Sommet sur les abus sexuels: le mot tabou

Marco Tosatti et Aldo Maria Valli analysent les causes et les implications de l'omission délibérée du mot "homosexualité" dans les débats. Et Andrea Gagliarducci ne voit (c'est intéressant mais peu convaincant) que l'émergence d'une nouvelle génération de clercs pour qui l'"impulsion sexuelle" passe avant la foi (25/2/2019)

 

Qui tire les ficelles du sommet qui n'aborde pas l'homosexualité?


Marco Tosatti
24 février 2019
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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80% des abus commis par le clergé font des victimes adolescentes, mais le sommet du Vatican évite de s'attaquer au problème. Cette omission délibérée est un signe clair du pouvoir du lobby gay dans l'Église et une indication du désir de rendre acceptable ce que l'Église a toujours explicitement condamné, à savoir les relations homosexuelles. Ceci est confirmé par les paroles élusives des hommes choisis pour diriger le sommet, de Cupich à Scicluna.


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Le sommet qui se tient à Rome sur la protection des mineurs apparaît à beaucoup comme une représentation quelque peu théâtrale, soigneusement organisée par une "régie" médiatique éprouvée - comme les synodes sur la famille et les jeunes - et dont les résultats, s'il y en a, et quand il y en aura, sont tous à vérifier. Pour l'instant, la perplexité règne, du moins pour ceux qui ont suivi avec un minimum d'attention - depuis un an maintenant, c'est-à-dire depuis le voyage désastreux du Pape au Chili - l'explosion des cas d'abus dans le monde.

Le sommet a été convoqué en septembre pour répondre d'une manière ou d'une autre à la dénonciation de l'archevêque Carlo Maria Viganò, et au début, il était question non seulement de mineurs mais aussi d'adultes vulnérables. Les " adultes vulnérables " étaient les séminaristes, éventuellement tout juste majeurs, et les jeunes prêtres visés par McCarrick, et ceux du séminaire de Tegucigalpa harcelés par le bras droit du cardinal Maradiaga, et d'autres encore aux USA (ou en Argentine, par Mgr Zanchetta, "fils spirituel" de Jorge Mario Bergoglio). Subrepticement, les "adultes vulnérables" - victimes de prêtres et d'évêques homosexuels - disparurent du paysage, ne laissant debout que des "mineurs" génériques.

Beaucoup voient dans cette omission délibérée et persistante un signe clair du pouvoir de la classe homosexualiste dans l'Église et une indication du désir de rendre acceptable ce que l'Église a toujours condamné explicitement: les relations homosexuelles.
Une phrase de Mgr Scicluna, Secrétaire adjoint de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et Archevêque de Malte, est un signe indicatif: l'hétérosexualité et l'homosexualité "sont des conditions humaines que nous reconnaissons, et qui existent, mais qui ne nous prédisposent pas vraiment au péché". Ce qui, si entre-temps la doctrine catholique et le catéchisme n'ont pas changé, ne semble pas exact. L'hétérosexualité et l'homosexualité ne sont pas équivalentes, et il ne faut pas oublier qu'avant le début de la propagande LGBT, on parlait simplement - de manière complémentaire - d'hommes et de femmes, et non d'"homo" et d'"hétéro" comme catégories réduites à une conduite.

On voulait éviter - et cela ressort clairement des discours des leaderss du sommet, Cupich et Scicluna - qu'au cours du travail, on parle de l'homosexualité comme l'une des causes des abus. Une ligne qui a été défendue y compris contre la raison et la preuve des chiffres. 80% des cas concernent des hommes sur des hommes, et les victimes sont âgées de 14 ans et plus. Un expert de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi nous a dit que 90% des cas qui arrivent à Rome ont ces caractéristiques. Les rapports de spécialistes tels que le Ruth Institute témoignent dans ce sens. Mais on ne peut pas le dire, ni au sommet ni dans l'Église: le Pontife, depuis la crise chilienne, a tout accusé: le pouvoir, la nature humaine, le cléricalisme comme cause d'abus, mais pas l'homosexualité. Pourquoi cette aphasie? C'est certainement un élément de perplexité parmi les laïcs qui observent, avec toujours plus d'attention et de discernement, le dit et le non-dit.

