La mission de l'intellectuel catholique

"Rien n'est plus pernicieux pour un intellectuel catholique que le désir de rester bien avec le monde ". Carlota a traduit la très longue et très riche "lectio" prononcée par un jésuite argentin, le Père Alfredo Sáenz, recevant la distinction de Docteur Honoris Causa de l'Université Catholique de la Plata (1er/11/2012)

     

«Rien n’est plus pernicieux pour un intellectuel catholique que le désir de rester bien avec le monde »
C’est ce qu’a dit, entre autre, le Père Alfredo Sáenz, un jésuite argentin, qui a reçu récemment la distinction de Docteur Honoris Causa de l’Université Catholique de la Plata (UCALP – Argentine) comme personnalité significative de la culture catholique.
Durant la cérémonie le prêtre a prononcé une conférence remarquable sur « la mission de l’intellectuel catholique aujourd’hui » (vo ici) que j’ai traduite en entier plus bas. Le texte s’adresse bien sûr à un public argentin, il devrait pourtant être crié avec la même force en France aussi.

Luis F. Pérez, sur Infocatólica, nous donne quelques précisions sur ce religieux quasiment inconnu dans le monde francophone, et reprend quelques passages de la conférence.
(Carlota)

Le Père Alfredo Sáenz, S. J. (Buenos Ayres, 1932-), a rejoint à 17 ans à la Compagnie de Jésus et a obtenu une licence de philosophie à Buenos Ayres, et un doctorat de théologie, spécialité Écritures Saintes à l’Université Pontificale de Saint Anselme à Rome. Il a publié de nombreux livres et articles et s’est consacré à de nombreuses prédications lors de retraites et exercices spirituels. Il est actuellement professeur de Dogmes et de Patristique à la Faculté de Théologie de Saint Michel à Buenos Ayres.
Dans la conférence en question il assure que «l’intellectuel catholique devra connaître le mieux possible les différents courants philosophiques qui, partant de Descartes, ont culminé avec le marxisme et le Nouvel Ordre Mondial mondialiste. Mais il devra connaître beaucoup mieux la philosophie éternelle qui se concrétise magnifiquement dans la pensée de Saint Thomas. Ce sera peut-être le point de référence qui lui permettra de prononcer un jugement sur toute philosophie qui s’écarte du droit chemin vers l’être ».
« Le philosophe chrétien » affirme le religieux jésuite « ne peut être un simple spectateur du devenir philosophique, ni un individu qui flirte avec les philosophies en vogue » et il ajoute que «son travail ne consistera pas seulement à connaître les différentes philosophies, mais à les juger».
Pour le Père Sáenz «rien n’est plus pernicieux pour un intellectuel catholique que le désir de rester bien avec le monde, en diluant d’une manière inconsidérée la vérité, en tronquant la vérité même s’il le fait dans l’intention de la faire accepter »
«Plus encore», affirme le prêtre, « l’intellectuel catholique devra être disposé à affronter l’aversion ». Saint Augustin ce ciseleur de phrases immortelles l’a dit d’une manière incisive : « la vérité engendre la haine ».
Il est certain que le Christ par sa geste rédemptrice a été aimé comme personne ne l’a été dans l’histoire. Mais en même temps, en concentrant en lui, en l’incarnant, la plénitude de la vérité, - « Je suis la vérité », il a concentré aussi sur lui la haine du monde, de l’esprit du monde, qui l’a amené non seulement sur la croix mais qui continue à le persécuter jusqu’à la fin des siècles. Et non seulement Lui mais tous ceux qui affirment haut et fort la vérité, le monde Le persécute à travers eux. Le monde persécute ceux qui défendent la vérité parce qu’il les voit différents, et leur présence même constitue déjà une sorte de reproche implicite au monde ».

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À mon niveau, je reprends aussi le paragraphe suivant :

[…] Il semblerait qu’ait prévalu en beaucoup de milieux catholiques, une fausse ouverture au monde, au moyen de laquelle certains ont cherché à rendre « sympathique » la foi. Le catholique, au lieu d’éclairer les ténèbres de notre Patrie, renonçait à être lumière et se mettait dans le fourgon de queue d’un train qui paraissait courir à sa ruine. Le catholique au lieu de convertir le monde, s’ouvrait d’une manière indue au monde, non pour le sauver mais, si on me permet une expression dure, pour être sauvé par le monde, […]. Nous voudrions signaler aussi une fausse attitude de certains catholiques. Par désir de donner de la vitalité à la foi, désir louable, ils ont prétendu propager un catholicisme séparé de la doctrine. Ce qui importait c’était non tant la doctrine que la vie, ou comme l’on disait fréquemment « l’expérience ». Et c’est ainsi qu’ont été formés différents groupes de catholiques qui épuisaient leur activité en rencontres, échanges d’expériences, de manifestations de masse bruyantes sans approfondir leur foi .
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Les oeuvres du Père Sáenz ont été presque toutes publiées en Argentine mais la Fondation GRATIS DATE en a mis quelques unes à disposition (en vo) :
« Archétypes chrétiens » (http://www.gratisdate.org/nuevas/arquetipos/arquetipos-default.htm)
« La Chrétienté. Une réalité historique » (http://www.gratisdate.org/nuevas/cristiandad/cristiandad-default.htm)
« L’Apocalypse selon Leonardo Castellani » (http://www.gratisdate.org/nuevas/apocalipsis/apocalipsis-default.htm)
(Leonardo Castellani est aussi un religieux argentin 1899-1981).

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>>> Traduction complète de la Conférence: la-mission-de-lintellectuel-catholique.pdf [132 KB]