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De quelles poubelles parle-t-on?

Mon ami François H. répond à un billet polémique et extrêmement agressif posté sur un blog de La Croix. (7/10/2011)

A lire, pour comprendre:
-> La "Lettre à Mgr Rouet" de François H, en juillet 2010 (http://benoit-et-moi.fr/ete2010/ )
->
A propos de Mgr Nourrichard, un article de Jean Mercier, dans La Vie, que je trouve assez équilibré (on ne m'accusera de puiser mes informations dans les "poubelles du web"!!): Jacquerie catholique à Tiberville.

Et aussi:
-> "A propos du blog d'Isabelle de Gaulmyn" (http://benoit-et-moi.fr/2010-III/)



De quelles poubelles parle-t-on

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Dans un article (http://tinyurl.com/444455t ) mis en ligne le 28 septembre 2011 sur son blogue, Isabelle de Gaulmyn, journaliste du quotidien La Croix, déplorait l’existence de « poubelles » sur la toile :
Ces poubelles sont partout, mais l’Eglise de France en fait, depuis quelques mois l’amère expérience.
En effet, dit-elle,

Des bords extrêmes de l’Eglise, se sont installés, sur la toile, des sites qui ont pignon sur rue, et n’hésitent pas à répandre rumeurs, injures, attaques personnelles contre les responsables d’Eglise dont le « positionnement » ne leur revient pas.

On peut noter aussitôt que, tandis que ces sites qui ont « pignon sur rue » ne sont pas nommés, la journaliste parle bien au pluriel des « bords extrêmes ».
Si Madame de Gaulmyn en restait là, on ne pourrait qu’acquiescer. Il n’est que trop vrai que Golias ou la CCBF d’une part, les sédévacantistes de Virgo Maria d’autre part, se répandent effectivement en injures et en calomnies difficilement tolérables. On pourrait de même signaler la prolifération assez inquiétante des vidéos sédévacantistes sur le « youtube catholique » qu’est GloriaTV. De ce point de vue, Isabelle de Gaulmyn n’a pas tort de dire que la toile « favorise les extrêmes » : il est probable que les ultramodernistes de Golias ou les sédévacantistes de Virgo Maria aient une présence sur la toile inversement proportionnelle au nombre de leurs partisans.
Il me semble cependant, à la lecture de son article, que ce n’est pas à ce type de sites que songe Madame de Gaulmyn. En effet, voici quels sont les exemples qu’elle donne pour illustrer son propos :

C’est ainsi que l’évêque d’Evreux, Mgr Christian Nourrichard, pour l’affaire de Thiberville a fait l’objet d’une campagne de calomnie l’an dernier. Que le nouvel évêque de Rodez, Mgr François Fonlupt, à peine nommé par Benoît XVI, a été la cible des critiques et dénonciations, sur ces mêmes sites. Et qu’enfin la succession du très emblématique archevêque de Poitiers, Mgr Albert Rouet, donne lieu, depuis des mois, à des suppositions, des bruits de couloirs, sur la toile, dans un climat alourdi par l’arrivé de l’institut du Bon Pasteur, communauté traditionaliste.

On pourrait noter tout d’abord qu’on ne voit pas précisément en quoi Mgr Nourrichard a fait l’objet d’une « campagne de calomnie », les faits qui lui sont reprochés en plus de la singulière affaire de Thiberville, notamment l’interdiction de la communion sur les lèvres au nom de la prévention de l’épidémie de grippe A, la publication dans la semaine diocésaine d’Evreux de propos doctrinalement douteux ou la participation en habit liturgique à des ordinations anglicanes féminines étant parfaitement avérés. Que ses détracteurs aient adopté un ton fort virulent à son encontre ne suffit pas à faire d’eux des calomniateurs, la calomnie étant, si j’en crois le dictionnaire, une accusation mensongère. Peut-être Madame de Gaulmyn estime-t-elle irréprochable la conduite de Mgr Nourrichard, mais elle ne devrait pas désigner comme des calomnies ce qui n’est finalement qu’un relevé de faits aisément vérifiables.
De même, dans le cas de Mgr Fonlupt, si l’on peut déplorer le caractère parfois hâtif et immodéré des jugements formulés, il semble également que les faits qui lui sont reprochés, c’est-à-dire une pratique liturgique pour ainsi dire assez libre et l’usage régulier d’absolutions collectives, peuvent être sereinement critiqués en tant qu’ils sont contraires à ce que veut l’Eglise.
La succession du « très emblématique archevêque de Poitiers », Mgr Rouet, donne en effet lieu à un certain nombre de spéculations et de conjectures dont on peut discuter l’utilité ; mais encore faudrait-il rappeler que ce type d’analyses n’est le propre d’aucun « bord » particulier de l’Eglise, mais plutôt d’un certain journalisme religieux dont relève une bonne part des « vaticanistes » s’interrogeant sur telle ou telle nomination. Madame de Gaulmyn relevant elle-même le caractère « emblématique » du diocèse de Poitiers, il n’est pas très étonnant de constater que son avenir suscite un certain nombre d’interrogations et de spéculations. La journaliste mentionne enfin « climat alourdi par l’arrivée du Bon Pasteur, une communauté traditionaliste », comme si l’établissement dans le diocèse de Poitiers de l’abbé Philippe Laguérie, supérieur général d’un institut de droit pontifical, devait être regardé comme la preuve des menées des sites extrémistes dénoncés et de la perversité de leurs « méthodes », ce qui est tout de même assez curieux.

