Un mot interdit et un (gros) mot tabou

Lorsqu'il évoque les attentats du dimanche de Pâques au Sri Lanka le Pape se refuse à prononcer le mot "islam"; et il liquide le martyre des chrétiens en quelques phrases formelles de condoléances et un tweet tardif. Manifestement, leur sort n'est pas au sommet de son échelle de valeurs pastorale, mais vient bien loin derrière celui des sacrosaints "migrants" (26/4/2019).

>>> Voir aussi:
Une Semaine Sainte (presque) sans Dieu
Massacre au Sri Lanka et "adorateurs de Pâques"

 

L'étrange distraction

Pape François, très grave accusation contre le Vatican: le silence troublant sur les bourreaux musulmans


Gianluca Veneziani
Libero Quotidiano
23 avril 2019
Ma traduction

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Disons que pour 290 morts, on s'attendait à davantage que 30 secondes de discours et 220 caractères (tardifs) d'un tweet. De nombreux observateurs, croyants et laïcs, n'ont guère apprécié la réaction du pape Bergoglio au massacre des chrétiens au Sri Lanka, qui a bouleversé le pays asiatique le jour de Pâques. Du côté du Pontife, il y a eu une intervention lors de l'homélie urbi et orbi du dimanche de Pâques (w2.vatican.va), dans laquelle il a annoncé qu'il avait «appris avec douleur et tristesse la nouvelle des graves attentats qui ont aujourd'hui apporté le deuil et la douleur dans plusieurs églises«; puis il a manifesté sa «proximité affectueuse avec la communauté chrétienne, touchée alors qu'elle était en prière».
Un bref passage au sein d'un long discours dans lequel, entre autre, il a évoqué de nombreuses autres situations critiques dans le monde, de la Libye à la Syrie, du Soudan au Venezuela, et a rappelé le 70e anniversaire de la première apparition de Pie XII à la télévision.
Presque une parenthèse, en somme, qui ne semblait pas donner son juste poids à un massacre d'une telle importance, comme l'ont fait remarquer même des commentateurs laïcs comme Daniele Capezzone, pour qui «le massacre de chrétiens a été traité hier par Bergoglio comme une pratique à liquider en 30-40 secondes».

A l'intervention laconique du Pape s'est ajouté son silence sur les réseaux sociaux durant toute la journée de dimanche, si bien que des sites comme Dagospia [un site qui mélange bobards, infos trash, rumeurs scandaleuses sur les people et scoops politiques et religieux bien informés, nous en avons déjà parlé. Article à lire ici: Pourquoi le Pape n'a-t-il pas prononcé le mot islam pour le massacre au Sri Lanka?] ont parlé d'un deux poids deux mesures par rapport à sa réaction après l'attentat contre les musulmans à Christchurch en Nouvelle-Zélande (alors, il avait promptement publié sur Twitter sa condamnation de l'attentat terroriste et sa prière pour les victimes).

LE TWEET
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Toutefois, après une journée, et probablement après les polémiques qui, en ligne, commençaient à monter, hier (22 avril, donc lundi de Pâques) Bergoglio a rompu son silence et écrit un tweet sur le massacre:


Une déclaration trop tardive ? Peut-être. Mais en réalité, ce qui doit être reproché à Bergoglio plus que sa "promptitude" à réagir sur les réseaux sociaux - après tout, il reste un pontife et non un influenceur - c'est de façon générale le poids pas vraiment excessif accordé dans son magistère aux massacres de chrétiens dans le monde, qui deviennent souvent un thème secondaire par rapport aux questions qui l'intéressent le plus: migrants, environnement, critique de l'argent, condamnation du pouvoir, etc..

ÉCHELLE PASTORALE
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C'est comme si le sort des témoins du Christ et de ses nouveaux martyrs, et donc le destin même du christianisme, n'étaient pas en haut de l'échelle pastorale de Bergoglio, parce que les problèmes sont ailleurs: à l'évidence, la vie et la destinée des chrétiens - et nous soulignons le mot "chrétiens" - ne sont ni en tête des pensées ni dans le dictionnaire des dirigeants mondiaux de gauche, si bien que même à l'occasion d'un massacre comme celui du Sri Lanka, la référence au christianisme reste tabou. Dans leurs tweets, ni Barack Obama ni Hillary Clinton n'appellent les victimes des attentats de dimanche dernier pour ce qu'elles sont, mais ils utilisent une périphrase embarrassante.

LANGUE DE BOIS
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Au lieu de les appeler chrétiens, ils les appellent «Easter worshippers» [cf. Massacre au Sri Lanka et "adorateurs de Pâques"]: mis dans l'impossibilité de prier, voire exterminés dans les pays asiatiques, dans l'Occident laïcisé, les chrétiens sont tués une seconde fois, privés même de la dignité d'être nommés pour le Dieu en qui ils croient.
Et ce déni est d'autant plus douloureux qu'il va de pair avec la suppression de toute référence à l'identité des bourreaux (gare à qui prononce les mots "islam" ou "extrémistes musulmans") et avec une solidarité explicite envers les musulmans lorsqu'ils en sont victimes (après les attentats de Christchurch, Obama et Clinton avaient exprimé des mots de proximité à la "communauté musulmane").

Vous vous demandez ensuite pourquoi de nombreux chrétiens ne peuvent pas souffrir ce Pape et de nombreux citoyens occidentaux n'en peuvent plus des élites radical chic de gauche.

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