Et en parlant de cléricalisme et de pouvoir, certains éléments directement liés au sommet, ou même seulement en terme de timing sautent aux yeux. Ce n'est pas le cardinal et archevêque de Boston, Sean O'Malley, président de la commission chargée des abus, qui a été appelé à organiser le sommet, comme cela semble logique et naturel, mais le cardinal et archevêque de Chicago, Blase Cupich. Cupich, comme Joseph Tobin, Donald Wuerl, Robert McElroy, Kevin Farrell, fait partie de la "filière" McCarrick. C'est-à-dire, ce groupe de pouvoir que le Souverain Pontife a organisé pour briser l'unité de la Conférence épiscopale des États-Unis, trop attachée à la défense de la vie et des valeurs catholiques traditionnelles et mal vue de la politique à la Obama-Clinton.

Quand la bombe Viganò a explosé (et encore avant le rapport du Grand Jury de Pennsylvanie), Cupich est le cardinal qui a déclaré que le Pontife avait des choses plus importantes à traiter que les abus, comme l'écologie et les migrants. Cupich est l'un des représentants de la ligne pro-LGBT. Au grand étonnement de beaucoup, et en particulier des laïcs américains, il a été appelé à organiser le sommet sur les abus. Il était entouré de deux autres bergogliens de fer, Scicluna et Gracias, et de deux jésuites - Lombardi et Zollner - pour compléter l'équipe. O'Malley a été infiltré dans une conférence de presse pour faire vitrine et il a quand même dérangé la direction, disant qu'il est nécessaire de clarifier les amitiés et la complicité de McCarrick. C'est exactement ce que la direction du Vatican ne veut à aucun prix. Si ce n'est pas le "cléricalisme", comme on l'appelle aujourd'hui, et le pouvoir, le fait que le sommet soit dirigé par un groupe de personnes liées au pouvoir, qu'est-ce que c'est? Et pour ajouter une cerise sur le gâteau, à la veille du sommet, je nomme Camerlingue un autre membre de mon groupe de pouvoir, et lié à McCarrick, à savoir le controversé Cardinal Farrell. Discuté et distrait, parce que vivant pendant six ans avec McCarrick, il n'a rien vu et rien perçu.

L'autre grande préoccupation est la transparence. Ce qui se passe au sommet, ce que disent les évêques, nous ne le savons pas. Trois synodes ont déjà été faits ainsi. Et malgré cela, la direction continue de parler de transparence. Qui, dans les faits, est démentie. En novembre, les évêques américains de l'assemblée étaient prêts à voter certaines mesures concernant les abus. Parmi celles-ci, l'institution d'une commission, composée de laïcs, pour enquêter sur les abus et les dissimulations possibles. Un diktat de la Congrégation pour les évêques - selon certains en accord avec Cupich et Wuerl, archevêque de Washington (aujourd'hui administrateur apostolique) - a demandé aux évêques américains de ne pas voter, d'attendre le sommet de février.

Il ne fait aucun doute que beaucoup d'évêques américains se demanderont, maintenant, pourquoi. A partir des hypothèses cadres formulées par Cupich on comprend. Tout le pouvoir d'investigation doit rester entre les mains du clergé (ceux-là mêmes qui, depuis 2002, ont couvert et omis) qui peut éventuellement demander l'aide des laïcs. En dernière analyse, le Pape a le droit d'opposer son veto et de décider des enquêtes. Comme il l'a déjà fait pour une enquête ouverte par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi contre son ami et allié Murphy O'Connor. Toujours au sujet de ce qu'ils appellent le "cléricalisme".