Isabelle de Gaulmyn annonçait à ses lecteurs une critique des « bords extrêmes » de l’Eglise. La lecture de son article rend clair qu’il n’en est rien. Il ne s’agit pas de dénoncer les « bords extrêmes », mais de s’en prendre plutôt à ceux que l’abbé Claude Barthe, dans son carnet "Les oppositions romaines au Pape", appelait les « restaurationnistes », c’est-à-dire aux catholiques qui espèrent une réforme dans le sens traditionnel du terme, identifiés assez hâtivement à la Sapinière du temps de la crise moderniste. Ces catholiques ont pour la plupart salué l’avènement de Benoît XVI, qui dénonçait encore lors de son dernier voyage en Allemagne l’excès des structures inutiles et le caractère mondain de larges pans de l’Eglise.
Je tiens à préciser qu’il ne s’agit aucunement pour moi de nier d’éventuels excès verbaux commis par ces « restaurationnistes ». Nous manquons tous de charité, et nous avons tous besoin de nous convertir sans cesse. Mais d’une part, la charité ne nous demande aucunement de garder le silence sur les erreurs les plus manifestes, surtout lorsque ces erreurs sont publiques et graves, d’autre part on ne peut que s’étonner une fois encore de constater que ces « poubelles » des « bords extrêmes » de l’Eglise semblent le fait de cette seule « Sapinière ». Nulle part il n’est fait mention des attaques répétées contre la foi catholique et l’Eglise romaine que l’on peut trouver sur des sites dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne sont pas « intégristes ». Je me contenterai ici de mentionner Madame Christine Pedotti, qui a jugé opportun, il y a quelque temps, de publier sur le site des « Baptisés de France » un article sur le « genre » si plein de respect pour l’Eglise, le Magistère et même tout simplement de la seule Ecriture sainte, qu’il se passe pour ainsi dire de commentaire.

Cependant, puisque les poubelles sont « partout », comme le dit Isabelle de Gaulmyn, peut-être conviendrait-il d’examiner également les articles et commentaires que l’on peut trouver au détour de son blogue : peut-être la Sapinière y aurait-elle répandu ses calomnies.
Sous l’article « Discussion ou schisme » du 18 septembre, un habitué du blogue déclare en toute tranquillité :

Vous savez bien comment ça fonctionne, les princes qui gouvernent l’Eglise au Vatican décrètent puis imposent leurs décrets aux fidèles en leur disant qu’ils sont dictés par le Saint-Esprit. Parole de pape infaillible.

Voilà qui n’est certes pas de l’intégrisme. Un autre internaute déclare, sous le même article :

la révolution spirituelle est en marche dans l’Eglise
le laïc est l’avenir de l’Eglise

Ce qui, on en conviendra, ne semble pas témoigner d’une excessive bienveillance à l’endroit des « responsables de l’Eglise catholique », et en tout premier lieu du Pontife romain : à moins que par « responsables de l’Eglise catholique », on n’entende les fameux « laïcs engagés ».
Que l’on me pardonne de faire référence à des écrits déjà vieux de quelques années, mais voici ce que l’on peut trouver sous un article qu’écrivait le 5 mars 2008 Madame de Gaulmyn (http://tinyurl.com/3swz9fe ):

