Notre Père qui es aux Cieux (V)

Le quatrième verset du Notre Père, lu avec Benoît XVI: "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel"

¤ Notre Père qui es aux Cieux (I)
¤ Notre Père qui es aux Cieux (II)
¤ Notre Père qui es aux Cieux (III)
¤ Notre Père qui es aux Cieux (IV)

 

La prière du Seigneur
IV. Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel


Jésus de Nazareth. Du Baptême dans le Jourdain à la Transfiguration.

Coll "Champs - Essais", pages 151 et suivantes


Deux aspects ressortent immédiatement des termes de cette demande. Il existe une volonté de Dieu avec nous et pour nous qui doit devenir le critère de notre vouloir et de notre être. Et la caractéristique même du « ciel » est que la volonté de Dieu y est faite indéfectiblement ou, en d'autres mots : là où la volonté de Dieu est faite, là est le ciel. L'essence du ciel est d'être une seule chose avec la volonté de Dieu, l'union entre volonté et vérité. La terre devient « ciel » seulement si et dans la mesure où la volonté de Dieu y est faite, tandis qu'elle n'est que « terre », pôle opposé au ciel, si et dans la mesure où elle se soustrait à la volonté de Dieu. C'est pourquoi nous demandons que sur la terre il en soit de même qu'au ciel, que la terre devienne «ciel ».

Mais qu'est-ce donc que la « volonté de Dieu » ? Comment la reconnaître ? Comment pouvons-nous la faire ? Les Écritures Saintes posent qu'au plus profond de lui-même, l'homme connaît la volonté de Dieu, qu'il existe une communion de savoir avec Dieu, profondément inscrite en nous, que nous appelons conscience (voir par exemple Rm 2, 15). Mais elles savent aussi que cette communion de savoir avec le Créateur, que ce savoir qu'il nous a donné en nous créant « selon sa ressemblance » a été enfoui dans l'histoire, qu'il n'est cependant jamais entièrement éteint, mais recouvert de multiples façons, qu'il existe une flamme doucement vacillante qui risque trop souvent d'être étouffée sous les cendres des préjugés gravés en nous. C'est pourquoi Dieu nous a de nouveau parlé avec des mots de l'histoire qui s'adressent à nous de l'extérieur et qui viennent en aide à notre savoir intérieur désormais trop voilé.

Au cœur de cet enseignement de l'histoire se trouve, dans la révélation biblique, le Décalogue du mont Sinaï qui, comme nous l'avons vu, n'a nullement été aboli ou présenté comme une « loi ancienne » par le Sermon sur la montagne, mais, au contraire, développé afin qu'il rayonne d'autant plus dans toute sa profondeur et dans toute sa grandeur. Cette parole, nous l'avons vu, n'est pas quelque chose qui a été imposé à l'homme de l'extérieur. Elle est, dans la mesure où nous sommes capables de la recevoir, révélation de la nature de Dieu lui-même et ainsi interprétation de la vérité de notre être : la partition de notre existence nous est déchiffrée, afin que nous puissions la lire et la mettre en pratique. La volonté de Dieu provient de l'être de Dieu ; elle nous conduit par conséquent vers la vérité de notre être en nous délivrant de l'autodestruction liée au mensonge.

Puisque notre être vient de Dieu, nous pouvons, en dépit de toutes les souillures qui nous retiennent, nous mettre en route vers la volonté de Dieu. Dans l'Ancien Testament, la notion de « juste » voulait dire précisément ceci : vivre de la Parole de Dieu et donc de la volonté de Dieu, et entrer progressivement en syntonie avec cette volonté.

Quand Jésus nous parle de la volonté de Dieu et du ciel où cette volonté s'accomplit, il nous conduit à nouveau au centre de sa propre mission personnelle. Près du puits de Jacob, Jésus dit à ses disciples qui lui apportent à manger : « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jn 4, 34). Cela signifie : l'union avec la volonté du Père est la source de sa vie. L'union de volonté avec le Père est au cœur même de son être. Dans la demande du Notre Père, nous percevons surtout un écho du dialogue tourmenté du mont des Oliviers : « Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. » «Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » (Mt 26, 39-42). Lorsque nous méditerons la passion de Jésus, nous aurons à revenir sur cette prière, dans laquelle il nous fait entrevoir son âme humaine et l'union de celle-ci avec la volonté de Dieu.

L'auteur de la Lettre aux Hébreux a vu dans la lutte intérieure au jardin des Oliviers la clé même du mystère de Jésus (cf. 5, 7), et c'est en partant de ce regard dans l'âme de Jésus qu'il a interprété ce mystère avec le Psaume 40 [39]. Il le lit ainsi : « Tu n'as pas voulu de sacrifices ni d'offrandes, mais tu m'as fait un corps... ; alors, je t'ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté, car c'est bien de moi que parle l'Ecriture » (He 10, 5-7; cf. Ps 40 [39], 7-9). Toute l'existence de Jésus est résumée dans ces paroles « Je suis venu pour faire ta volonté ». C'est seulement ainsi que nous pouvons comprendre pleinement la phrase suivante : « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé. »

Dès lors, nous comprenons que Jésus lui-même, au sens le plus profond et le plus authentique, est « le ciel » - lui en qui et par qui la volonté de Dieu est entièrement faite. En regardant vers lui, nous découvrons que nous ne pouvons pas être entièrement « justes » par nos propres moyens : la force de gravité de notre propre volonté nous éloigne sans cesse de la volonté de Dieu et nous fait devenir simple « terre ». Mais lui nous accepte, nous tire vers le haut jusqu'à lui, en lui, et, dans la communion avec lui, nous apprenons, nous aussi, la volonté de Dieu. Dans cette troisième demande du Notre Père, nous demandons de pouvoir nous approcher de plus en plus de lui pour que la volonté de Dieu l’emporte sur la force de gravité de notre égoïsme, et qu’il nous rende capable de la hauteur à laquelle nous sommes appelés.

A suivre...