Une interview du Père Cantalamessa

Le franciscain, prédicateur de la Maison Pontificale, répond aux questions de « La Nación » un périodique argentin de "droite libérale". Traduction de Carlota (1/10/2012)

     

Précisions de Carlota

Raniero Cantalamessa: "Benoît XVI n’a pas peur de déclarer qu’il y a un air pollué dans l’Église”: Sous ce titre vient d’être publié un entretien sur le portail du journal argentin « La Nación », un périodique fondé il y a environ un siècle et demi. Dit de tendance plutôt de droite conservatrice, il a certes, depuis quelques décennies, la versatilité de notre - par exemple - Figaro, et suit les tendances gouvernementales et parlementaires argentines, dans lesquelles la liberté individuelle est surtout le meilleur allié des marchands mondialistes et démurges qui veulent transformer même au plus profond de leur intimité les êtres humains en consommateurs exclusifs, compulsifs et changeants (« mariages et divorces » des couples de même sexe, lutte pour la légalisation de l’avortement, etc.) Et bien sûr, là-bas comme ailleurs de virulents justiciers façon « indignados » madrilènes et tout aussi « poulets sans tête » qu’eux, sont de quelques utilités au Système. L’on citera notamment les manifestations violentes et habituelles depuis plusieurs années contre les cathédrales du pays par des groupes qui refusent que la morale catholique puisse s’exprimer librement (la dernière en date particulièrement spectaculaire à Posadas, capitale de la province des Missions, au nord-est du pays, tout près de l’Uruguay - 10 octobre 2012 - www.aciprensa.com/)
Les fidèles et clercs ont, eux aussi, été les victimes de la sécularisation et de la confusion des valeurs au sein même de l’Église catholique en Argentine, ce qui a évidemment entraîné des crispations du côté des plus traditionnalistes (qui là-bas comme ailleurs étaient utilement, pour leurs adversaires, rattachés à une orientation politique et à un passé plus ou moins récent présenté d’une manière manichéenne) qui y voient même une trahison dans un relativisme religieux à la limite du syncrétisme, sans parler de ceux qui parfois et malheureusement en arrivent à des positions sédévacantistes.

Cette longue digression pour dire que l’article qui suit présente peut-être ce que le journaliste veut et les lecteurs ont l’habitude d’entendre plus que la pensée stricto sensu du Père Raniero Cantalamessa qui est sans doute plus nuancée et complexe que ce qu’il paraît, tout comme l’enseignement de l’Évangile. C’est la difficulté de ce type d’entretien.
(Carlota, 31/10/2012)

     

Raniero Cantalamessa: "Benoît XVI n’a pas peur de déclarer qu’il y a un air pollué dans l’Église”
Par Mariano de Vedia du journal argentin « La Nación »
http://www.lanacion.com.ar/
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Beaucoup de catholiques, dans le monde entier, voudraient s’asseoir une fois à côté du Pape et l’écouter. Il n’y en a qu’un, le prêtre franciscain Raniero Cantalamessa, qui a le privilège inverse : c’est lui qui donne une conférence à Benoît XVI lui-même, qui l’écoute assis à côté de lui et entouré de quelques 70 cardinaux et évêques de la Curie romaine.

Depuis 1980, quand Jean-Paul II l’a nommé prédicateur de la Maison Pontificale, le Père Cantalamessa l'accomplit religieusement chaque vendredi des semaines d’avant la Semaine Sainte et Noël. « Je m’efforce de m’adapter aux problèmes que l’Église est en train de vivre » a dit le prêtre à « La Nación », en donnant des explications sur la mosaïque variée de thèmes qu’il aborde devant le Souverain Pontife. C’est ainsi que, face à un auditoire aussi distingué, dans la chapelle Redemptoris Mater du Vatican, il s’épanche sur des thèmes théologiques et pastoraux d’importance comme la divinité du Christ et les défis de l’évangélisation, et sur les difficiles défis que le XXIème siècle pose à l’Église, comme la perte de la foi, l’avancée du relativisme, les transformations sociales et le désaccord de beaucoup de chrétiens. Même la crise interne de l’Église éclaboussée par les récents scandales autour de plaintes pour abus sexuels par le clergé, et « l’air pollué dans l’Église », selon des mots du Pape, a été l’objet de ses réflexions. […]

Des thèmes polémiques comme le célibat des prêtres, la situation des divorcés remariés et, même, le caractère à vie du pontificat, trouvent le prédicateur de la Maison Pontificale dans des positions d’ouverture significative. Mais la chose dont est sûr ce moine capucin, qui devant le Pape, cite avec la même facilité Saint Thomas d’Aquin que les philosophes Edmund Husserl et Jean-Paul Sartre (ndt c’est vrai qu’il faut mieux connaître certains philosophes pour avoir la capacité à desceller la vacuité de leur philosophie très mondaine !), c’est que l’Église n’a pas à traiter les choses à toute vitesse. « Il y a des évêques qui traitent déjà ces problèmes. Moi je suis ouvert à ces changements mais il ne faut pas être impatient. Parfois il semblerait que le changement soit la panacée et il n’en est pas ainsi », a-t-il indiqué (ndt: la deuxième partie de la citation est peut-êrtre celle qui vaut mieux retenir !).

