"Viganogate": François contre les chiens sauvages

Une réaction aux propos du Pape lors de la messe matinale du 3 septembre à Sainte Marthe (6/9/2018)

Extrait de l'homélie, telle que rapportée sur Zenit (censée commenter Luc 4, 16-30)

Prêchant dans la synagogue, Jésus n’utilise que « la Parole de Dieu », a fait observer le pape : c’est avec cette Parole, et avec le silence, qu’il vainc « les chiens sauvages », le « diable » qui « avait semé le mensonge dans les cœurs ».

« Ce n’étaient pas des personnes, c’était une meute de chiens sauvages qui le chassaient hors de la ville, a fait observer le pape François. Ils ne raisonnaient pas, ils criaient. Ils l’amenèrent jusqu’à un escarpement pour le précipiter en bas. ‘Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin' ». Et de saluer « la dignité de Jésus : par son silence, il vainc cette meute sauvage et s’en va… Le diable avait semé le mensonge dans leur cœur, et Jésus restait en silence. »

Pour le pape, cet épisode enseigne que face à l’aveuglement, « reste le silence » (...)
Le pape recommande « le silence. Dire ce qu’on pense et puis se taire. Parce que la vérité est douce, la vérité est silencieuse, la vérité n’est pas bruyante. … Avec les personnes qui ne sont pas de bonne volonté, avec les personnes qui cherchent seulement le scandale, qui cherchent seulement la division, qui cherchent seulement la destruction, dans les familles aussi : silence. Et prière ».

L'allusion est évidemment transparente; et il est légitime de se demander si ce sont là les propos d'un pasteur. Et QUI divise?

Voici le commentaire de Marcello Veneziani:

Le Pape contre les chiens sauvages


Marcello Veneziano
www.marcelloveneziani.com
5 septembre 2018
Ma traduction

* * *

Non, Sainteté, un Pape ne peut pas appeler son prochain "chien sauvage", surtout s'il s'agit de catholiques, de chrétiens, de croyants. Les chiens sont la définition injurieuse que les musulmans donnent des infidèles et des chrétiens. Les terroristes les plus impitoyables eux-mêmes ont été définis par les pontifes qui ont précédé François comme des "hommes des Brigades rouges". Jamais des chiens. Descendre à ces niveaux de haine n'est pas digne d'un Saint-Père. Le silence et la prière étaient les réponses les plus dignes.

Pour l'amour de Dieu, n'embellissons pas la réalité. Nous savons qu'il y a de la vermine dans les intestins de la curie et dans les bas-fonds de l'Église. Le racket de la pédophilie, comme le lobby gay que Bergoglio lui-même a mentionné un jour, ne sont que quelques-uns des côtés sombres de l'Église. Cette pédophilie dont les proportions, la collégialité et la complicité mutuelle déconcertent même avant ses très fréquents épisodes isolés. Mais au-delà de ces sombres affaires qui concernent la sphère sexuelle, il y en a au moins deux autres faits: l'un axé sur les histoires louches et l'autre sur la guerre où tous les coups sont permis pour conquérir des rôles dans le pouvoir clérical. Des faits qui ne sont certes pas nés avec le Pape Bergaoglio, mais qui sont la face B de l'Église, son visage corrompu et qui se sont présentés avec des hauts et des bas depuis des siècles, avec un accent particulier depuis que l'athéisme et le nihilisme ont corrodé la foi jusqu'aux portes sacrées de l'Église. On voudrait invoquer les chiens pour guérir l'Église, mais les chiens du Seigneur, comme se sont appelés les Dominicains, auxquels appartenait aussi le Docteur le plus génial de l'Église, saint Thomas d'Aquin.

Comment le parti Bergoglien a-t-il réagi aux accusations précises qui ont été faites dans le dossier Vigano? D'une part, en disqualifiant la source, le monsignore, et d'autre part, en s'embarquant dans le conspirationisme le plus classique. Double chute déplorable, qui élude les principales questions: ces accusations sont-elles fondées ou pas, y a-t-il des réponses détaillées et convaincantes à ces témoignages précis, peut-on prouver que ce sont de faux documents, forcés ou pas, sont-elles malheureusement vraies? Mais on réagit en insultant et en criant au complot, un peu comme les régimes communistes l'ont fait quand, face à chaque perturbation, à chaque scandale, ils criaient au complot des forces obscures de la réaction et justifiaient ainsi des répressions sanglantes. Nous avons entendu les bergogliens d'office, présents dans tous les médias avec une seule voix et sans contradiction, suivre cet indigne cannevas de basse politique et d'exécrable régime. Et nous les avons entendus crier à l'imbrication de la conspiration réactionnaire et de la politique souverainiste, comme l'a fait par exemple le défenseur historique de Bergoglio, Alberto Melloni. Je n'ai pas l'intention de revenir sur la question déchirante soulevée par le dossier du cardinal McCarrick et je n'ai aucune source confidentielle pour discuter de sa véracité ou non, mais je veux m'arrêter précisément sur cette accusation cruciale: quelqu'un veut diviser l'Église et la jeter dans la politique, dans un sens réactionnaire et souverainiste.

