Le "pas de côté" de Benoît XVI

En marge de la polémique sur les prétendues hérésies du théologien Joseph Ratzinger, un commentaire lumineux lu sur le blog <Chiesa e post Concilio> (5/1/2018)

Cette polémique (cf. Un 'timing' parfait) a fait l'objet d'un débat très vif, encore en cours, d'ailleurs, sur le site Chiesa e post Concilio (merci à Luisa qui me l'a signalé), qu'il vaut la peine au moins de parcourir, si on lit l'italien. Même sans partager le sentiment de l'animatrice du site (<Mic>), il faut reconnaître qu'il s'agit d'un débat ouvert, relativement fair play, et d'un niveau intellectuel dont on chercherait en vain (peut-être à une ou deux exceptions près, mais en plus restreint) l'équivalent dans l'aire francophone.
Parmi les interventions, celle d'un certain Tralcio trouve des mots si justes, dit tellement l'essentiel, qu'elle mérite d'être partagée. Je n'ai rien à y ajouter.
En voici la traduction.

Le Pape Benoît XVI a fait "un pas sur le côté".
Il n'a pas disparu: ni physiquement ni canoniquement.
Il était là, il dérangeait et il est encore là (continuant à déranger ceux qu'ils dérangeaient auparavant).
Le Pape Benoît XVI est un nonagénaire qui a fait le Concile en en partageant l'esprit, et a ensuite vécu (et autant que possible réfuté) toute sa dérive tragique et désastreuse. C'est un homme qui a pleinement saisi l'erreur du modernisme ecclésial.
Couper les cheveux en quatre, à ce stade, sur les herméneutiques (continue ou discontinue) est vain.
La tragédie de l'écroulement ecclésial de ces dernières décennies a été vue, reconnue et dénoncée justement et surtout par Benoît XVI.
C'est pourquoi les champions du nouveau cours, rebelles à tout frein, mais aussi brûlant d'envie de se relancer, se sont déchaînés contre lui. Ceux qui étaient autrefois libres et adultes, critiques de la papauté, et aujourd'hui, soumettent à l'expertise et crient à l'obéissance..... Dominus Iesus, [qu'il a donnée] en tant que cardinal, est comme un phare dans la tempête. La tentative de redonner sa dignité à la liturgie, y compris vetus ordo, et l'effort qu'il a fait pour soustraire les évangiles à la destruction de l'exégèse moderniste sont des canots de sauvetage dans les tourbillons post-conciliaires. Il a essayé avec le pro multis [cf. chiesa.espresso.repubblica.it], ignoré. Il a essayé d'ôter à l'Église l'excuse de la saleté. Il a respecté même ceux qui l'ont saboté comme Pape.

Et puis Benoît XVI a fait un pas de côté, toujours revêtu de blanc.
Il a dit qu'il l'a fait librement, c'est-à-dire volontairement, mais il n'a jamais dit (et quiconque est attentif l'a très bien remarqué) qu'il n'avait pas été forcé par certaines volontés.
Pour risquer l'exagération de la comparaison, Jésus aussi a dit qu'il avait fait librement la Volonté du Père, même si cela n'a pas empêché un trio de potentats (Rome, Hérode et le Sanhédrin) et un traître parmi les siens, de le contraindre.
Benoît XVI a été capable d'humilité vraie dans un contexte de paons, de divas et de vaniteux.
Il se peut qu'il se soit trompé quand il était jeune; à coup sûr, il n'a pas vraiment été aidé à l'intérieur de l'Église.
Je peux supposer que certaines nominations de cardinaux ont été décidées "politiquement" par des gens qui, pendant la maladie de Jean-Paul II, ont pris beaucoup de libertés dans la curie.
En dehors de l'Église, avec la dénonciation de la dictature du relativisme et la ferme insistance sur la Vérité, il était craint et détesté. En tant qu'évêque de Rome, la porte de La Sapienza lui a été fermée.
Aujourd'hui, ceux qui reçoivent les applaudissements mondains évitent justement ce langage.
Aujourd'hui, beaucoup ne sont même pas dignes de rencontrer l'émérite vêtu de blanc.
Et lui, que fait-il? Il attend. Il espère dans le Seigneur. Il ne sera pas confondu. Espérons que nous non plus.

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