Je suis en colère ! A quelle époque l’Eglise catholique veut-elle revenir ? Il n'a pas suffit que Le Pape promette des indulgences à ceux qui feront pèlerinage à Lourdes cette année (une raison qui m'ôte le désir d'y aller), il faut maintenant que, pour célébrer le quarantième anniversaire de la mort de Padre Pio, Mgr d'Ambrosio, avec la bénédiction du Vatican, fasse ouvrir le cercueil du défunt pour constater que les mains du saint semblent sortir d'une séance de manucure ... Qu’on le laisse reposer en paix après l’avoir canonisé.
Je veux bien accepter que la foule des croyants présents applaudisse longuement, ce n'est pas à eux que j'en veux, mais aux autorités ecclésiastiques qui utilisent
la foi simple et naïve de gens peut-être pas très cultivés pour leur faire croire que ces faits "surnaturels" sont "preuves" de l'existence de Dieu. Nous ne sommes pas encore remis de notre enfance pieuse, baignée dans la vénération des Padre Pio, de Marguerite Marie Alacoque, de Maria Goretti, modèle pour les petites filles, et beaucoup d’autres, tous certainement très respectables mais largement utilisés pour influencer les personnes candides et impressionnables et les enfermer dans une religiosité ou l’émotion prend toute la place. Comment pouvons-nous accepter que l'Eglise-institution renoue aujourd'hui avec ces pratiques dignes d'autres siècles en espérant sans doute rameuter des fidèles : elle va surtout en faire fuir de nombreux.

Si je cite entièrement ce pénible commentaire, c’est parce qu’il est de fait extrêmement insultant, d’une part pour ceux qui croient aux miracles, évidemment « candides », « impressionnables » et « pas très cultivés », d’autre part pour les autorités ecclésiastiques, accusées de manipuler les fidèles, et, plus grave encore, ne dissimule guère son mépris pour un saint de l’Eglise.
De tels commentaires relèvent-ils, oui ou non, des « poubelles d’internet » ?

Ces propos sont déjà regrettables lorsqu’ils sont le fait d’internautes de passage. Mais on pourrait encore leur accorder qu’ils ont été écrits à la hâte, qu’ils ne reflètent pas nécessairement la pensée de leurs auteurs. En revanche, certains passages des articles qui les ont inspirés ou du moins occasionnés laissent pour ainsi dire perplexe.

Le 20 juillet 2010, un article mis en ligne sur le blogue d’Isabelle de Gaulmyn mettait ainsi directement en cause la doctrine infaillible contenue dans Ordinatio sacerdotalis à propos de l’impossibilité pour l’Eglise de transmettre aux femmes l’ordre sacré.

Toute « tentative d’ordonner une femme » est qualifiée de «délit grave contre la foi ». De toute façon, le débat sur les femmes prêtres a été fermé, avant même qu’il puisse avoir lieu, lorsque Jean-Paul II a déclaré, en 1994, que le refus de l’Église catholique d’ordonner des femmes prêtres appartenait au « dépôt de la foi », c’est-à-dire à l’enseignement infaillible de cette Église, qui exige de la part des fidèles un « assentiment définitif ». Définitif ? Il y a cependant fort à parier qu’un jour, en 2167 par exemple, un texte du pape d’alors décrétera que « selon une longue tradition… nous estimons devoir appeler au presbytérat des fidèles de l’un et l’autre sexe (http://tinyurl.com/3f3susc)».

On m’accusera de pratiquer ici des « dénonciations » et d’accroître encore le volume des « poubelles d’internet ». Mais il me semble que les propos cités sont parfaitement publics ; mieux, ils ont été écrits précisément afin d’être diffusés aussi largement que possible. En remarquant leur opposition explicite à l’enseignement de l’Eglise, on ne fait donc que relever un fait objectif, le texte en question n’autorisant aucune autre interprétation.
Réagir à de tels propos semble s’imposer d’autant plus qu’ils ne sont pas isolés, comme le montre un article publié le 20 janvier 2011 pour rendre compte d’un article rédigé pour la revue Etudes par le P. Joseph Moingt SJ.