Revenons à ce qui s'est passé au cours des 50 dernières années, ou un peu plus. Le Concile Vatican II a divisé l'Église en deux camps, les conservateurs et les progressistes. Les catégories de la politique sont entrées dans l'Église à cette occasion et elles y sont entrées avec l'esprit du temps, ce Concile ayant ouvert les portes de l'Église au souffle du temps et en Italie aux ouvertures de la gauche. Cette lacération a duré avec le pape Paul VI, elle a été exacerbée par la liquidation de la messe en latin, la guitare dans l'église, le tiersmondisme, jusqu'au schisme annoncé de Levevbre. Et avec la méfiance envers les phénomènes de dévotion populaire, comme ce fut le cas avec Padre Pio, phénomène de populisme religieux, un saint par acclamation populaire. Les catholiques progressistes du Concile Vatican II se sentirent plus proches des progressistes non catholiques que des catholiques non progressistes. Un choix de camp dans lequel le fait d'être catholique est devenu une variable secondaire par rapport au fait d'être progressiste. La division de l'Église remonte à ce moment précis. Et les complots réactionnaires, et les choix politiques de droite n'ont rien à voir là-dedans. L'arrivée de Karol le Grand, Jean-Paul II, a comblé la fracture, parce que ce Pape a rouvert les portes aux "conservateurs", au latin, à Lefevbre, à Padre Pio, à la Tradition et à l'Europe, sans les fermer aux progressistes et aux anticapitalistes. Il a défendu les pauvres, les exploités, les désespérés, critiqué l'Occident rassasié et désespéré, sans faire perdre à l'Église son rôle pastoral et spirituel au sein de la civilisation chrétienne. Sur cette ligne s'insère aussi un pape philosophe et considéré comme conservateur, tel que Ratzinger, qui a été attaqué beaucoup plus que Bergoglio mais n'a jamais songé à décrire ses détracteurs comme des chiens sauvages. Et ce n'est pas tout: l'Église de Benoît XVI n'a jamais été l'Église de la division et n'a pas suscité de pulsions de scission.

Quand Bergoglio est arrivé, au contraire, on a assisté à un choix précis de camp, social, politique, culturel, je ne dirai pas doctrinal à caus de la faiblesse théologique de ce pontife. Un choix de camp dans le langage, dans la manière de faire les choses, dans l'éloignement du rite, de la liturgie, de la tradition. Le Pape a choisi thèmes, interlocuteurs, auteurs à citer, territoires et peuples qui n'appartenaient pas à l'Église, à la civilisation chrétienne, qui n'étaient pas inspirés par les saints, les martyrs, les pères de l'Église. Et l'idée même de s'appeler François, un pape sans précédents, était un signe précis de rupture. Aujourd'hui, avec ces prémisses, il me semble absurde d'inverser la séquence et d'accuser les "conservateurs" de comploter contre le Pape. C'est Bergoglio qui les a mis hors de l'Église, les a fait se sentir étrangers et coupables. C'est Bergoglio qui a divisé le christianisme, qui a séparé l'Église actuelle de sa tradition millénaire, qui a préféré dialoguer avec les non-chrétiens, les non-catholiques, les non-Européens, oscillant entre athées, musulmans et protestants et s'ouvrant, bien que de manière contradictoire, à des couples autres que les familles. Ce n'est pas un hasard si Bergoglio est devenu le leader moral de toute la gauche, acclamé tant par les libéraux que par les radicaux, par l'establishment progressiste et par les opposants. Et en matière d'accueil, il est allé bien au-delà des ouvertures de ses prédécesseurs, se plaçant radicalement d'un côté, auprès des ONG, sans jamais considérer les difficultés, les dangers et l'arrivée massive des musulmans.

Je ne dirai pas que le Pape s'est placé en dehors de la Chrétienté et de l'Église, je n'ai aucune autorité pour le dire, et je ne suivrai pas la tendance de certains traditionalistes à excommunier le Pape, s'érigeant - dans une hérésie paradoxale ultra protestante - en tribunal infaillible de l'orthodoxie. Cependant, il me semble que l'accusation de diviser l'Église et de la jeter dans la politique devrait être retournée à la "politique bergoglienne" et à son parti, laïque aux trois quarts laïc sinon laïciste. Je ne défends pas une autre démission papale, j'espère toujours un repentir miraculeux. Je sens la foi s'évanouir et je vois le crépuscule de la civilisation chrétienne. Toutefois, je dis aux croyants : les Papes passent, l'Eglise reste. Mal en point, mais elle reste.

 
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