La lettre de Jeannine - 9 juin 2011
Impressions du voyage en Croatie... (9/6/2011)
-> Voir ici: La lettre de Jeannine - 7 juin 2011
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Chère Béatrice,
Bonjour de nouveau et cette fois pour vous dire combien j'ai aimé ce voyage bref mais si intense. J'ai été agréablement surprise de trouver notre Pape en aussi bonne forme car, au fond de moi, je craignais qu'il ne soit fatigué.
L'accueil le 4 juin a été un peu perturbé suite au léger retard pour le départ et à une arrivée avec un quart d'heure d'avance.
Les salutations ont eu lieu avant les discours, à l'inverse du protocole habituel, pour moi des bricoles. Ce qui était important c'était notre Saint-Père très souriant accueilli par des enfants en costume du pays. Il les a écoutés, s'est attardé auprès d'eux, puis a continué le chemin accompagné par le Président croate. Il n'a pas omis de saluer en croate les soldats passés en revue. Sous la tente qui l'abritait, Benoît XVI avait un petit sourire; il a été salué par les délégations, les autorités et il était facile de percevoir que la visite se passerait bien. Notre Saint-Père comprend les Croates, aussi bien leurs attentes que leurs hésitations, leurs craintes dans cette période charnière pour l'histoire de leur pays. Le tout est exposé avec clarté, précision, sans faire l'impasse sur les points qui créent des crispations. Il est en visite pastorale mais la politique se mêle obligatoirement à la rencontre. Il sait trouver les mots qui rassurent pour ceux qui veulent bien l'écouter sans a priori. A la fin des discours Benoît XVI est très souriant, il traverse la haie de Croates en costumes traditionnels et rejoint sa voiture pour la suite de ses rendez-vous à honorer.
Le même jour il y a la rencontre avec le corps diplomatique, les responsables religieux et les représentants de la société civile. Cet entretien a lieu dans le cadre prestigieux du grand Théâtre de Zagreb et conscients de l'amour de la musique qui habite le Saint-Père, les organisateurs ont prévu deux intermèdes musicaux; j'ai apprécié les deux violonistes et Benoît XVI ravi, heureux, souriant, applaudit. Il est tout en blanc avec une très belle croix pectorale et sa silhouette ressort sur le décor bleu de la scène; toujours la même sobriété dans sa tenue C'est le Président de la Conférence Episcopale croate qui prononce le mot d'accueil, et le Pape lui donne l'accolade A la fin du discours du Pape la salle, debout, manifeste sa satisfaction par des applaudissements fort longs. Debout, les mains jointes, les yeux baissés, le visage rayonnant, Benoît XVI ne sait où se mettre tant il est gêné par tant d'enthousiasme. Il salue certaines personnalités présentes et l'on retrouve le pasteur attentif, souriant qui d'un simple clignement des paupières, d'un léger hochement de tête, sait montrer sans longs discours qu'il est bien présent à celui qui lui parle. J'ai bien aimé le grand religieux âgé qui a plaisanté avec le Pape. Après avoir donné sa bénédiction Benoît quitte le grand théâtre.
Entre parenthèses c'est la première fois que je constate la présence si proche de l'organisateur des voyages du Saint-Père, presque à côté de lui. Mgr G. Gänswein est toujours aussi bel homme mais il a perdu le visage presque gamin de ses premières apparitions avec le cardinal Ratzinger en avril 2005, avant on le voyait peu. Les mains de Benoît XVI ont dégonflé, elles ont gagné en finesse, son anneau tourne trop facilement et il doit le remettre en place. Il est habillé plus long ce qui est plus joli; avant ses soutanes étaient parfois un peu courtes mais cet amincissement m'inquiète d'autant plus que le docteur est omniprésent à ses côtés. Il est vrai qu'il est bien plus jeune que son prédécesseur et peut ainsi assurer une présence plus importante. Si je veux être honnête je cherche toutes sortes de bonnes raisons pour me rassurer.
La fin du 4 juin se profile et va atteindre son point d'orgue avec la veillée de prière sur la place Ban Josip Jelacic de Zagreb.
