Confession d'un cardinal (III)

La surprise de la fin... et un site Internet!

J'arrive péniblement à la fin du livre, qui se déroule quelque part dans une Babylone effrayante de l'Asie du Sud-Est, appelée "La Ville", pour souligner sa portée universelle et intemporelle, rongée par la prostitution, l'exploitation économique, la misère, et leur corollaire, le Sida.
Plus précisément, cela se passe dans un centre de soins pour enfants porteurs du virus du sida, où mon cardinal a choisi de finir ses jours.
En étant un peu méchante, je dirais qu'il se donne le beau rôle à peu de frais, dans le registre de la compassion (qui pourrait critiquer quelqu'un qui apporte le soulagement à ces malheureux? qui, en France, osait critiquer l'Abbé Pierre, dont il par ailleurs question dans le livre, comme du modèle vers lequel devrait tendre l'Eglise en Occident?) , tout en enfonçant le sentiment de culpabilité de l'homme occidental, ce qui s'appelle faire d'une pierre deux coups.
Mais de quoi devrais-je me sentir coupable, à titre personnel?(*)

Et, parvenue à la page 372, je découvre avec stupéfaction que le témoignage anonyme-fiction romanesque-pamphlet pourrait être le manifeste d'une sorte de think-tank catho-progressiste disposant même d'un site internet sous le nom "à clés" <sarepta-org> .
Un manifeste qui, sous des dehors prudents, ne laisse pas d'être inquiétant, allant jusqu'aux menaces plus ou moins implicites de putsch contre Benoît XVI, dont toutes les positions sont étrillées, en particulier la demande de reconnaissance des racines chrétiennes de l'Europe.
Celles-ci sont d'ailleurs évoquées avec une condescendance teintée de pitié envers le défunt pape Jean-Paul II, décrit comme affaibli, pour ne pas dire sénile, en tout cas dépassé par les évènements, ne comprenant plus un monde qu'il est en train de quitter et s'accrochant à ces fameuses racines comme à une bouée de sauvetage:

"Au moment du travail de rédaction de la constitution [européenne], je voyais [Jean-Paul II] moins souvent . Il était de plus en plus faible, et moi, j'avais quitté mes fonctions au Vatican... Nous eûmes tout de même un bref échange à ce propos...Il était profondément affecté par ce qu'il appelait cette défaite. Et il me demanda pourquoi l'Europe refusait cette référence à cette vérité historique indéniable : son origine est chrétienne.... J'ai eu de la peine pour lui. Je lui répondis ce que je croyais être la vérité ... que croire que les racines d'une collectivité peuvent contrebalancer les effets de sa course vers l'innovation est un espoir vain puisque justement cette course rejette hors de la mémoire collective le souvenir de ces racines. Et j'ajoutai en guise de consolation que même l'inscription dans le texte constitutionnel de cette référence aux origines chrétiennes de l'Europe n'aurait pas changé grand-chose à la réalité." (page 390)

Quant à la famille, comme vecteur d'évangélisation, ou de transmission de la foi, "petite église domestique" si chère au Saint-Père, il n'en est question que pour constater que c'est un modèle périmé. Autrement dit, adaptons-nous, les faits sont là, c'est à nous de nous y plier, en les précédant au besoin.
Le thème de la dénatalité en occident est évoqué, sans être considéré autrement qu'un phénomène scientifique inéluctable, mais en revanche, pas un mot sur l'avortement, ni sur la défense de la vie en général. Pas un mot sur la faillite de la morale, sur les pourrisseurs.

(*)
Qu'on me permette ici une remarque personnelle, qui me tient à coeur: puisque nous sommes tous des enfants de Dieu, qu'est-ce qui autorise certains à décréter que parmi nous, il y en a qui sont plus dignes que d'autres de sa sollicitude? Et pour parler clair, que parmi ceux qui n'y ont aucun droit, l'homme blanc occidental, surtout celui qui , sans avoir bénéficié d'aucun privilège, a fait l'effort de prendre sa vie en main pour la rendre décente et responsable, est au premier rang?



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