Une nouvelle interview de Mgr Negri

Cette fois au quotidien "Libero" (*). Il s'exprime en roue libre et sans langue de bois sur de nombreux sujets, immigration, islam, crise du catholiscisme, identité chrétienne, le Pape, la démission de Benoît XVI ... (9/1/2018)

(*) auquel collabore Antonio Socci

L'interview-bombe de Mgr Luigi Negri à Libero:
"l'Eglise s'est pliée à l'islam et à la gauche"


www.liberoquotidiano.it
9 janvier 2018
Ma traduction

Mgr Luigi Negri, archevêque de Ferrare et de Comacchio, depuis quelques mois Émérite, professeur de philosophie à l'Université catholique pendant de nombreuses années, s'est taillé la réputation de prélat de la dissidence. La raison, ses déclarations sur les immigrés, la communion aux divorcés et la dérive séculariste de l'Église. Mais il ne veut pas se voir coller cette étiquette.
«Toutes mes paroles», explique-t-il, «naissent du fait que je suis bien conscient de la gravité de la situation dans laquelle se trouve le catholicisme aujourd'hui, et je crois que pour sortir de cette situation, il nous faut une conscience précise de ce qui ne va pas; c'est pourquoi je m'emploie à le souligner».


- Qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans l'Église, Monseigneur?
«Cela fait deux siècles que l'on ressent en Occident une profonde tendance antireligieuse, expression du rationalisme et des Lumières sécularistes. Ce mouvement de pensée et d'action prend la forme d'une pensée unique dominante, comme le Pape François l'a aussi dénoncé dans les premiers temps de son pontificat. L'homme a désormais une conception de lui-même et de son pouvoir intellectuel, moral, technique et scientifique comme seule mesure du monde et a construit une société insensible à la demande religieuse».

- Nous sommes au début de l'année et les fêtes chrétiennes viennent de passer: quels vœux voudriez-vous faire aux fidèles et aux non fidèles pour 2018?
«J'espère que la foi investira à nouveau la société et restituera aux hommes d'aujourd'hui le sens profond de l'existence».

- Êtes-vous optimiste?
«Pas trop, parce qu'au cours des dernières décennies l'Église, malgré les magistères extraordinaires de saint Jean Paul II et de Benoît XVI, a pris une pente qui la conduit à se rendre à la force endémique de l'antichristianisme: elle cède à la mentalité dominante et se contente de se réfugier dans une sorte de réserve, déjà imposée au cours des siècles à de nombreuses autres minorités religieuses et culturelles».

- Le pape François a dénoncé la pensée unique, mais parfois ne semble-t-il pas au contraire en être le porte-étendard?
«Le pape François est manipulé par la pensée dominante et sa dénonciation initiale perd de sa force. Il y a maintenant une connivence entre un certain christianisme et la société séculariste, à laquelle l'Église semble désormais incapable de dire "non", chose qui à mon avis serait absolument nécessaire».

- Au lieu de connivence, ne serait-il pas plus correct de parler d'une tentative d'intercepter la société laïque?
«Pour intercepter efficacement une société comme celle dans laquelle nous vivons, il est nécessaire d'investir le monde d'une proposition essentielle pour tous les hommes de ce temps. La foi ne se communique pas médiatiquement et n'est donc pas un problème de structures ou d'organisations: la foi se communique cœur à cœur par le témoignage. C'est un événement de grâce, pas une nouvelle pour le journal télévisé».

- Y a-t-il un problème de témoignage du Christ chez les hommes d'Église?
«Ce qui rend la communication difficile, ce n'est certainement pas l'incohérence morale: l'Église, dans son histoire, a toujours su se remettre des scandales moraux.
Mais aujourd'hui, la question est beaucoup plus grave. Actuellement, l'incohérence qui afflige l'Église est de nature idéologique.
Il y a une tendance à accepter la laïcité, pour se faire une petite place et faire du catholicisme presque un élément de folklore, qui ne dérange pas cette société athée».

- Comment le catholicisme peut-il retrouver une actualité et approcher aussi les non-croyants?
«Il doit se salir à nouveau les mains et vivre dans le monde, où les gens ont des problèmes et des difficultés, et il ne doit pas avoir peur de se heurter. Comme le disait Jean Guitton, l'une des personnalités les plus extraordinaires du catholicisme mondial, c'est la foi qui doit juger le monde et non l'inverse, comme c'est le cas aujourd'hui.
Le catholicisme a une grande vocation sociale, qui trouve ses racines dans l'Eucharistie et son expression dans une communauté sociale nouvelle. Aujourd'hui, beaucoup de laïcs se répandent en louanges sur l'autorité de l'Église et de ses dirigeants, mais les traitent ensuite comme un produit de la grande magic shop mondiale et en utilisent la pensée selon leurs propres convenances».

- Pourquoi, contrairement au catholicisme, l'islam n'est-il pas en crise?
«Parce qu'il a une vocation politique plutôt que religieuse: l'islam plus qu'une foi est une loi, un status, synthétisé par le terme charia».

- Qu'est-ce qui vous inquiète à propos de l'islam?
«À la différence du christianisme, qui exalte la liberté de l'homme et son irréductibilité, au point de faire de lui un partenaire de Dieu dans la foi, l'islam ne prend pas en considération la personne. Le musulman vaut seulement pour le contexte social et politique dans lequel il vit. Ce n'est pas un hasard si l'islam se répand parmi les faibles, qui ont besoin d'autorité pour se sentir protégés. Un autre aspect préoccupant est sa tendance à renverser les valeurs de la civilisation occidentale, d'abord et avant tout celle de la distinction infranchissable entre politique et religion, soulignée à maintes reprises par Papa Ratzinger et qui me semble être l'un des meilleurs aspects de notre Constitution. Dans l'islam, les autorités religieuses, qui dans de nombreux cas font fonction aussi d'autorités civiles, administrent la justice devant leurs tribunaux en donnant des fatwas, qui prévoient même la peine de mort. Tout cela sans que l'on voie avec clarté la base de cette autorité sociale. Il y a ensuite l'aggravation de l'absence d'interprétation univoque des textes religieux».