Ce n'est pas du cléricalisme, c'est de la luxure.


Aldo Maria Valli
www.aldomariavalli.it/
25 février 5019

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Imaginez un sommet d'agronomes. Convoqués par le chef des agronomes, ils arrivent du monde entier et se disent très inquiets. Certaines plantes très précieuses, indispensables à la vie sur terre, tombent gravement malades et dans certains cas, meurent. La question est donc de savoir comment soigner les plantes et, surtout, comment se protéger du danger, afin que les plantes ne soient plus touchées. Que fait-on? Tout d'abord, on cherche les causes, mais c'est là que le problème se pose. Les agronomes savent que, dans au moins quatre-vingts pour cent des cas, la responsabilité de l'attaque des plantes incombe à un certain agent pathogène (ils le savent parce que des recherches ont été menées sur diverses cultures, mais aussi sur la base de leur expérience directe), et pourtant, par accord tacite, ils évitent soigneusement non seulement de s'occuper de cet agent pathogène, mais même de le nommer. Les agronomes prétendent qu'ils ont le sort des plantes à coeur, et c'est probablement vrai. La preuve en est que pendant le sommet, ils ont des paroles de grande tendresse, de participation et de partage pour les souffrances endurées par les pauvres plantes. De plus, lors de leur rencontre mondiale, les agronomes répètent souvent que ce qui s'est passé est d'une gravité sans précédent et ne doit plus jamais se reproduire. C'est pourquoi, expliquent-ils, les contrôles seront de plus en plus stricts. Toutefois, en vertu de cet accord tacite, le nom de l'agent pathogène n'est jamais donné.

Comment pensez-vous qu'un tel sommet puisse se conclure? Il se terminera par des expressions très affligées et plein de bonnes intentions, mais, malheureusement, sous le signe d'une grande inefficacité. Car si le principal responsable de la maladie ne peut même pas être désigné, il est clair que toute intention de lutter contre la contagion est destinée à se révéler non concluante.

Eh bien le sommet mondial sur les abus qui s'est tenu au Vatican ressemble à bien des égards à notre rencontre imaginaire d'agronomes. Lors du sommet, en effet, des paroles fortes ont été prononcées pour condamner les abus, pour défendre les victimes et pour une prévention plus efficace. Pourtant, ce qui, selon les études et l'expérience directe, apparaît comme l'un des éléments décisifs à l'origine des abus eux-mêmes (ou peut-être même l'élément décisif) n'a jamais été mentionné. Ou, s'il a été nommé, c'est seulement pour dire que ce composant n'a rien à voir avec lui.

Le mot qui n'a jamais été mentionné, vous l'avez compris, c'est homosexualité. Et cette omission invalide tout ce qui a été dit lors de la rencontre mondiale.

Les recherches menées sur le terrain, les reportages et les révélations qui, de temps en temps, bien qu'avec difficulté, brisent le mur du silence, indiquent que dans 80% des cas, les abus commis par des religieux sont de nature homosexuelle et ne sont pas des cas de pédophilie (intérêt sexuel d'un adulte pour des sujets prépubères), mais d'éphébophilie (intérêt sexuel d'un adulte envers la moyenne-tardive adolescence, dans une tranche d'âge compris entre 14 et 19 ans). Dans la grande majorité des cas, il s'agit donc d'hommes qui abusent d'adolescents. Mais pendant le sommet du Vatican, cette réalité a été ignorée. Et même, dès le titre même ("La protection des mineurs dans l'Église"), il s'agissait de la déformer.

C'est une réalité insaisissable et imprécise qui a été mise au banc des accusés: le cléricalisme. Ce serait lui le coupable des abus, comme l'a confirmé François dans ses remarques finales. Mais qu'est-ce que le cléricalisme ?

