottoir" de Tornielli (benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/leffet-franois-est-aussi-un-effet-benoit).

Un éditorial dans la presse italienne (Il Sussidiario) expliquait :

C'est un printemps de la foi, un retour sur les bancs des paroisses poussiéreuses, et même dans les confessionnaux. Ceux en bois, avec un grille perforée, dont souvent, en t'agenouillant, tu sens craquer la structure vermoulue et prie pour que la peine pour tes péchés ne consiste pas à te rompre le ménisque. On appelle cela «l'effet François».
(benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/leffet-franois-est-aussi-un-effet-benoit)

Avec deux "parrains" aussi prestigieux, l'effet François en question faisait florès dans les médias et les milieux ecclésiastiques, et s'imposait comme une vérité insoupçonnable.
A cet égard, cet article du Monde datant de décembre 2013, est vraiment emblématique, et je ne résiste pas à la tentation d'en citer l'extrait en ligne (le reste est en accès payant... 2€ !):

Les églises ne se remplissent pas davantage (!!!), mais une forme de «catho-pride» souffle depuis neuf mois sur les parvis. Un « effet François » qui semble traverser la plupart des milieux catholiques. Les fidèles français savourent les premiers mois du pontificat du pape argentin comme « un souffle d'air » après « des années difficiles » passées sous Benoît XVI.
Pascale Mistral, une fidèle des Bouches-du-Rhône, technicienne à l'Institut national de la recherche agronomique et plutôt engagée dans le catholicisme social, résume un sentiment partagé au-delà des seuls «cathos de gauche»: « Ce pape donne l'impression de vouloir dépoussiérer l'Eglise. Du coup, être catholique devient moins dur à porter. » Convaincu que le pape peut même « relancer la foi », Pierre Vivarès, le jeune prêtre de l'église Notre-Dame-de-l'Arche-d'Alliance, dans le 15e arrondissement de Paris, le dit aussi à sa manière : « Même les non-croyants voient en lui une figure universelle. »
La cote de popularité de François évite désormais au Père Pierre Vivarès de se sentir « agressé dans les dîners à cause du pape ; le ton a changé ».
(www.lemonde.fr/societe/article/2013/12/24/l-effet-francois-reveille-les-paroisses-de-france)

Curieusement, on en parle un peu moins ces jours-ci, et même sur Vatican Insider, plus guère non plus de l'affluence dans les églises et des files aux confessionnaux!

V. Aujourd'hui
Les surprises des statistiques....

Voici ce que je lisais hier parmi les commentaires sur le site de Raffaella:

DEUX NOUVELLES QUI FONT RÉFLÉCHIR.
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L'une concerne l'Allemagne, où il semble que l'effet argentin n'ait pas pris, et où l'hémorragie des fidèles a crû exponentiellement en 2013, pas seulement pour ne pas payer la kirchenteuer.
L'autre concerne l'Espagne, où depuis 2009, les fidèles qui assistent à la messe ont augmenté de 5%, et il y a eu un boom de vocations monacales, tant féminines que masculines, avec un pic en 2012. Pareil pour le Royaume-Uni et les Etats-Unis, depuis 2010.
Je ne veux pas polémiquer, mais les files au confessional, on ne les voit pas, et les gens qui vont à la messe le dimanche sont toujours les mêmes, l'âge moyen est très élevé.
Donc, s'il vous plaît, arrêtez de nous raconter des histoires, nous ne sommes pas des idiots....
(www.blogger.com/comment...)

Et Raffaella met en lien un article d'un site italien:

PAS D'EFFET FRANÇOIS DANS L'EGLISE EN ALLEMAGNE.
A l'ère post-Ratzinger, c'est la fuite des fidèles de l'Eglise catholique
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Dans la seule année 2013, les catholiques ont chuté de 179 mille unités, tandis que l'année précédente, 118 mille personnes avaient quitté l'Église catholique. La baisse s'était beaucoup atténuée dans les années du pontificat de l'Allemand Joseph Ratzinger. Les Evêques: «C'est la faute des scandales» En fait, beaucoup de gens partent parce qu'ils ne veulent pas payer l'exorbitante taxe ecclésiastique.

C'est la fuite de l'Eglise catholique en Allemagne. Pas même ce que certains chercheurs ont appelé «effet pape François», qui aurait créé un regain d'enthousiasme dans de nombreux pays, n'a pu lutter contre l'abandon de milliers de personnes chaque année. Curieusement, toutefois, la baisse a été beaucoup atténuée dans les années du pontificat de l'Allemand Joseph Ratzinger.

