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Pédophilie: réforme de la réforme là aussi?

Comment François aurait l'intention de revenir sur une réforme mise en place par J. Ratzinger, en 2001 pour lutter contre la plaie de la pédophilie des clercs, court-circuitant la CDF du cardinal Müller, qu'il considère comme un adversaire (4/1/2017)

L'article ci-dessous m'a été transmis par un lecteur.
L'auteur Michael Brendan Dougherty tient une rubrique dans l'hebdomadaire britannique (ou sa version américaine?) "The Week", et collabore à d'autres publications, dont The New York Times Magazine, Slate et The American Conservative.
Ses sources paraissent fiables, et ce qui concerne le prêtre italien répondant au sobriquet de "don Mercedes" est vérifiable sur Internet.
Il montre que les propos incendiaires du Pape pour fustiger les prêtres pédophiles ne sont peut-être pas suivis par les actes et les décisions.
Il confirme par ailleurs le côté vindicatif de sa personnalité déjà mis en évidence par son attitude envers le cardinal Burke, et même le cardinal Sarah. Sans parler de la persistance au sein du Vatican d'un lobby puissant et influent et - ô surprise - soutien indéfectible de François... pas forcément (ou pas seulement) pour l'ouverture qu'il imprime dans l'Eglise mais plutôt par intérêt personnel.

C'est peut-être le moment de relire un dossier (objectivement intéressant, même si c'est manquer à la modestie) que j'avais rassemblé en juillet 2014 sur le traitement par le cardinal Bergoglio des cas de pédophilie en Argentine, du temps où il était archevêque de Buenos Aires: benoit-et-moi.fr/2014-II-1.

Scandale d'abus sur mineurs en vue pour le Pape François


Michael Brendan Dougherty
3 janvier 2017
theweek.com
Ma traduction

* * *

L'Eglise catholique a longtemps été en proie à des scandales répugnants impliquant des prêtres qui abusent [sexuellement] des enfants. Et il y pourrait y avoir un autre scandale à venir - celui-là du fait du pape.

Selon deux personnes ayant des liens directs avec le Vatican, François, suivant les conseils de son club d'alliés au sein de la curie, fait pression pour annuler les réformes qui ont été instituées par ses prédécesseurs Jean-Paul II et Benoît XVI dans le traitement des affaires de prêtres pédophiles. François poursuit ce plan, même si les officiels de la Curie et les cardinaux qui sont en sa faveur [du plan] ont déjà suscité pas mal de scandale dans son pontificat en le poussant à traiter les agresseurs de façon clémente.

En 2001, le Vatican a engagé une vaste réforme dans son traitement des affaires de prêtres ayant abusé d'enfants. Le pouvoir de traiter ces cas a été retiré à la Congrégation du Clergé et à la Rote Romaine (le Tribunal du Vatican), et confié à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF). Par la suite, le volume et la vitesse avec lesquels l'Eglise catholique a défroqué les prêtres agresseurs se sont accrus. Tel fut l'héritage du pape Benoît pour faire face à «la saleté» dans l'Eglise.

Récemment, François, par le secrétaire d'État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, a demandé l'avis du Conseil pontifical pour les textes législatifs, dirigé par le cardinal Francesco Coccopalmerio, concernant la possibilité de re-transférer la compétence du traitement des prêtres agresseur de la CDF vers le Clergé et la Rote. Le service de Coccopalmerio a donné une réponse positive.

Et même si cela n'a pas été mentionné dans les rapports des médias, un fonctionnaire ayant une connaissance directe de la réunion m'a dit qu'à la mi-Décembre, François a également discuté de cette «réforme de la réforme» concernant les affaires de pédophilie lors de la réunion de son groupe consultatif spécial, le Conseil des Cardinaux. Le bureau de presse du Vatican n'a pas répondu aux questions, ni pour confirmation ni pour commentaire.

François a toujours parlé durement des abus sur les enfants. Dans une lettre aux évêques catholiques le 28 décembre, fête des Saints Innocents, il a dénoncé ces abus. «Les personnes chargées de la protection de ces enfants ont détruit leur dignité. Nous le regrettons profondément et nous demandons pardon. Nous nous associons à la douleur des victimes et pleurons pour ce péché. Le péché de ce qui est arrivé, le péché de ne pas avoir aidé, le péché de dissimulation et de déni, le péché de l'abus de pouvoir».

François a été élu en partie pour réformer une Curie dysfonctionnelle. Donc, déplacer les responsabilités n'est pas choquant en soi. Et il est difficile de ne pas accorder de crédit à la sincérité de ses jérémiades contre les abuseurs d'enfants (???). Mais la réussite de la CDF sur cette question est infiniment meilleure que la situation avant 2001.

Alors pourquoi revenir dessus?

Peut-être parce que le CDF a adopté sur la question de l'abus sexuel des enfants une approche dure, fondée sur des règles, qui se heurte avec le style plus personnel et autocratique de ce pape. Ou peut-être parce que la réforme de la réforme récompenserait ses alliés, et humilierait un antagoniste.

