Pourquoi le Pape ne doit pas démissionner

S'appuyant sur les leçons de l'histoire, une réflexion du blog argentin <Caminente> (pourtant en général peu tendre avec François), qui peut sembler contredire Mgr Vigano, mais qui finalement pourrait bien refléter la voix du bon sens (31/8/2018)

À la chaleur d’Hiroshima [??]


caminante-wanderer.blogspot.com
30 août 2018
Traduction de Carlota

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Quand Mgr Carlo Viganò, d’autres personnalités importantes, et moi-même, affirmons que le Pape François doit renoncer, nous sommes sûrs, - tout au moins moi -, que jamais Bergoglio ne renoncera. Bergoglio est un jésuite et les jésuites sont programmés pour atteindre le pouvoir, qu’importent les moyens pour cela, parce qu’ils trouvent toujours un chemin moral détourné qui apaise leur conscience. Bergoglio, comme quintessence du jésuitisme, ne lâchera jamais le pouvoir ; cela n’entre pas dans l’horizon de ses possibilités. C’est pourquoi notre demande de renonciation n’est que rhétorique et, en tout cas, c’est une façon de plus de montrer l’incapacité de ce personnage à diriger les destinées de l’Église.

Cependant, il convient de se demander si une éventuelle renonciation du Pape François au ministère pétrinien serait une bonne mesure. Je crois que non, qu’en aucune façon il ne doit renoncer. En voilà quelques raisons.

1.- Le « devoir » de renoncer du fait d’une grave erreur commise dans le gouvernement ou en raison de problèmes moraux est le propre des démocraties libérales contemporaines, dans lesquelles le pouvoir appartient au peuple et, quand le gouvernant ne remplit pas les conditions exigées par son souverain, il doit rendre à ce dernier le pourvoir qui lui a été donné. Dans la pensée catholique, le pouvoir est de Dieu et le pouvoir, même légitimement reçu, ne se cède pas. A celui qui le détient, il revient ensuite de rendre compte devant Dieu de ce qu’il a fait avec ce qui lui a été remis, mais le pouvoir ne se cède pas. Par conséquent, si nous exigeons sérieusement et non comme un recours rhétorique que le Pape renonce parce qu’il a couvert un réseau d’homosexuels actifs à l’intérieur de l’Église, nous nous approprions un argument libéral et moderne, lequel non seulement est absurde mais aussi très dangereux: à coup sûr, avant ou après, il sera utilisé contre nous. C’est, même si nous ne nous en rendons pas compte, pactiser avec l’ennemi, non pas celui de Bergoglio, mais celui de l’Église.

2.- Il est vrai que la théorie politique considère qu’il y a des cas où le pouvoir peut avoir été reçu légitimement mais où son exercice est devenu illégitime et, par conséquent, les sujets sont libérés de leur obéissance envers un tel souverain parce que, d’une certaine manière, le pouvoir est retourné à Dieu. Et au Moyen Âge on a eu le cas avec différents empereurs qui « ont perdu » de cette façon le pouvoir. Mais celui qui le décrétait c’était le Pape. Le cas le plus connu est celui de Grégoire VII qui « dépouilla » de son pouvoir l’empereur Henri le IVème (1050-1106, empereur du St Empire de 1084 à 1105) qui dut supporter l’ « humiliation de Canossa » pour se réconcilier avec lui. Notre problème à nous est le suivant: qui a la capacité d’enlever au Pape François le pouvoir qu’il a reçu légitimement ? Mgr Carlos Viganò? Le cardinal Burke? Les évêques des EU? Les fidèles? Non. Aucun d’eux. Et je ne sais pas si le droit canonique prévoit une sorte d’ «impeachment» (en anglais dans le texte) du Pape par le Collège des Cardinaux ou le Concile Œcuménique. Et même s’il l’avait prévu, il est évident que l’actuel Collège ne l’aurait jamais utilisé.

3.- Un Pape pourrait-il perdre sa charge pour inhabilité morale? Si, comme cela paraît tout à fait vraisemblable, François a effectivement couvert une mafia lavande et élevé à des postes très importants de l’Église certains de ses membres, ce très grave péché le rend-il non habilité à occuper le siège pétrinien ? Un «néocon» cohérent dirait immédiatement que c’est le cas: pour eux, comme c’est le Saint Esprit qui a choisi le Pape, il doit être nécessairement un homme saint, - et canonisable -, et s’il apparaît évident que ce n’est pas un Saint, il n’est donc pas le Pape parce que l’Esprit Saint ne l’aurait jamais choisi.
Nous savons tous que c’est une idiotie, et l’histoire nous le montre à maintes occasions.
Il semble approprié de rappeler le cas du cardinal Giovanni Ciocchi del Monte qui a préparé le Concile de Trente, a présidé habilement sa première session et le 7 février 1550 a été élu pape sous le nom de Jules III. Une de ses premières initiatives comme souverain pontife a été son aveugle insistance à concéder le cardinalat à un adolescent suspect, de basse extraction sociale et de morale douteuse, qu’il avait «adopté» et amené avec lui à Trente quand il état légat, ce qui deviendra le plus grand scandale de son pontificat. L’évidente affection que Del Monte ressentait pour le jeune garçon a provoqué, comme l’on pouvait s’y attendre, des rumeurs scabreuses sur la relation existant entre eux deux. Après la mort du pape, les rafles et les crimes de ce cardinal ont continué en étant des motifs de graves scandales. Néanmoins personne n’a eu l’idée de demander la renonciation de Jules III malgré sa vie scandaleuse
Et si la demande d’«empeachment» était motivée par la scandaleuse Curie qui entoure le Saint Père et que lui-même abrite, rappelons-nous également que le refus des papes de Trente de réformer la Curie a été le motif principal qui fut à deux doigts de faire échouer le Concile, mais il ne vint à l’idée ni des Pères de ce concile ni de l’Empereur Charles Quint de demander la renonciation du Pape.