Benoît XVI arrive au milieu d'une foule de jeunes qui l'attend avec joie, impatience, grand nombre de drapeaux, foulards jaunes et blancs, une ambiance très JMJ. Benoît XVI arrive dans la papamobile et dès sa descente un cadeau lui est offert. D'après ce que j'ai pu apercevoir je pense qu'il s'agit d'une maquette. Il est très souriant, il a son sourire heureux qui illumine son visage reposé. Toute cette affection, cette confiance manifestées sont une cure de jouvence, une grande bouffée d'oxygène pour celui qui choisit soigneusement ses visites et les fait coïncider avec un évènement pour l'Eglise et pour les populations visitées. Certains jeunes ont dit qu'ils venaient pour l'entendre, c'est la marque de ce pontificat et de ce pape qui est l'humilité même. Rien n'est pour lui, que sa parole soit accueillie le remplit de satisfaction car, à travers elle, c'est Dieu qui est reçu et qui frappe à la porte des cœurs des jeunes. On retrouve la rituelle prise de parole des jeunes, notre Pape, lunettes sur le nez, écoute attentivement, sourit et applaudit. Il se lève et demande que les deux jeunes s'approchent, échange paternel avec notre Benoît.
Le temps orageux avec pluies violentes crée des problèmes techniques. Sourire aux lèvres le Saint-Père attend patiemment d'avoir un micro qui fonctionne, le tout dans la bonne humeur. Il est souvent très applaudi pendant son discours et il garde son visage si doux. Pour ce que j'appelle la prière universelle on entend une fort belle chorale. La nuit vient doucement et il fait entrer les jeunes dans un long temps d'adoration où le silence règne : 50000 jeunes priant dans cette nuit qui s'installe; comment obtenir cela sinon en donnant soi-même l'exemple d'une profonde intériorité, d'un long cœur à cœur avec Jésus et sans aucune mise en scène destinée à conditionner les fidèles. Voilà ce que j'appelle une magnifique réussite. Il ne varie pas, aux premières JMJ de Cologne il avait amené les jeunes à la même intériorisation à Marienfeld. Un rosaire est offert par le Pape à la Vierge. La nuit est tombée, le ciel bleu nuit, les maisons roses, les lumières de la ville, le cadre est féerique et Benoît XVI s'en va.
Nous sommes au jour du Seigneur, le dimanche 5 juin, à l'hippodrome de Zagreb transformé en bourbier (dixit KTO) par les orages violents qui ont perturbés la nuit mais, grâce à Dieu, il ne pleut plus et ceux qui sont venus très tôt, de loin, ne se sont pas découragés et sont restés; c'est une foule immense, dans une ambiance très joyeuse, très familiale, très priante qui attend Benoît XVI qui arrive dans la papamobile sous les vivats et les applaudissements. C'est le premier rassemblement pour la famille en Croatie. La famille est en crise, de quoi vous faire sourire si vous pensez à la famille française. En Croatie cela crée une inquiétude, en France si vous en parlez on vous traite de ringard. Dans la longue procession d'entrée on note divers évêques de rites orientaux et de rite latin, toutes ces silhouettes blanches, crème, forment une grande vague ; impressionnant. Après un long mot de bienvenue du cardinal croate de Zagreb qui reçoit en cadeau une chasuble, la célébration commence. La longue homélie du Pape est axée sur la famille, sur son importance pour la société et pour l'Eglise car elle est le vecteur indispensable pour transmettre la foi et tous les gestes qui entourent l'enfant et lui apprennent petit à petit à connaître Dieu et à l'aimer. La longue procession pour l'offertoire s'avance vers le Pape et là, il redevient le père souriant qui accueille, écoute, bénit et prend du temps; nulle précipitation, les gestes sont infiniment doux. Pendant la communion donnée par lui, il signe une petite fille qui est dans les bras de sa mère à qui il vient de donner l'hostie. J'ai remarqué les très jolies voix de deux jeunes femmes qui chantaient ensemble. Avant de quitter le lieu de la célébration Benoît XVI récite la prière de l'Angelus et s'adresse à tous les pays qui étaient présents; geste très apprécié et salué par des applaudissements nourris. Un cadeau a été remis par une famille avec deux enfants au Saint-Père qui a embrassé les deux fillettes.
