Relations judéo-catholiques
... pas faciles! A la veille de la visite du Saint-Père à Venise, une interviewe du président de la communauté juive de la lagune. (6/5/2011)
Il Corriere del Veneto, qui est apparemment une version locale du grand quotidien milanais, consacre sur Internet des pages spéciales à la visite du Saint-Père.
http://corrieredelveneto.corriere.it/../cronaca/il_papa_in_veneto/...
Parmi les articles déjà en ligne, cette curiosité: une interviewe du président de la communauté juive.
Il est dépité de n'avoir pas été invité (un oubli qui sera peut-être réparé, nous le lui souhaitons), et il exhale une rancoeur qui ne date pas d'hier!
Juste une remarque: Monsieur Luzzatto reproche à Benoît XVI de ne pas s'exprimer suffisamment sur l'antisémitisme (dans certains milieux, on lui reproche de trop le faire): mais le Saint-Père n'a pas besoin de répéter sans cesse ce qui est une évidence pour lui. Et surtout, l'antisémitisme d'aujourd'hui n'est pas le fait de catholiques. Il est le fait de populations qui n'apprécieraient peut-être pas que ce soit le Pape qui leur dise comment ils doivent se comporter.
Les réserves de Luzzatto sur Benoît XVI
"Je ne suis pas invité"
Le président de la communauté juive de Venise parle avant la visite: "je regrette qu'il parle peu d'antisémitisme"
(Source)
-------------
A 83 ans, sourd seulement à l'hypothèse de la retraite et d'une vie plus tranquille, Amos Luzzatto continue d'être une figure de grande autorité dans la communauté juive italienne. Et pas seulement pour les années passées à la tête de la communauté. Je le salue en l'appelant "lion combattant". Il esquive avec modestie: "Peut-être, mais les ongles coupés". Chirurgien pendant 40 ans, essayiste, écrivain, depuis sa maison-observatoire de Venise (il est acruellement président de la communauté de la lagune) il travaille sans relâche. Il voyage, participe à des initiatives, observe les faits de société. Comme la visite de Benoît XVI à Venise. Luzzatto accepte volontiers cette entrevue.
- Alors, Luzzatto, comment vivez-vous cette attente?
- Je vous demande pardon, quelle attente?.
- Parlons du sujet de la visite de Benoît XVI dans le Nord-est, les 7 et 8 mai, avec la présence du pape à Venise.
- Voyez-vous, je n'ai pas reçu d'invitation.
- Vous êtes sûr? Peut-être s'agit-il d'une erreur, d'un malentendu?
- Je le répète: aujourd'hui, je n'ai reçu aucune sorte de communication. Je ne sais même pas s'il y a une cérémonial quelconque, ou un bureau affecté à cet office pour la visite du pape à Venise. Je sais seulement que je pourrais appeler le vicaire du patriarche Angelo Scola et certainement obtenir l'invitation, compte tenu de nos relations amicales. Mais ....
- Mais?
- Ce n'est pas mon genre de demander à être invité. Je ne l'ai jamais fait et je ne vais certainement pas commencer à le faire parce que le Pape est à Venise.
- Toutefois, puis-je me permettre de vous demander quelle importance vous accordez à la visite pastorale du Pape Benoît XVI à Venise?
- Bien sûr, même si je pourrai mieux répondre à votre question après la visite. Pour l'instant je me bornerai à un souhait. Je ne sais pas si le pape voudra souligner le caractère multiethnique et multilinguistique de la tradition religieuse de Venise. Je rappelle que nous, les Juifs, nous avons apporté à la culture moderne le mot "ghetto" qui, comme vous le savez, est né à Venise [NDT: C'est dans la République de Venise, en 1516, qu'un quartier fut pour la première fois été appelé ghetto, après que le Conseil des Dix eût décidé de regrouper leur communauté à Cannaregio, site occupé par une ancienne fonderie (en vénitien getto signifie « fusion », http://fr.wikipedia.org/wiki/Ghetto ]. J'ajoute que le ghetto, né comme acceptation (ndt: de la communauté juive) a également des aspectcs peu édifiants dans son histoire, comme les portes fermées à l'heure du couvre-feu, mais il y a aussi des épisodes et des actes de grande ouverture. Venise fut aussi l'un des nombreux théâtres d'incendie public du Talmud, et c'est à Venise qu'il y eut la première impression du Talmud et d'autres textes juifs. L'artisan qui y travaillait, était un hollandais protestant. "
- Vous avez consacré votre vie à la lutte contre l'antisémitisme et contre toutes les formes de discrimination raciale. Dans le pontificat de Benoît XVI, voyez-vous des mots clairs et forts de dénonciation de ces deux phénomènes?
- Non, je n'en vois pas encore. Et je le regrette. Je reste dans une attente confiante pour l'avenir. Il y a aussi des questions connexes qui semblent peu encourageants. Par exemple, l'heure d'instruction religieuse à l'école, en fait, est restée une heure d'enseignement religieux catholique. Mais je me souviens aussi une expérience très positive ....
- Dites-nous.
- J'ai rencontré le cardinal Jean-Marie Lustiger, ancien archevêque de Paris, né dans une famille de Juifs polonais. Lustiger a été sauvé par des paysans français lors de la déportation nazie, sa mère et sa sœur ont été tués à Auschiwitz, le père a survécu. Le jeune Lustiger s'est converti au catholicisme. Lors d'un congrès, je lui ai demandé dans quelle langue il préférait s'exprimer. Il a répondu: "Je peux parler en yiddish". J'ai fermé les yeux et je l'ai écouté, et si je n'avais pas su que c'était un catholique, j'autrais tranquillement dit que c'étaient les paroles d'un Juif".
- Luzzatto, jusqu'à présent, vous n'avez pas été invité, mais si vous pouviez porter à l'attention du pape un thème, de quoi parleriez vous?
- Pas un, mais deux thèmes. Tout d'abord, ce qui est commun entre les traditions religieuses du catholicisme et du judaïsme. Deuxièmement, comment et quand le christianisme s'est développé à partir de sa tradition juive. "
- Je vous demande pardon, mais pourquoi poseriez-vous au pape ces deux questions?
- Pour comprendre, calmement, ce qui unit et ce qui nous divise.
Massimiliano Melilli
