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Une bonne rencontre entre la Science et l'Église

L'Univers expliqué au Pape, un très bon article de Marco Politi sur la rencontre du Saint-Père avec le physicien Stephen Hawking. (2/11/2008)



Rappel:
Le Pape a reçu en audience le 31 octobre les membres de l’Académie pontificale des sciences qui tient sa session plénière sur le thème: “Perspectives scientifiques sur l’évolution de l’univers et de la vie”.

Voir ici: Science et foi ne se contredisent pas et le discours du Saint-Père: Création, foi et science
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Contexte:
L'année prochaine, on célébrera "l'année galiléenne", et l'«Origine des Espèces» aura 150 ans .
Le Saint-Siège s'apprête à commémorer ces deux évènements dans un esprit d'apaisement.
Mais elle ne veut pas être "prise au dépourvu" face à un progrès scientifique qui s'emballe.
Et justement, l'évolution – selon l'Osservatore romano – «peut devenir un terrain de rencontre entre science et foi.»
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Un journaliste qui travaille pour un journal peu suspect de papolâtrie - ici Marco Politi, pour la Republicca- peut aussi écrire des articles qui rendent justice à l'ouverture d'esprit du Pape - et même plus largement de l'Eglise - sur les questions scientifiques.

Nous somme très loin de l'image souvent véhiculée d'une Eglise obscurantiste et se refusant au débat.
Bien au contraire, c'est elle qui le sollicite, et l'organise.


L'univers expliqué au Pape
MARCO POLITI
Source: http://.../repubblica/...
(ma traduction)
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Au commencement était le Verbe. Le commencement était le Hasard. Au commencement était le Big Bang. Au commencement, peut-être, il y avait plein de petites bulles en développement, comme les bulles d'eau qui explosent dans une casserole en ébullition.
Contracté dans son fauteuil roulant, la tête baissé, le regard tenace de celui qui vit depuis quarante-six ans avec la SLA, le physicien et mathématicien Stephen Hawking raconte - via synthétiseur - l'histoire de l'univers et la succession des théories sur ses origines. C'est une excursion fascinante depuis Aristote, qui croyait en l'univers éternel et sans début, jusqu'à Emanuel Kant, pour arriver à Einstein et à ses toutes dernières recherches, combinant la théorie générale de la relativité avec la théorie quantique. Assis en carré dans le salon de l'Académie pontificale des Sciences, des scientifiques de toutes croyances, et deux prélats, les cardinaux Christoph Schoenborn et George Cottier, l'écoutent en silence, avec concentration.
« Que se passait-il avant le commencement du monde ? - questionne Hawking - Que faisait Dieu avant de le créer ? Il préparait l'Enfer pour ceux qui poseraient des questions comme celles-là? ».
Le ton de plaisanterie mélangé à l'illustration scientifique jette une lumière sur l'esprit avec lequel l'académie du Pape a organisé un symposium pour se mesurer avec Darwin à la veille du cent cinquantième anniversaire de la publication de "l'Origine des espèces". Totale liberté de discussion, envie de comprendre sans restrictions.

Le physicien Nicola Cabibbo, le nouveau président de l'académie dit: « La théorie de Darwin est cause d'un certain embarras dans l'enseignement catholique. Notre intention est de présenter le progrès des connaissances dans ce domaine, et de faire le point ».
C'est ainsi qu'est née la rencontre consacrée aux « Approches scientifiques sur l'évolution de l'univers et de la vie » et, de ces premiers échanges, il apparaît clairement que dans l'assemblée, réunie dans la Casina Pie IV, une bâtisse de style renaissance, cachée dans la verdure des jardins du Vatican, il n'y a pas de place pour les fanatismes du Créationisme ni pour les arguties du Dessein Intelligent, qui voudrait faire porter au Créateur le tablier d'un horloger absorbé à ciseler le mécanisme d'une horloge parfaite.
« Depuis quelques années, le créationisme a cherché à se donner une posture scientifique et s'est transformé en "intelligent design" »,explique Cabibbo dans L'Avvenire, soulignant poliment: « Beaucoup le considérent comme une réédition du créationisme revêtu des habits de la science ».
C'est la sépulture silencieuse d'une pseudo-théorie, qui pendant quelques années a mobilisé les catholiques les plus traditionalistes (ndt:?).
« La théorie de l'évolution est scientifique, les critiques avancées par les défenseurs de l'intelligent design sont sans fondement », parce que les carences et les difficultés de l'évolution rentrent dans la vision générale de cette espèce d'"arbre" en croissance qui est l'évolution : c'est ce qui est écrit dans une intervention préparée par le père Jean-Michel Maldamè de l'Institut catholique de Toulouse.
- Y-a-t-il une place pour Dieu dans ce processus ?
Oui, pense le religieux. « Mais le Créateur n'est pas extérieur à la nature. L'acte créateur est la partie la plus intime de l'énergie mise en oeuvre ».