Dans l'acceptation commune, le cléricalisme est un type d'idéologie qui revendique la possibilité d'une intervention de l'Église dans la politique et les affaires d'un État. Bergoglio utilise en revanche le mot dans un sens différent: il fait coïncider le cléricalisme avec l'abus de pouvoir et soutient que cet abus survient lorsque le prêtre, pour une raison quelconque, se sent supérieur aux autres et est distant du peuple.

Or, si l'on admet que le mot soit utilisable dans l'acceptation devenue commune dans les interventions de Bergoglio, il n'est pas difficile de se rendre compte que le fait d'attribuer l'origine des abus au cléricalisme déplace toute la discussion au niveau de l'indétermination et de l'ambiguïté. Un peu comme ce qui se passe quand on dit que si le monde tourne mal, c'est la faute de la société, prétendre que s'il y a des abus dans l'Église, c'est la faute du cléricalisme, en réalité n'explique pas grand chose. Et même, cela n'explique rien.

L'abus de pouvoir, qui, de l'avis du pape, est l'élément le plus important pour comprendre le phénomène de l'abus sexuel, peut certainement être une cause contributive, comme chaque fois qu'un supérieur profite de sa position pour exploiter, manipuler et outrager l'inférieur, mais en soi il ne suffit pas. Pour aller plus loin, nous devons entrer dans la sphère sexuelle. Et ce faisant, on rencontre inévitablement la question de l'homosexualité.

Qu'on ne vienne pas nous dire maintenant que ce raisonnement est un symptôme d'homophobie, parce que personne ici ne prétend qu'il y a une relation de cause à effet entre homosexualité et abus. Ce que l'on dit, c'est qu'en ce qui concerne les abus commis par des représentants de l'Église, la question des clercs homosexuels ne peut être ignorée.

D'une manière générale, l'ensemble du sommet a souffert de ce changement d'orientation dans une direction peu claire.

Écoutez ce qu'un prêtre m'écrit, très déçu du résultat de la rencontre: «Cette rencontre des épiscopats n'a accouché que de vagues indications de type procédural sur la transparence, les dénonciations et les procès, mais rien sur les causes du phénomène, en premier lieu sur l'homosexualité et les coutumes non chastes des personnes consacrées, tant hétérosexuelles qu'homosexuelles. Mais ce n'est qu'en partant de ces causes qu'il est possible de s'attaquer radicalement au problème et de faire une véritable prévention. Le niveau d'analyse, ainsi que la proposition de remèdes, sont restés dans la sphère juridique, canonique et administrative, sans toucher à la sphère morale. Comme si le sixième commandement n'avait rien à voir avec tout cela! Mais c'est une façon païenne d'aborder la question, non chrétienne, et encore moins catholique».

Je suis pleinement d'accord. J'ajouterais que c'est une manière sociologique, et en effet, durant les travaux (et aussi en lisant l'intervention finale du Pape), on a eu l'impression que la dimension sociologique de l'analyse a émergé davantage que la dimension théologique et spirituelle.

Une question demeure: pourquoi les choses se sont-elles passées ainsi? Qui a oeuvré pour exclure le mot homosexualité de la confrontation? Qui voulait que le titre du sommet supprime la référence aux adultes vulnérables et ne laisse que la protection des mineurs? Qui a veillé à ce que certaines réalités restent enveloppées dans le brouillard ?

Relire l'affaire McCarrick (pour nous limiter à la plus célèbre) peut aider à trouver la réponse. Dans l'Église catholique, il existe une classe homosexualiste capable de conditionner, dévier, couvrir. C'est dans ce réseau qu'il faut courageusement mettre les mains. C'est la bulle qu'il faut faire éclater.

Le vrai cléricalisme, si nous voulons vraiment utiliser ce terme, est celui de ceux qui ne veulent pas faire la clarté et appeler les choses par leur nom. Le drame de l'abus provient du vice et du péché de luxure. Et c'est sur le manque de foi que l'Église doit se questionner.

Que produit, au contraire, l'approche sociologique, qui plaît tant au monde: seulement des opérations médiatiques. Qui se traduisent en condamnations génériques et en une commisération stérile. En plus d'un camouflage substantiel.

