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Le Pontificat du ressentiment

Ou quand le pape fait de drôles d'amalgames... Réaction d'un blogueur américain qui n'a pas apprécié sa comparaison entre le fondamentalisme musulman, et celui (présumé!) chrétien (4/12/2014)

Préambule:

[Extrait de la Conférence de presse en vol, au retour du voyage en Turquie.
Le pape répond à la première question, d'une journaliste de la télévision turque qui l'interroge entre autre sur l'islamophobie qu'aurait évoqué Erdogan avec lui]:

Sur l’islamophobie : c’est vrai que devant ces actes terroristes, non seulement dans cette région mais aussi en Afrique, il y a une réaction et on dit : « Si c’est ça l’Islam, je me mets en colère ! » Et beaucoup de musulmans sont offensés, beaucoup, beaucoup de musulmans. Ils disent : « Non, nous ne sommes pas comme ça. Le Coran est un livre de paix, c’est un livre prophétique de paix. Cela n’est pas ça l’Islam ». Je comprends cela et je crois que – au moins je crois, sincèrement – qu’on ne peut pas dire que tous les musulmans sont des terroristes : on ne peut pas le dire. Comme on ne peut dire que tous les chrétiens sont fondamentalistes, parce que, nous aussi, nous en avons; dans toutes les religions il y a ces petits groupes.

Il y a beaucoup de catholiques, et plus largement d'occidentaux, pour qui la comparaison entre le fondamentalisme islamique, et un prétendu fondamentalisme chrétien, a eu du mal à passer...
Voici (merci à Teresa) la réaction d'un contributeur du portail catholique conservateur conciliaire <The american catholic>. L'auteur, Donald R. McClarey se définit comme actif dans le mouvement dit "pro-life" depuis 1973.

L'article commence par le rappel d'un billet paru sur le blog <That The Bones You Have Crushed May Thrill> dont j'ai parlé récemment: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/les-insultes-du-pape-franois
A relire, car il est plus que jamais d'actualité!

     

LE PONTIFICAT DU RESSENTIMENT ET SON AVENIR
2 Décembre 2014
Donald R. McClarey
the-american-catholic.com/2014/12/02/the-papacy-of-resentment-and-its-future
(ma traduction)
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Je suis frappé par le nombre de fois où François utilise des propos péjoratifs envers les personnes qui l'ont vraiment étiqueté (who really tick him off: traduction vraiment peu sûre). La liste des personnes que très clairement, François n'aime pas, inclut les «fondamentalistes», les riches, les conservateurs, les capitalistes, les neopélagiens-promothéens égocentriques, etc. Il est permis de penser que pendant des décennies François a soigneusement mis les groupes qu'il n'aime pas dans une catégorie «eux» par opposition à la catégorie «nous» à laquelle il appartient, et que son pontificat est le moment où il fait payer les «eux». Un exemple frappant de cela s'est produit récemment.
Le pape argentin, dans une tentative de favoriser la coopération avec l'islam modéré afin de travailler pour la paix et protéger les chrétiens au Moyen-Orient, a déclaré que c'était mal pour quiconque de réagir au terrorisme en étant «en colère» contre l'islam.
«(...) On ne peut pas dire ça, tout comme on ne peut pas dire que tous les chrétiens sont des fondamentalistes. Nous en avons notre part (des fondamentalistes). Toutes les religions ont ces petits groupes», a-t-il dit.

Dans cette phrase désinvolte François réussit à comparer des personnes qui massacrent les gens en série, les djihadistes islamiques, avec les chrétiens qu'il nomme «fondamentalistes». Je suppose que le pape utilise le terme dans un sens non technique et ne se réfère pas aux groupes protestants isuus des Niagara Bible Conferences de 1876 à 1897 (1). Dans le contexte catholique, ceux à qui il se réfère sont assez évidents comme en témoigne l'actuelle persécution des Frères et Sœurs franciscains de l'Immaculée. Le pape semble avoir les goûts et les dégoûts d'un jésuite moderne assez typique, et vu à travers ce prisme, une grande partie de la confusion apparente entourant les déclarations du Pape se dissipe.

Le problème, bien sûr d'avoir une papauté qui fonctionne sur une telle base, c'est que ceux qui sont clairement dans le camp des «eux» n'aiment pas être pris pour cible par l'homme du sommet et vont réagir à ce qu'ils considèrent comme des calomnies injustes jetées sur eux. Cela est particulièrement problématique à ce stade de l'histoire de la papauté, où François "coche" ces catholiques qui ont jusqu'ici été globalement plutôt fidèles à la papauté, tandis que ceux qui aiment ce que le pape dit contre leurs adversaires sont souvent des catholiques tièdes, pour dire les choses charitablement, sur la pratique de la foi.

Où tout cela mène-t-il?
Je pense que cela dépend de la longueur du règne de François. Je ne m'attends pas à ce qu'il change. Ce mois-ci, il aura 78 ans et ce qu'il croit a depuis longtemps été scellé dans le ciment. Un long règne pourrait finir dans un schisme majeur. Un court règne pourrait faire de lui un éclair (une anomalie) dans l'histoire de la papauté. Un règne moyen serait probablement ce qui ressemblerait le plus au chaos du règne du Pape Paul VI, avec cette fois le Pape favorisant le chaos et la dérive de l'orthodoxie. Nous verrons.
Je vais quand même faire une prédiction: un temps très long s'écoulera avant qu'un autre jésuite chausse à nouveau les souliers du Pêcheur, après ce que je pense que les futurs historiens jugeront comme le désastre d'un pontificat.

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NDT:
(1) Le terme fondamentalisme a commencé à se répandre aux États-Unis aux lendemains de la Première Guerre mondiale, mais le mouvement qu'il désigne préexistait. On s'accorde à le faire remonter à une série de colloques tenus à Niagara on the Lake (1878-1895) où se réunirent un certain nombre de responsables d'églises évangéliques tentant de se prémunir
– sur leur gauche, de la critique radicale initiée par le protestantisme allemand, spécialement dans sa composante libérale
– sur leur droite, de l'Église catholique romaine, qui vient d'affirmer l'infaillibilité pontificale dans la constitution dogmatique Pastor Æternus, en 1870 (cf. fr.wikipedia.org/wiki/Fondamentalisme)