Une homélie inédite de Joseph Ratzinger

Elle est issue d'un recueil publié ces jours-ci en Italie (et à venir en France), sous la direction (et avec la traduction) de son traducteur habituel en italien, Pierluca Azzaro (11/5/2019)

 

Plusieurs "bonnes pages" ont été anticipées dans la presse italienne, et aussi chez Sandro Magister (www.diakonos.be/settimo-cielo), qui précise

La plus grande partie d’entre elles remonte aux années soixante-dix et quatre-vingt et la plus récente remonte à 2003. Elles sont réparties par temps liturgique : l’Avent, le Carême, Noël, Pâques et enfin le temps ordinaire.
(...)
L’édition en langue italienne sera la première à sortir en librairie ce 2 mai.
Mais les autres éditions ne vont pas tarder à suivre : en anglais chez Ignatius Press, en français chez Parole et Silence, en espagnol, en portugais, en allemand et ensuite en croate, en polonais et en serbe.
Et ce n’est pas tout. En septembre, un second recueil d’homélies inédites de Ratzinger sortira de presse, à nouveau d’abord en Italie, il s’intitule «Sacrements. Signes de Dieu dans le monde», cette fois sous la direction d’Elio Guerriero.


L'homélie que j'ai essayé de traduire ici est celle dont Il Corriere della Sera a publié un extrait. Je la touve particulièrement simple et belle.
Le titre est celui choisi par journal italien.
Tiens, surprise, Benoît XVI ferait donc encore vendre?!!

Pierluca Azzaro [taper son nom dans le moteur de recherche interne] a déjà traduit en italien les "Homélies de Pentling" (voir ici: benoit-et-moi.fr/2015)

La foi de la femme au foyer, si semblable à celle de Pascal


www.corriere.it
28 avril 2019
Ma traduction

* * *

Nous publions ici un large extrait d'une homélie inédite du livre de Joseph Ratzinger-Benoît XVI Per amore, présenté et (traduit en italien, ndt) par Pierluca Azzaro, en librairie depuis le jeudi 2 mai. Le recueil d'homélies, en grande partie inédites, a été voulu par le Pape émérite lui-même et se concentre sur le thème fondamental de sa réflexion théologique, auquel, en tant que pontife, il a consacré sa première encyclique, Deus caritas est. Le texte que nous présentons en avant-première est une homélie prononcée le Jeudi Saint à Munich, le 12 avril 1979.

Un prêtre autrichien de mes amis a récemment publié un [livre de] souvenir(s) de sa mère qui, dans une période difficile, dans des conditions de dénuement que nous pouvons à peine imaginer aujourd'hui, a donné naissance à onze enfants, dont huit ont spontanément pris le chemin du sacerdoce et de la vie religieuse. Ce qui est le plus frappant dans le livre, c'est le récit du testament de sa mère. Le dernier jour de sa vie, le matin, elle avait participé comme toujours à la célébration eucharistique et avait reçu le Corps du Seigneur; puis elle avait fait son travail quotidien habituel. Le soir, comme d'habitude, elle avait béni les photos de ses enfants avec son mari, et s'était ensuite rendue à la cuisine pour préparer une tasse de café. Là, peu après, on la retrouva inconsciente au sol, et elle mourut trois heures plus tard. Mais ce qui est bouleversant, c'est que sur la table il y avait une carte postale qu'un de ses enfants lui avait écrite peu de temps auparavant; dans un coin resté vide, d'une écriture faible mais encore lisible, elle avait écrit: «Fais de moi ce que tu veux, laisse-moi juste t'aimer pleinement».

A l'évidence, elle avait senti qu'elle était sur le point d'être submergée par la force destructrice de la mort, par l'effondrement physique imprévisible, et elle avait saisi le dernier moment disponible pour dire un dernier mot aux siens, pour se définir une fois encore. Et elle avait transformé cet instant au seuil de la mort, cet instant de peur extrême où elle allait être submergée par l'insondable, en une liberté totale: «Fais de moi ce que tu veux, laisse-moi seulement t'aimer pleinement».