Les rumeurs de cette réforme ont circulé à Rome pendant des mois. Et pas dans la joie. Il est notoire que François et ses cardinaux alliés ont interféré avec les jugements de la CDF sur les cas d'abus. Cette intervention est devenue si endémique au système qu'on sait désormais qu'à Rome, les cas d'abus sexuels par des prêtres sont classés selon deux critères. Le premier est: "coupable ou innocent". Le second est: "avec des cardinaux amis, ou sans cardinaux amis".

Et en effet, il semble que François persévère dans son revirement sur le traitement des abus, même si les cardinaux qui sont favorables à cette "réforme de la réforme" lui ont apporté des ennuis à cause de leurs amis.

Prenons le cas du P. Mauro Inzoli (ndt: nombreux articles dans la presse italienne sur cette affaire nauséabonde). Inzoli vivait de façon flamboyante et avait un tel goût pour les voitures flashy qu'il avait gagné le surnom de "Don Mercedes." Il a également été accusé d'avoir agressé [sexuellement] des enfants. Il aurait abusé de mineurs dans le confessionnal. Il est même allé jusqu'à enseigner aux enfants que le contact sexuel avec lui était légitimé par l'Écriture et par leur foi. Lorsque son cas est arrivéa à la CDF, il a été reconnu coupable. Et en 2012, sous le pontificat du pape Benoît, Inzoli a été défroqué.

Mais à ce que nous avons appris, Don Mercedes était "avec des amis cardinaux". Le Cardinal Coccopalmerio et Mgr Pio Vito Pinto, aujourd'hui doyen de la Rote romaine, sont tous deux intervenus au nom (en faveur) d'Inzoli, et François l'a rendu à l'état sacerdotal en 2014, l'invitant à une «une vie d'humilité et de prière». Ces restrictions ne semblent pas avoir trop troublé Inzoli. En Janvier 2015, Don Mercedes a participé à une conférence sur la famille en Lombardie.

Cet été, les autorités civiles ont terminé leur propre procès d'Inzoli, le déclarant coupable de huit délits. Une quinzaine d'autres dépassent le délai de prescription. La presse italienne a martelé le Vatican, en particulier la CDF, pour ne pas avoir partagé avec les autorités civiles les informations qu'ils avaient trouvées dans leur procès canonique. Bien sûr, le pape lui-même aurait pu permettre à la CDF de partager cette information avec les autorités civiles s'il l'avait désiré.

Il est étonnant qu'après avoir cédé aux demandes d'intervention de Coccopalmerio et Pinto - demandes qui étaient injustes et humiliantes - le pape ait donné autorité sur certains cas d'abus d'enfants à Pinto. Mais peut-être que ce n'est pas la première chose qu'il avait en tête. Procéder ainsi revenait à récompenser l'un des amis de François et à humilier quelqu'un qu'il considère comme un antagoniste.

Le spécialiste des questions religieuses John Allen a récemment noté dans Crux que François n'utilise pas toujours l'approche directe quand il essaie de saboter ses détracteurs au sein de l'Église, ou les obstacles à sa réforme au sein du Vatican. Parfois, il les cout-circuite. Allen a écrit que «cela signifie formellement garder les gens en place tout en confiant la responsabilité réelle à quelqu'un d'autre, rendant ainsi le fonctionnaire d'origine, sinon tout à fait insignifiant, en tout cas moins important».

C'est ce qui s'est passé avec l'approche chosie par François pour la CDF, dirigée par le cardinal allemand Gerhard Ludwig Müller. Lorsque François a voulu changer le processus de déclaration de nullité des mariages, il a en subtance "court-circuité" Müller, critique constant des vues du pape sur le mariage et les sacrements. A la place, le Pape est allé chez le cardinal Coccopalmerio.
La loyauté de Mgr Pinto ne fait aucun doute. C'est Pinto qui s'en est pris aux quatre cardinaux qui avaient remis publiquement en question l'orthodoxie du récent document du pape, Amoris Laetitia (cf. benoit-et-moi.fr/2016/actualite/les-menaces-dun-bergoglien-zele). Les quatre cardinaux critiquaient le document parce qu'il encourageait dans la pratique sacramentelle catholique un changement qu'ils tenaient pour impossible compte tenu de la doctrine catholique. Pinto leur a rappelé que le pape pourrait leur retirer leur statut de cardinaux. Dans le même temps le cardinal Müller a semblé apporter aide et soutien à ces cardinaux, disant que la pratique sacramentelle de donner la communion aux personnes engagées dans des relations adultères ne pouvait pas être approuvée.

Quoi qu'il en soit, sur les abus (sur mineurs), la justice rendue par la CDF de Müller semble être trop sévère pour le pape et ses alliés. Et ainsi, le pape espère rendre le rôle de la CDF insignifiant dans ces affaires.

Rien n'a été complètement décidé, et il se peut que des têtes plus raisonnables auront le dessus et rappelleront à François quels sont les cardinaux et les Offices qui servent vraiment ses intérêts (ndt: quels sont-ils??) et rendent le mieux la justice au nom de son autorité. Ou au moins lui rappelleront qu'alors que la presse peut l'applaudir de défaire l'enseignement de Jean-Paul II sur la communion pour les divorcés, elle pourrait ne pas l'applaudir s'il allège les sanctions contre les agresseurs d'enfants qui se trouvent avoir des amis dans son entourage proche.