Pape François, questions en arrière-plan


Andrea Gagliarducci
25/2/2019
www.mondayvatican.com
Ma traduction

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A l'issue du sommet du Vatican sur la protection des mineurs, alors que se tient aujourd'hui une réunion restreinte de suivi, avec les dicastères du Vatican, la question de petits [??] lobbies du pouvoir et du carriérisme du Vatican reste en arrière-plan. Cette question concerne tous les pontificats. Celui du Pape François ne fait pas exception.
Toutefois, la façon dont la question s'est développée pendant ce pontificat est différente, et c'est difficilement explicable [vraiment? c'est le cas qsi l'on veut éviter de se confronter à la réalité]. Il n'y a pas de preuves, mais seulement des déductions. Seules les spéculations peuvent aider à comprendre comment les choses évoluent, à tracer une ligne et à mettre de l'ordre dans les choses.

Il y a un livre, "In the closet of the Vatican" [titre en anglais de "Sodoma"], écrit par l'activiste LGBT Frédéric Martel. Le livre est sorti le 21 février, au moment où le sommet sur la protection des mineurs commençait, et a fait l'objet d'une vaste opération de marketing.
Traduit en huit langues, rédigé en trois ans avec l'aide de 80 collaborateurs, le livre écrit par Martel ne devrait même pas être mentionné, rempli qu'il est d'imprécisions, de préjugés, d'insinuations et de violentes attaques dirigées principalement contre des personnes décédées ou simplement pas en mesure de se défendre.
Le livre de Martel est en fait un signal. Comme nous l'avons dit, les personnes visées sont toujours âgées et font partie de l'ancien monde du Vatican. Ces personnes sont mises au pilori pour leur hypocrisie, car elles sont décrites comme pratiquant l'homosexualité en privé tout en étant de grands activistes anti-LGBT en public.
Le livre sauve le nouveau monde du Vatican, et même, d'une certaine manière, le loue, parce que ne pas prendre ce monde pour cible ou ne pas montrer d'appréciation pour ses démarches est un éloge indirect, mais réel. Le nouveau monde est plus "homophile", plus désireux de s'accommoder de l'esprit du monde, et même d'accepter certaines ouvertures sur la notion de famille. Ainsi, même les couples homosexuels peuvent être considérés comme des familles, y compris sur le plan juridique. En fin de compte, ce nouveau monde pense que l'Église ne s'opposera peut-être pas quand des lois civiles sur les unions civiles seront proposées.
Le livre semble en fait tracer une ligne entre les bonnes et les mauvaises personnes, et les mauvaises sont celles qui se sont avérées être contre toute revendication LGBT, comme les unions civiles ou l'adoption pour les couples homosexuels.
Cette nouvelle génération aspire à gagner en puissance. Elle est moins attachée à l'identité catholique et moins catholique dans la défense des principes catholiques, plus ouverte au dialogue avec le monde. C'est un fruit de la société et de l'éducation imposées au cours de ces 40 dernières années et commencées avec le débat post- Vatican II.
Aussi imprécis qu'il soit, le livre de Martel s'inscrit cependant dans une transition au sein de l'Église. C'est un moment crucial.
Le livre présente également un détail révélateur: en 2015, Krzystof Charamsa, "ufficiale" de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, décide de faire son coming out et de devenir ouvertement un militant gay. C'est pourquoi il demanda à Martel des suggestions pour organiser une conférence de presse, parce qu'il avait été impressionné par son précédent livre "Global Gay".
Martel s'est exécuté, a clarifié les intentions de Charamsa et l'a aidé. Charamsa et Martel se sont ensuite rencontrés deux fois lors de la rédaction de ce dernier livre. Après son outing, Charamsa a quitté le Vatican, et, pour autant qu'il se sente encore prêtre, il a reçu une excommunication latae sententiae. Le fait est que Charamsa demande à l'Église de changer son enseignement et son point de vue afin de pouvoir se sentir libre de faire ce qu'il sent comme le mieux.
Charamsa est le spécimen d'une nouvelle mentalité qui met en jeu l'identité sacerdotale elle-même, et plus généralement l'identité humaine. Il ne s'agit pas de célibat. Il s'agit de l'impulsion sexuelle qui - selon ce point de vue - doit toujours être soutenue. Il est totalement impossible qu'une personne fasse un choix de vie, que ce soit la chasteté matrimoniale ou totale. C'est contre la nature humaine, selon cette nouvelle idéologie.