Que les célébrations soient océaniques ou plus restreintes, elles ont toutes un dénominateur commun : admirablement organisées, soigneusement préparées, elles sont empreintes de cette sérénité qui habite le cœur pacifié de l'officiant. J'admire et j'envie notre pape pour sa tranquille assurance. Il n'est pas naïf, le questionnement ne doit pas l'épargner mais il avance au large avec le Christ pour unique guide. Comment ne pas repenser à Valence (Espagne) avec Benoît XVI présent dans une atmosphère joyeuse, avec une pluie de roses . Les medias avaient imaginé le scénario catastrophe avec un Pape n'ayant que des condamnations aux lèvres; raté, pas de morale, pas de réprimandes omniprésentes mais au contraire un pasteur très humain qui avait vanté la beauté de l'amour dans le couple et la valeur que représentait la famille. Il ne demande rien d'extraordinaire mais ce minimum est insupportable pour notre société qui n'accepte aucune contrainte, aucun interdit.
Fin du voyage avec, dans la cathédrale de Zagreb, la célébration de l'office des Vêpres. Benoît XVI, tout en blanc, souriant, visage reposé, est fort applaudi en rentrant dans la cathédrale où l'attente est fiévreuse pour deux raisons je pense : la présence du Pape et la chaleur étouffante qui doit régner à en juger par les livrets qui servent d'éventail. Les religieuses, tout sourire, guettent le retour du Pape qui est allé revêtir sa tenue pour célébrer; lorsqu'il apparaît les appareils photos crépitent. Il gagne sa place et suit les propos du cardinal-évêque dans un livret. Bien évidemment il n'échappe pas à l'évocation de son 60è anniversaire de sacerdoce, il sourit et est très applaudi. Il reçoit un très beau cadeau : le visage de Marie de la Porte de Pierre et offre en retour le traditionnel calice. Sous les très beaux ornements je pense que notre Saint-Père doit peiner car il est sensible à la chaleur, il n'est pas d'ailleurs le seul et pendant son long discours (il m'a semblé tel) l'assemblée paraissait donner des signes d'inconfort. Les applaudissements longs, intenses, qui éclatent à la fin de sa prise de parole sont plus éloquents que des paroles.
Les visages sont radieux et Benoît XVI, une fois de plus, reçoit toutes ces manifestations de joie avec une gêne réelle. Mgr Marini lui même sourit devant tant de chaleur, d'enthousiasme.Le Saint-Père se rend dans la cathédrale pour prier devant la tombe du cardinal Stepinac et Thomas Wallut signale le silence qui règne pendant sa prière. J'aime cette silhouette agenouillée, dans une pose fort dépouillée et dont seules les lèvres remuent pour une prière muette mais combien profonde. Comment arriver à s'extraire de la présence de ces photographes toujours présents, de tous ceux qui l'entourent?
Il n'y aura pas de cérémonie de départ car l'orage éclate et Benoît XVI quittera la Croatie avec du retard. Les autorités ont été présentes à toutes les rencontres, pas de délégation à des tiers pour les remplacer. Certes les médias internationaux n'ont pas manqué de pointer du doigt la morale du Pape et son appel vibrant pour la famille. La sienne a été fondatrice ; sa vocation n'a pas été due à une brusque illumination mais depuis sa naissance il a vécu dans un climat de foi, de bonté, de pratique religieuse. Ce qui aurait pu paraître contrainte pour un enfant a été un cocon dans lequel ses facultés d'intelligence, de jugement, ont pu se développer et créer ainsi les conditions propices afin que son discernement lui permette de reconnaître ce qu'il devait faire de sa vie. J'ai entendu il y a peu de temps une grand-mère de famille recomposée me dire : "si on veut avoir la mère on prend aussi les enfants", j'ai cru avoir mal compris, non, car en quelque sorte on achetait un lot et cela m'a paru plus que léger. Ce n'est pas l'article de F. Mounier sur la pratique religieuse dans le diocèse de Rome qui va donner tort au "pessimisme" de Benoît XVI. Les chiffres cités dans leur rigueur implacable me font froid dans le dos.
Jeannine