Hawking dans son discours n'entre pas dans ces questions. Il n'y entre ni idéologie ni philosophie, pas même de type scientiste. Il retrace socratiquement le parcours des découvertes, des hypothèses, des erreurs, des résultats atteints. Il met en évidence ce qu'on sait et ce qu'on ignore.
« Mon approche est une approche positiviste », affirme-t'il. Ce qui compte, ce sont les résultats soumis à vérification. Avec une ironie anglo-saxone, il précise: "Entre le modèle selon lequel l'"univers fut créé l'année dernière" et le modèle pour lequel le monde existe depuis plus longtemps, « le second offre plus d'explications ».
L'expansion de l'univers, déclare-t'il, est une des découvertes intellectuelles les plus importantes du XX-ème siècle. La théorie d'Einstein sur la relativité est fondamentale, mais « elle ne peut pas prédire comment l'univers commence, mais plutôt seulement comment il se develope une fois qu'il a commencé ».
- Alors, on peut discuter de l'origine de l'univers ?
Pour le scientifique, il faut combiner la théorie d'Einstein avec la théorie quantique de Max Planck, et plutôt qu'à un unique Big Bang, Hawking pense à un scenario plus complexe. « L'image que Jim Hartle et moi avons esquissée de la création quantistique spontanée de l'univers serait un peu comme la formation de bulles de vapeur dans l'eau bouillante ».
Plein de petites bulles qui apparaissent et disparaissent. Des micro-Univers qui s'étendent et disparaissent.

Quelques "bulles" qui croissent et se développent rapidement. « Correspondant à des univers qui commencent à se développer à un rythme de plus en plus rapide ».
Beaucoup d'univers, donc, pas seulement un. Mais aussi beaucoup d'interrogations en suspens. L'univers ou les univers continueront-ils à se développer? Ou disparaîtront-ils à nouveau ? « La cosmologie est un thème fascinant », conclut Hawking.

Benoît XVI, qui reçoit en audience les participants à la rencontre, est attentif à faire comprendre qu'il n'y a pas d'opposition entre foi dans la création et science.
Il lui tient à coeur de mettre en évidence la rationalité de la création. « Galilée - rappelle-t'il - voyait la nature comme un livre dont l'auteur est Dieu. Cette image nous aide à comprendre que le monde, loin d'être causé par le chaos, ressemble à un livre ordonné. Il est un cosmos ».
Lui non plus ne parle pas d'Intelligent Design.
L'Osservatore Romano va jusqu'à préciser: Mieux vaut se mesurer directement avec Darwin et l'évolutionisme plutôt qu'avec d'autres inventions. « Certes, le dessein sur la création est affirmé dans la doctrine de l'Église - est-il écrit dans le journal vatican - mais ne l'accrochons pas à la théorie américaine de l'Intelligent Design, en créant de nouvelles équivoques ».
Papa Ratzinger réaffirme un seul concept. « La distinction entre un être vivant et un être spirituel, qui est capax Dei, indique l'existence de l'âme intellective ». Et, comme l'enseigne l'Église, « chaque âme spirituelle est crée directement par Dieu, n'est pas un " produit" des parents, et elle est immortelle ».

Il revient au cardinal Schoenborn de Vienne d'expliquer aux scientifiques que le point fondamental pour Ratzinger est la connexion entre « raison, foi et vie », grâce à laquelle le christianisme est devenu une religion mondiale. La religion détachée de la raison, note-t'il, peut tomber en proie à des pathologies irrationnelles. Voilà pourquoi Ratzinger revient avec insistance sur le discours de la rationalité du croire et dans le croire. Alors, dans le scenario évolutif, souligne Schoenborn, on peut retrouver soit une rationalité de la matière soit une rationalité du processus. Y-a-t'il une Rationalité originelle qui se reflète dans ces dimensions, se demande le cardinal ? La réponse va au-delà de la démarche scientifique, mais la question est rationnelle, et, selon Ratzinger on doit même « oser croire à une rationalité créatrice et avoir confiance en elle ».

Avec ce ton, la rencontre de l'Académie pontificale des Sciences libère le débat sur Darwin et l'Église des querelles rancunières et ramène l'argument à une confrontation stimulante entre scientifiques, théologiens et philosophes, sans débordements autoritaires.

Mais tout était déjà dans l'image, cueillie dans la salle des audiences au Vatican, de papa Ratzinger qui caresse délicatement la mèche rebelle de Stephen Hawking, tandis que le scientifique tape les touches de l'ordinateur et que le synthétiseur renvoie son salut : « Je suis content de vous rencontrer, Sainteté. Aujourd'hui, ce devrait être une bonne rencontre entre la Science et l'Église ».

© Copyright Repubblica, 1er novembre 2008

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