Même si l'on ne savait rien d'autre du parcours de cette femme, on pourrait certainement reconnaître à partir de cette phrase le chemin qu'elle avait parcouru pour finalement trouver, avec toute la simplicité qui était la sienne, une telle grandeur, une telle maturité, une telle liberté. Et il n'y a besoin d'aucune explication pour réaliser comment c'est à cette vie qu'est dû l'esprit nécessaire pour émaner une sorte de radioactivité du bien qui soutienne et anime une génération entière, la rendant à son tour radioactive de bien. Et aussi: même si on ne le savait pas, on pourrait supposer que cette liberté a grandi en elle en regardant Jésus-Christ et en vivant en Jésus-Christ. En fait, son chemin, c'était cela. Elle avait vécu avec la liturgie et avait cherché le Christ à partir de là. Et puisque cette liberté venait du Christ, pour cette raison elle se réfère à lui, l'indique et nous aide à mieux le voir, à mieux le comprendre.

Il me semble que le message de l'Évangile d'aujourd'hui - le message des dernières heures de Jésus-Christ sur terre: «Ayant aimé les siens, il les a aimés jusqu'au bout» - peut être compris, grâce à cette phrase et à la dynamique qu'elle contient, mieux que sur la base de commentaires savants. Et grâce à elle, nous pouvons mieux comprendre le mystère du Mont des Oliviers, dans lequel toute la peur de la créature qui se retrouve seule face au néant se transforme dans la liberté. Dans la liberté d'un amour plus grand: «Que ce ne soit pas la mienne qui soit faite, mais Ta volonté» (Lc 22,42). Et puisque son amour n'était pas seulement un[e manière de] vivre et refléter (verbe substantivé, caractéristique du style de Josep Ratzinger, ndt) l'amour du Père, mais aussi l'amour créateur du Fils, pour cette raison, il dégage une radioactivité du bien qui atteint jusqu'aux extrémités de la terre, qui est indestructible, qui est l'île étroite mais fiable de la rédemption, dont vient cette lumière qui nous aide à vivre. (...)

Dans son encyclique 'Redemptor hominis', le Saint-Père [Jean-Paul II] a souligné comment Jésus a résumé tout son message en deux phrases: «Croyez en l'Evangile» et «Repentez-vous».

C'est l'invitation à entrer dans la joie de son amour, l'invitation à entrer dans l'Eucharistie. Mais ce Jésus qui dit: «Viens!» et qui s'offre à nous est le même Jésus qui dit aussi: «Convertissez-vous!» (...). Dans cette Encyclique, il a aussi fait un diagnostic de notre temps qui s'accorde à la spécificité de cette soirée. Il dit que notre temps est le temps d'un nouvel Avent. Le mot Avent évoque avant tout la consolation et la joie d'attendre que le Seigneur s'approche de nous. Pensons à l'attente de Marie et à la lumière silencieuse et aimable qui émane d'elle. Mais l'Avent a aussi un autre visage. Il signifie aussi la nuit du Mont des Oliviers. Il signifie aussi se retouver seuls au seuil du néant et de la mort. Il signifielutte solitaire contre les forces du chaos à l'heure où les méchants sont à l'œuvre et où les disciples dorment.

Blaise Pascal, pendant de nombreuses années marqué par la maladie et qui a constamment fait l'expérience de la nuit de la solitude, la nuit du Mont des Oliviers, écrivit: «Jésus est en agonie jusqu'à la fin des temps». Aujourd'hui encore, Il est sur le Mont des Oliviers. Et pour s'en apercevoir, il suffit seulement d'ouvrir un peu les yeux. Combien de personnes aujourd'hui sont poussées dans la solitude à cause de leur foi, à cause de leur conscience; combien sont poussées dans la peur du néant et de la destruction qui les menace. Et nous devons aussi dire que ses disciples dorment parce qu'ils ne veulent pas ou ne savent pas reconnaître la solitude du Seigneur, le danger et la menace auxquels ses disciples sont exposés. Chez tous, il y a l'Avent qui invoque la transformation, qui invoque la rédemption à travers l'amour miséricordieux de Jésus Christ.
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