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La joie de croire

... et la divine surprise de la biographie de Benoît XVI que les lecteurs francophones attendaient: celle de Chantal et Paul Colonge. Compte-rendu de lecture. (31/5/2011)

-> Voir ici:
Benoît XVI, la joie de croire

Depuis que Benoît XVI a été élu Pape, peu d'ouvrages en français ont été publiés sur lui.
Des "saletés" (comment dire autrement?) médiocrissimes, motivées par la haine militante - comme "Erratum XVI", de triste mémoire; des livres de circonstance écrits à la hâte au moment de l'élection, et pour la plupart sans intérêt; des ouvrages spécialisés comme par exemple "Benoît XVI et l'islam" (Vincent Aucante) ou le remarquable "Le christ donne tout" de Pascal Ide; des livres prétendant faire un bilan après les débuts du Pontificat, davantage destinés à faire briller leurs auteurs, et à faire passer leurs idées sur ce qu'ils estiment les insuffisances de Benoît XVI!
Beaucoup de ces livres ont été évoqués à un endroit ou un autre de ce site.
A tout cela, il manquait une vraie biographie. Un travail à la fois synthétique et exhaustif (ce n'est pas contradictoire, la preuve ici!), écrit avec rigueur scientifique mais de lecture agréable, par un vrai spécialiste, et, ce qui est indispensable dans ce cas, germaniste.
La lacune est désormais comblée avec cet énorme livre de près de 750 pages, signé (ce qui me plaît infiniment!) par un couple d'universitaires, Chantal et Paul Colonge (j'ai tout de suite pensé à Paul et Pierrette Girault de Coursac, et à leurs travaux sur Louis XVI). Tous deux linguistes distingués. Lui, agrégé d'allemand, est spécialiste de l'Allemagne, elle de théologie (et agrégée d'espagnol). Le mariage (si j'ose dire) idéal.
Ils ont écrit le livre que je rêvais de lire, et que j'aurais aimé écrire.

Les auteurs préviennent dans l'avant-propos que "ce livre s'adresse à un public cultivé qui s'intéresse au Pape et à l'Eglise".
Mais cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'un ennuyeux ouvrage de théologie qui assomme le non-spécialiste sous le poids d'une érudition desséchée.
Je dirais qu'au contraire, le livre, qui se lit avec passion, pas forcément de façon linéaire, se nourrit de la riche et attachante personnalité de Joseph Ratzinger.
Ce parti-pris explique que la partie biographique est très développée, émaillée d'anecdotes charmantes (en particulier dans le chapitre 'une enfance bavaroise', qui nous fait retrouver un enfant curieux, surdoué, extrêmement gentil et bon camarade, dans une famille unie par une grande affection) dont certaines inconnues de moi (là, il faut le faire!): c'est que les auteurs sont allés enquêter sur place, faisant à peu près le même "pélerinage" que moi en 2005 et en 2006... à la différence de taille qu'ils ont pu s'entretenir avec des amis de Joseph Ratzinger, et surtout avec son frère.

Par la richesse de son contenu, fruit d'un vrai travail de recherche scientifique, le livre me fait un peu penser à un tableau de Canaletto, dont chaque parcelle est un mini-tableau.
Ici, chaque chapitre ferait un livre de dimensions très convenable: "Une enfance bavaroise", donc, mais aussi, "Joseph Ratzinger et le Concile", "Joseph Ratzinger et Hans Küng", et ainsi de suite.

Il examine successivement "sa guerre" (avec la prétendue rencontre avec Gûnther Grass telle que celui-ci l'a racontée dans "Pelures d'oignons" mais d'après Georg Ratzinger, il s'agit d'inventions), les années à Freising (un jeune homme beau et sûrement séduisant, supérieurement doué), à Bonn, à Munster, le Concile, le passage à Tubingen, les relations (très compliquées et pas si amicales!) avec Küng - là aussi, on apprend pas mal de choses -, "68", Ratisbonne, les années à Rome comme préfet de la CDF, puis l'"explosion" d'Avril 2005.

Entre-temps, il y a un chapitre assez mystérieux, sur un épisode pour moi totalement inconnu, intitulé "Joseph Ratzinger et l'énigme de la Communauté catholique intégrée" (en allemand "Katolische Integrierte Gemeinde", site internet ici: http://www.kig-online.de/web/kig , mais hélas, je ne lis pas l'allemand). Faute d'avoir pu faire des recherches personnelles, il m'est difficile d'en dire plus, sinon que la KIG a été plutôt mal perçue par Peter Seewald.
Mais il me semble que cette relation "énigmatique" s'inscrit dans la curiosité intellectuelle (je dirais: "expérimentale") et la sympathie naturelle du théologien qui considère l'Eglise comme un corps vivant, donc en évolution, et s'intéresse beaucoup aux "nouvelles communautés" ecclésiales, c'est-à-dire aux formes imprévues que pourrait prendre l'Eglise de demain. Je ne peux en dire plus, faute de connaissances.