Le changement de génération concerne aussi ce changement de mentalité. Regarder la situation sous l'angle de la transition générationnelle rend les choses plus claires.
L'élection du Pape François est née avec l'idée de marquer une discontinuité. Le pape François a été choisi parce qu'il fallait un pape qui semblait ouvert, mais qui en même temps était traditionnel [??]. Le Pape François était aussi le candidat de la vieille Curie, celle que l'on pensait capable de rétablir les relations avec les diplomates du Vatican qui se sentaient marginalisés par Benoît XVI.
Après l'élection du pape François, les choses ont rapidement évolué. Comme si l'ère de Benoît XVI n'avait jamais eu lieu, les slogans du Concile Vatican II sont redevenus à la mode. Immédiatement, le cardinal Walter Kasper, âgé de 80 ans, est revenu pour devenir un point de référence théologique.
Les synodes sur la famille ont aussi été une première expérience pour quelques ouvertures dans la continuité. Faire (peut-être) de nouvelles choses avec les anciennes personnes. Cela n'a pas fonctionné.
Le rapport de mi-parcours du Synode de la famille 2014 présentait une ouverture aux couples irréguliers, et la plupart des pères du Synode ont protesté. Le Pape François a contourné la question en demandant de publier l'ensemble du rapport final, y compris les paragraphes n'ayant pas obtenu le consensus des deux tiers du Synode. Ce n'était pas suffisant.
A cette époque, une nouvelle génération du Vatican était déjà en train d'émerger, et demandait plus qu'une ouverture doctrinale générale qui se résolvait au cas par cas dans une gestion de la situation difficile, comme le font les prêtres depuis des années. Cette nouvelle génération du Vatican voulait une Église dans le monde.
L'outing de Charamsa, à la veille du Synode de 2015, fut aussi un signal. La nouvelle flambée du scandale des abus, qui n'a en fait jamais cessé, a de nouveau sonné l'alarme. La publication de ce dernier livre de Martel est donc un nouvel outil entre les mains de ce que Martel appelle "la paroisse".

La lutte des pouvoirs n'est pas nouvelle au Vatican. Une certaine sous-culture homosexuelle n'est pas nouvelle non plus. Elle a été décrite dans des études bien documentées, comme celle du P. Dariusz Oko sur l'homo-hérésie.
La lutte pour le pouvoir s'inscrit désormais dans le cadre plus large d'un changement de génération. Le monde du Vatican dans son ensemble est en train de changer, et il le fait en ce moment même.
Le pape François, en fin de compte, le sait. Pour cette raison, les discussions sur la réforme sont très longues - considérez que la réforme de la Curie sera soumise à une consultation mondiale. Il est nécessaire de réassembler les lignes de l'Église. Trouver un moyen de gérer la transition. Et de rester dans la tradition de l'Église, en montrant parfois une ouverture timide.

Ce pourrait être les lentilles à travers lesquelles lire ce pontificat. Ce pontificat s'adresse à la mission et aux personnes, parce que l'Église a besoin de prière et de miséricorde pour surmonter cette situation, avec une nouvelle génération qui pousse à prendre le pouvoir et à faire sortir l'Église d'elle-même. Comment ce chemin peut être efficace, et comment le Pape François peut réussir simplement avec son charisme et une certaine déformation, cela reste encore à voir.

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