4.- Et tout cela est-il le signe que le retour dans la gloire et la majesté de Notre Seigneur approche? Personnellement, comme sans doute une majorité d’entre nous, nous avons le secret espoir qu’il en soit ainsi. Mais il ne faut pas en être si sûr. En 1522 le pieux Pape Adrien VI écrivait:

Tu diras aussi que nous croyons sincèrement que Dieu permet cette persécution de son Église pour les péchés des hommes, en particulier ceux des prêtres et des prélats…La Sainte Écriture dit haut et fort que les péchés du peuple ont leur origine dans les péchés du clergé…
Nous savons très bien que dans ce Saint-Siège, il s’est passé beaucoup de choses abominables depuis de nombreuses années: des abus dans les choses spirituelles, des transgressions des commandements et tout cela s’est même encore aggravé.
Il n’est donc pas surprenant que la maladie se soit propagée de la tête aux membres, des papes aux prélats. Nous tous, prélats et ecclésiastiques, nous avons dévié du droit chemin, et au fil du temps, il n’en est même pas resté un qui fasse le bien (Psaumes 13 [14], 3). Nous devons donc tous rendre grâce à Dieu et nous mettre à genoux devant lui, soumis à son autorité, chacun d’entre nous doit regarder pourquoi il est tombé et préférer se juger lui-même plutôt que d’être jugé par Dieu le jour de la colère. C’est pourquoi tu feras la promesse en notre nom que nous mettrons toute notre diligence à ce que soit corrigée en premier lieu cette cour romaine, d’où peut-être sont apparues au départ toutes ces calamités; puis, tout comme c’est d’ici qu’est sortie la maladie, c’est par là que commencera aussi la guérison et la rénovation. Nous nous sentons d’autant plus obligés à réaliser ces propositions, que le monde entier désire cette réforme…
Cependant personne ne doit s’étonner que nous n’extirpions pas d’un coup tous les abus, car la maladie est profondément ancrée, et à plusieurs niveaux. Nous devons donc procéder pas à pas et d’abord soigner avec de bons remèdes les maux les plus graves et les plus dangereux. Parce qu’Aristote dit à juste titre que tout changement soudain d’une communauté est dangereux.


Si l’on en juge par ces propos, la situation d’une bonne partie du clergé et de la Curie romaine au XVIème siècle, est semblable à celle d’aujourd’hui. Et après Adrien, les choses ont empiré: moins de trente ans après sa mort, montait sur le trône [pontifical] Jules III secondé par son mignon. Et le monde ne s’est pas écroulé.

5.- Un commentaire récent sur le blog faisait une observation intéressante: face à cet état de fait, l’unique solution est le schisme. Et il est vrai que l’idée peut paraître attrayante. Nous n’aurions même pas besoin d’élire un antipape car nous avons un pape émérite: un groupe sans doute petit de fidèle et d’évêques prêtant fidélité à Benoit XVI et la majorité suivant François, le Pape réprouvé. Mais l’histoire est de nouveau magistra vitae (ndt Cicéron, l’histoire nous apprend la vie): en 1033 fut élu le Pape Benoît IX, qui possédait une ambition du pouvoir qui ne peut être comparée qu’à celle de Bergoglio et avec quasiment aucune vertu…comme Bergoglio (ndt Sic !). Son pontificat fut tellement catastrophique que les protestations publiques se succédèrent périodiquement du fait de sa conduite. Il y eu de l’agitation et des déclarations bravaches et finalement Benoît IX abdiqua et le trône pontifical fut occupé par Grégoire VI. Mais peu après, Benoît IX regretta son abdication et décida le l’occuper de nouveau, ce à quoi le synode de Sutri (1046) répondit par la négative : si vous avez abdiqué, vous avez cessé d’être [Pape], celui qui s’en était allé à Séville, avait perdu son siège.

Alors que faire? Maintenant la balle est dans le camp de Dieu. Lui saura quoi faire avec son Église. Dans des époques tumultueuses comme le XIème siècle, il fit surgir Grégoire VII, et dans d’autres similaires comme le XVIème siècle, Saint Pie V. Il ne nous reste plus qu’à attendre et à prier.

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