Un chapitre conséquent est consacré aux voyages apostoliques, jusqu'aux Etats-Unis (avril 2008) inclus, recensant minutieusement les rencontres, les discours, les homélies.

La dernière partie s'intéresse plus spécialement aux écrits du Pape (après l'élection, c'est-à-dire Jésus de Nazareth-I, et les encycliques), à sa pensée, sur des sujets multiples: l'Europe, la liturgie, le prêtre, le théologien, les relations avec les medias, etc...
J'ai particulièrement aimé le chapître très original consacré aux "lectures de Joseph Ratzinger". Que connaît cet immense intellectuel et linguiste sur-doué (qui lit de préférence en VO) des littératures françaises, anglaise, russes, espagnoles, italiennes... et évidemment allemandes?

Un bref excursus non moins original s'intéresse au style du Pape (page 493) et c'est particulièrement bien vu, pour ce que j'ai pu en percevoir, comme non-germaniste (hélas!):

Le succès des oeuvres de Joseph Ratzinger est dû évidemment à la solidité de la pensée, mais aussi à leur valeur littéraire : clarté de l'expression, images souvent très personnelles, musicalité de la phrase. Son style se caractérise par des phrases généralement courtes - surtout pour un intellectuel allemand! - par un emploi restreint de mots d'origine étrangère - il veut être compris par le plus grand nombre possible de lecteurs. En revanche, il recourt fréquemment à deux particularités de la syntaxe allemande: l'infinitif substantivé, souvent de sa propre composition (ndlr: cela, je l'ai souvent remarqué!), et la proposition qualificative (l'épithète, adjectif ou participe, est précédé de ses compléments, le nom qualifié se trouvant ainsi séparé de son déterminatif par tout un groupe de mots - ndlr: n'étant pas germaniste, je n'ai pas d'exemples). Prudemment, ou humblement, il a tendance, en particulier dans ses réponses à des interviews, à user de formules du type « Ich glaube » (je crois), « meiner Meinung nach » (à mon avis), « sozusagen » (pour ainsi dire - ndlr: il dit aussi souvent en italien "per cosi dire")).
Son style écrit correspond bien à ce qu'est - et à ce qu'était déjà il y a des décennies - le style oral de ses cours, qui faisait l'admiration de ses étudiants.

Le livre s'achève sur une précieuse bibliographie (pas simple à établir) du prolifique auteur Joseph Ratzinger.

Il y aurait tant d'autres choses à dire, et pratiquement pas de critiques à formuler! (ah si! il n'y a aucune photo: mais je suppose que c'est une question de coût... et les photos, on peut les trouver sur Internet!)
Comme on ne parle bien que de ce qu'on aime (c'est du moins mon avis) on n'est pas surpris d'apprendre que les deux auteurs, même s'ils se défendent de toute "papolâtrie" ("Notre sympathie pour l'homme et toutes ses qualités humaines et intellectuelles - disent-ils, et je le regrette un peu, mais c'est sans doute une façon de désamorcer les critiques - n'implique pas obligatoirement une adhésion à toutes ses positions; nous évitons le style hagiographique...") ont accueilli avec une grande joie l'élection de Benoît XVI, qu'ils admirent manifestement et qu'ils considèrent comme un être supérieurement doué et en même temps d'une grande bonté et d'une grande humanité.
Ils font d'ailleurs cette confidence dans la préface:

"... nous avons eu la chance de faire sa connaissance dans le cadre du jumelage entre les universités de Lille et de Mùnster, où il enseignait alors. Le professeur Ratzinger nous avait frappés par son intelligence, sa gentillesse, sa simplicité. Sa qualité d'expert au concile lui valait déjà une grande notoriété. En tant que germaniste, je m'étais entretenu avec lui, et j'avais éprouvé beaucoup de sympathie à son égard. Son élection au trône de Pierre fut donc pour nous source de joie. A cette occasion, je me permis de lui écrire; quelques semaines plus tard, il me remerciait de lui avoir remis en mémoire ce beau souvenir de sa visite à Lille, et de notre intention de lui consacrer un livre. Par le méme courrier, il nous adressait un état très complet de ses écrits".

Au final, une biographie magnifique, et un grand plaisir de lecture, à conserver en livre de chevet, à consulter pour ses multiples références. Un livre qui s'adresse certes à un public informé ("cultivé"), mais qui peut trouver un public assez large, compte tenu de la richesse et de la variété de son contenu.
Ce qui serait bien, c'est qu'il soit lu aussi par des gens qui, tout en s'intéressant à l'Eglise, ne connaissent pas Benoît XVI, et par des gens qui ont des préjugés contre lui.
Je les défie d'arriver au terme de leur lecture sans l'aimer.

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