Ce toujours stimulant jésuite de 95 ans n’a pas de mots assez forts pour critiquer le traitement inégalitaire réservé aux femmes dans l’Eglise, il estime que le règlement de la question ne passe surtout pas par les femmes… mais par une profonde réorientation de l’Eglise toute entière.
Le problème n’est pas
, écrit-il, de donner plus de pouvoir aux femmes. Car reconnaître la possibilité à certaines de devenir prêtres ne ferait qu’étendre le domaine du sacré, et donc de conforter le lien entre pouvoir et sacré. Or c’est ce lien là, aujourd’hui lié au sexe mâle, qu’il faut, selon lui, parvenir à dénouer dans l’Eglise catholique. Ce qui passe par une profonde révolution, en instaurant, à l’intérieur des communautés chrétiennes, la liberté, l’égalité, la parité (http://tinyurl.com/4xvmgxe ) …

La journaliste donne ici l’impression de ne renoncer à la revendication à peine voilée du sacerdoce des femmes que pour se faire l’écho d’une contestation plus radicale encore de l’enseignement de l’Eglise. Madame de Gaulmyn parle elle-même d’une « profonde révolution ». En effet, de quoi s’agit-il ? De combattre le « sacré », et plus profondément la religion elle-même :

On retrouve la distinction que fait le théologien jésuite entre une religion orientée vers le sacré, et une foi chrétienne, qui se veut au contraire un appel à la liberté.

N’étant pas abonné à la revue Etudes, je n’ai pu lire l’article du P. Moingt, dont la pensée est certainement plus complexe que le résumé qui en est fait par Isabelle de Gaulmyn. Mais il me semble qu’il est possible d’examiner le texte du blogue en lui-même, et la publicité qu’il donne à des idées qui, telles qu’elles sont présentées, apparaissent comme clairement incompatibles avec l’enseignement le plus constant de l’Eglise. En effet, l’Eglise n’a jamais cessé d’exalter le sacerdoce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, « Prêtre à jamais, selon l’ordre de Melchisédech », comme nous l’enseignent le psaume 110 et l’Epître aux Hébreux ; elle n’a jamais cessé, fidèle à saint Paul, de transmettre le trésor qu’elle a reçu avec l’Evangile, c’est-à-dire le saint sacrifice de la messe et tous les sacrements qui nous communiquent la grâce. L’Eglise du Christ n’a jamais opposé à la vertu de religion la foi surnaturelle ; jamais elle n’a fait preuve de cet « amour des antinomies » qui, selon Jacques Maritain, caractérise la pensée moderne.
Ici, les choses sont claires, ou plutôt, seraient claires si elles n’étaient fort embrouillées par cet « amour des antinomies ». Il s’agit d’opérer une « profonde révolution » dans l’Eglise, de dresser la « liberté » contre le « sacré », la foi contre la religion, comme si ne se trouvait pas au cœur de notre foi le sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire un geste sacré, un geste religieux, rendu sacramentellement présent sur nos autels, comme le dit si bien Paul VI dans le Credo du Peuple de Dieu. Ainsi, cet article éclaire singulièrement le texte où Madame de Gaulmyn affirmait qu’en 2167, les femmes recevraient l’ordre sacré. Ce que cet article remet en cause, ce n’est en fait pas seulement l’impossibilité d’ordonner des femmes, mais toute la théologie catholique du sacerdoce, qu’il s’agit bel et bien de révolutionner.
Les mots ont un sens, et le sens de celui-là est singulièrement violent. N’est-ce pas là rejoindre quelque « bord extrême » de l’Eglise ?
Peut-être Madame de Gaulmyn n’attaque-t-elle nommément aucun « responsable » de l’Eglise catholique ; elle se contente de s’en prendre subrepticement et peut-être même sans véritable malveillance, comme si de rien n’était, aux apôtres, aux Papes et aux saints contre lesquels Benoît XVI disait qu’il ne peut y avoir de vraie majorité. Peut-être s’agit-il simplement, dans son esprit, de nourrir le débat sur les grandes questions qui agitent aujourd’hui les catholiques. Mais, outre qu’il s’agit souvent de questions auxquelles le Magistère a déjà répondu, dans les termes les plus clairs, les articles mis en ligne sont souvent trop brefs pour mettre en œuvre une véritable argumentation. Ces articles, loin d’apaiser les controverses, semblent donc souvent plus propres à les raviver. Dès lors, comment s’étonner si les échanges sont fort vifs dans les commentaires, s’ils en viennent à atteindre les extrémités que déplore la journaliste ? N’est-ce pas, précisément, favoriser ou du moins occasionner le débordement des « poubelles » d’internet ?

Les poubelles sont « partout », annonce Isabelle de Gaulmyn au début de son article. Il faut croire qu’elle n’a pas tort.

François H., 7 octobre 2011


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