Les catholiques sont maintenant 29,9% des 82 millions d'Allemands. 29% se déclarent protestants luthérienne. Dans la seule année 2013, les catholiques ont chuté de 179 mille unités, tandis que l'année précédente, 118 mille personnes avaientt quitté l'Église catholique. Le fait qu'en 2013, dix mille Allemands se soientnt convertis au catholicisme n'a pas changé grand'chose. En 1989, 22% des catholiques allaient à la messe en Allemagne. Quinze ans plus tard, le nombre est tombé à 10,8%. Cela signifie que tous les dimanches, à peine trois Allemands sur cent entrent dans une église catholique pour assister à un service religieux. Beaucoup de paroisses ont été fermés ou ont fusionnés, tandis que les lieux de culte ont été déconsacrés et souvent destiné à des utilisations profanes. Le nombre des baptêmes et des mariages religieux est en chute libre.

Rien que dans le diocèse de Limburg, l'an dernier, 8 mille fidèles ont quitté l'Église catholique, le double des douze mois précédents, après le scandale créé par l'évêque Peter van Elst-Tebartz, coupable d'avoir dépensé 31 millions d'euros de l'argent des fidèles pour la construction d'un centre diocésain et pour sa résidence.
L'énorme pression des médias et celle de Pape François, littéralement furieux contre son confrère, ont conduit Tebartz-Van Elst à démissionner en Octobre 2013 (ndt: je pense que les choses sont un peu plus compliquées, voir ici).

Le Cardinal Karl Lehmann, ancien président de la Conférence épiscopale allemande, a lancé un cri d'alarme dans le journal du diocèse de Mayence, "Foi et vie", et il a donné la faute aux «scandales et aux vexations qui ont vu le clergé allemand en première ligne durant les dernières années. «Nous avons, bien sûr, souffert d'une perte de confiance et de crédibilité - a écrit le cardinal -. L'Eglise n'est pas un club parmi d'autres, et tous les efforts doivent être faits pour prévenir d'autres scandales à travers la repentance et le renouveau».

Beaucoup ont quitté l'Eglise catholique après les campagnes médiatiques contre les prêtres pédophiles , mais il faut reconnaître que le problème n'est pas seulement dans les scandales du fait du clergé. L'Allemagne est en effet désormais un pays essentiellement laïc, où le poids de la religion dans la vie privée des citoyens comme dans la vie publique, est incroyablement réduit, aussi en raison de l'incapacité de la hiérarchie ecclésiastique à maintenir droite la barre doctrinale. Le pays qui a donné naissance à Benoît XVI est en fait l'un des berceaux du progressisme catholique, comme en témoignent le cas du cardinal Walter Kasper, qui veut reconnaître aux divorcés et remariés la possibilité de recevoir la communion, ou la décision de la Conférence des évêques, qui depuis quelques années ne considèrent plus comme catholiques les citoyens qui décident de ne pas faire don à l'Église catholique d'une contribution sur leurs impôts, la Kirchensteur.

En Allemagne, la loi prévoit que les citoyens qui déclarent appartenir à une religion versent une part d'a peu près 9% de leurs impôts à la structure qui se référe à cette religion. Beaucoup d'entre eux, ces dernières années, ont décidé de refuser de payer ce tribut, qui au fil des décennies, a considérablement enrichi les diocèses allemands, avec les évêques qui affichent souvent l'opulence, éloignant les fidèles loin avec leur comportement et leur évangélisation incolore.
www.fanpage.it/niente-effetto-francesco-in-germania...)

[Un article du site Corrispondenza Romana confirme l'hémorragie].
Raffaella commente très justement:

La raison de l'abandon ne peut résider uniquement dans les scandales.
La campagne médiatique contre l'Eglise catholique à cause des prêtres pédophiles a poussé beaucoup d'Allemands à l'abandon, mais cette campagne n'existe plus aujourd'hui car - nous le savons désormais! - elle visait seulement à frapper Benoît XVI.
Depuis mars 2013, ce problème a disparu au niveau mondial (ou plutôt, n'étant plus médiatisé, il n'atteint plus l'opinion) et donc les raisons de l'abandon doivent être cherchées également ailleurs.
En Allemagne, le catholicisme est par beaucoup de côtés voisin du Protestantisme, aussi pour des raisons "géographiques et nationales". Disons la vérité: à quoi sert une Eglise catholique qui cherche à "suivre" celles protestantes? A ce point et en ce qui me concerne, je préfère (non pas une mais cent mille fois) l'originale (celle luthérienne) à la copie.
(http://ilblogdiraffaella.blogspot.it)

Conclusion

Il ne s’agit pas ici de critiquer le Pape, qui n'y est pour rien, mais de s’interroger sur la fiabilité (en réalité la malhonnêteté) d’une information qui déforme à ce point la réalité aux fins de propagande.
Quel crédit lui accorder, sur tous les autres sujets ?
Et qui dicte l’agenda ?

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