- Que pensez-vous de l'immigration?
«L'intégration doit être raisonnable et il n'est pas possible d'ouvrir les portes comme si c'était une fête, sans mettre en évidence les coûts économiques humains et culturels de l'immigration, car cela signifie faire du n'importe quoi idéologique. Je suis catholique et donc pour l'accueil des diversitsé, mais il ne peut pas être sans mesures, sinon il conduit à l'écrasement et à l'élimination de notre société. Ce n'est pas ainsi que l'Europe chrétienne, au fil des siècles, a intégré les facteurs de nouveauté qui ont alors contribué à faire sa richesse».

- Donc, sur ce sujet, vous n'êtes pas d'accord avec Bergoglio?
«Le Pape a la fonction importante et extraordinairement efficace de nous faire surmonter la peur de la différence et de nous faire considérer l'ouverture comme une dimension nécessaire de la vie chrétienne. Je crois que, comme le grand cardinal Biffi nous l'a effectivement enseigné, il appartient aux institutions de mettre en place les conditions pour empêcher la civilisation chrétienne d'être exilée de sa propre maison».

- Ne pensez-vous pas que le message n'est pas très clair?
«L'Église et les fidèles doivent assumer la responsabilité de défendre le Christ contre les manipulations.
On en revient à la lutte contre l'idéologie dominante dont Benoît XVI nous a parlé».

- Mais ce sont aussi les prêtres qui ont placé les réfugiés dans la crèche.
«Le faire est une erreur et une mystification. Même Cacciari [philosophe italien... de gauche] soutient que la défense de la crèche coïncide avec la défense de l'authenticité de la proposition chrétienne. L'histoire de Jésus, né à Bethléem de Marie, est réelle et en tant que telle doit être célébrée, ce n'est pas un mythe à contextualiser et manipuler comme le font certains "intellectuels". L'intervention du pape François pour défendre Noël de sa déformation au nom d'un faux respect pour ceux qui ne sont pas chrétiens, comme c'est le cas dans les jardins d'enfants et les écoles où la Nativité n'est plus célébrée comme fête catholique, a été grandiose. A la façon dont les choses se sont passées, ces dernières semaines, on aurait pu croire que nous fêtions la fête du migrant plutôt que la naissance du Christ».

- Comment est-il possible que l'Église ne sache pas comment défendre le message de François contre les instrumentalisations?
«Si la chrétienté est faible, elle n'est pas en mesure de comprendre les paroles du Pape. Une conception déformée de la solidarité catholique est aujourd'hui largement répandue, qui ne se préoccupe que des problèmes sociaux à aborder immédiatement avec les solutions imposées par la mentalité dominante, et non par notre identité. C'est seulement si vous êtes fort avec votre propre identité que vous pouvez vous ouvrir aux autres. L'Église doit se reconvertir et reprendre conscience de sa propre identité».

- Mais quel intérêt aurait la pensée unique à pousser autant pour l'immigration?
«Parce qu'elle conduit à la standardisation, qui sert la grande économie mondialisée, dont les objectifs consistent notamment à réduire les coûts de main-d'œuvre par la création d'une sous main-d'oeuvre d'immigrés. Le Cardinal Caffarra disait que la vérité est devenue opinion, la justice est devenue justicialisme et le bien est devenu bien-être».

- Êtes-vous pour ou contre pour le Ius Soli?
«Je m'oppose à ce qu'il devienne une valeur incontestable à imposer au monde chrétien sans discussion appropriée. La citoyenneté est un bien précieux pour la société, elle ne doit pas être concédée».

- Que répondez-vous à ceux qui accusent Bergoglio d'être communiste?
«Je réponds qu'il n'est pas communiste. Il vient d'Amérique du Sud, donc il est différent de nous Européens, qui tendons à privilégier une conduite plus synodale et consensuelle de l'Église».

- Êtes-vous contre la communion aux divorcés?
«Elle ne peut pas être donnée automatiquement sans une évaluation du cas individuel. Je m'oppose à la confusion, c'est pourquoi je voudrais une clarification papale. Le christianisme ne doit pas être fondamentalisme, ni dans un sens ni dans l'autre. Papa Ratzinger nous a exhorté à créer des laïcs vivants, actifs et entreprenants».

- Êtes-vous toujours convaincu qu'il a été forcé de démissionner?
«Tout a été écrit sur ce sujet. Je ne veux pas contribuer à l'augmentation de la confusion. Ratzinger avait une présence humble et très grande. Il reproposait la foi comme changement de vie et c'était inacceptable pour la pensée unique dominante. En substance, peut-être vaut-il la peine de rappeler que le christianisme est un événement de vie, donné par la grâce du Christ et accueilli par la liberté humaine. Au cours des 15 années de mon épiscopat, je n'ai eu d'autre intention que de servir la renaissance continue de l'événement de foi dans le cœur humain et d'accompagner un cheminement d'identification profonde dans le mystère de l'Église et de sa mission».

- Aujourd'hui, on murmure que Bergoglio démissionnera aussi?
«Deux papes ne vous semblent pas suffisants?»

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.