Il n’a pas peur, en revanche, de faire des pas réels qui rapprochent l’Église d’autres religions. Il y a deux semaines il était à la tête d’un rassemblent de 6000 personnes, au Luna Park (ndt stade couvert de 8000 places au centre de Buenos Ayres), pour la VIème rencontre fraternel de Catholiques et d’Évangéliques (ndt leur croissance exponentielle dans l’Amérique hispano-lusophone exclusivement catholique a été la conséquence de la théologie de la Libération des années soixante), une expérience dans laquelle l’archevêché de Buenos Ayres, avec l’aval du cardinal Jorge Bergoglio (1), se montre pionnière, comme l’a bien expliqué le prêtre franciscain lui-même au Souverain Pontife. « Le dialogue fécond avec d’autres religions est le meilleur antidote contre le fondamentalisme, le meilleur outil pour isoler les groupes les plus radicaux », a t-t-il précisé.


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Les laïcs pour Cantalamessa sont les pêcheurs d’hommes du XXIème siècle. […]
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C’est quoi être prédicateur du Pape ?

- C’est un métier traditionnel, octroyé à l’ordre franciscain des Capucins depuis le XVIIIème siècle. Il consiste à donner des conférences au Pape, à ses collaborateurs, cardinaux et évêques de la Curie romaine, quelques 70 personnes, durant les périodes de l’Avent et du Carême (Les semaines qui précèdent Pâques et Noël). Aucun prédicateur n’a duré autant. Moi j’ai l’explication : le Pape s’est rendu compte que c’est l’endroit où le Père Cantalamessa fait le moins de mal à l’Église.

Comment le Souverain Pontife reçoit vos méditations?

- Malgré tout son travail il trouve le temps nécessaire pour venir écouter. Il ne manque jamais. C’est un exemple de soumission à la parole de Dieu.

Comment choisissez-vous les thèmes ? En parlez-vous avec lui avant ?

- J’ai une large liberté. Je m’efforce de m’adapter aux problèmes que l’Église est en train de vivre. Cette année, par exemple, j’ai abordé l’engagement pour la nouvelle évangélisation. Dans l’histoire de l’Église il y a eu quatre grands mouvements d’effort missionnaire. Dans les trois premiers siècles du christianisme, les protagonistes furent les évêques, dans la ré-évangélisation de l’Europe entre le VIème et le Xème siècle, l’accomplirent les moines, au XVIème siècle, avec la découverte de l’Amérique, se sont détachés les religieux des congrégations. Et aujourd’hui, alors que le défi est de ré-évangéliser un Occident sécularisé, le rôle en revient aux laïcs.

- Pourquoi le rôle des laïcs est-il important?

-Parce qu’ils ont pris un rôle actif. C’est l’un des fruits du Concile Vatican II qui a proclamé que les laïcs sont des sujets actifs et qu’ils ont des charismes. Maintenant ils sont en première ligne de l’évangélisation, en faisant attention à ceux qui ne vont plus à l’Église, à ceux avec lesquels nous les prêtres nous ne pouvons entrer en contact. Jésus a dit aux apôtres d’être des pasteurs et des pêcheurs. Aujourd’hui les prêtres sont plus des pasteurs que des pêcheurs : ils peuvent alimenter ceux viennent déjà à l’Église, mais ils ne peuvent pas aller évangéliser ceux qui sont loin. Les laïcs sont, précisément, un moyen pour aller vers les lieux de travail, les familles, les professions différentes, et apporter le message de Jésus dont le monde vit.

Le Pape a convoqué l’année de la foi. Aujourd’hui y-a-t-il une crise de la foi dans le monde ?

- Il y a une crise de la foi du point de vue quantitatif : les croyants sont aujourd’hui une minorité. Mais du point de vue qualitatif, il y a une accélération de la foi car il n’y a jamais eu une telle quantité de croyants véritables et décidés/ Benoît XVI dit que les chrétiens seront une minorité motivée. Cela ne veut pas dire que nous nous résignons à être une élite parce que cette minorité est toujours appelée à évangéliser, à promouvoir l’évangile et beaucoup de valeurs comme la justice. L’évangile est inséparable de la charité. Jésus évangélisait et soignait. Aujourd’hui l’Évangile porte en avant ces deux fronts : évangélisation et lutte contre la pauvreté. Dans certains pays d’Afrique, les institutions de l’Église sont les seules qu’il y a à de nombreux kilomètres pour prendre soin des maladies des gens.

- Aujourd’hui être chrétien implique-t-il d’aller à contre-courant?

- Il en a été toujours ainsi. Le Concile Vatican II a renouvelé l’attitude du dialogue avec la modernité et avec le monde. Les chrétiens doivent se sentir membres d’une société et responsables du bien et du mal de cette société. Et ils savent que la culture va dans une direction dominée par l’argent. Ils doivent aller à contre-courant. Dans cette course pour l’argent, les gens deviennent toujours plus tristes. Pour cela, aller à contre-courant est une façon d’aider la société qui n’a pas d’idées sociales, pour qu’elle se rende compte de ce qu’elle ne doit pas être esclave de l’argent et du pouvoir.

- Le message de l’Église a-t-il perdu de la crédibilité et de l’influence ?

-Dans les dernières années, les scandales de la pédophilie ont enlevé à l’Église le prestige dont elle jouissait peut-être sous le pontificat de Jean-Paul II. Mais les choses de l’Église ne peuvent pas se mesurer seulement à ce qui apparait à la surface. Benoît XVI n’a pas peur de déclarer qu’il y a un air pollué dans l’Église. Il y a une prise de conscience de la faiblesse de l’Église. C’est une façon de la purifier. C’est quelque chose de douloureux, mais très utile et propice.

- Quelles forces et quelles faiblesses signaleriez-vous aujourd’hui dans l’Église?

-La force de l’Église est sa foi. Nous sommes les faiblesses. Saint Paul le disait déjà : nous portons un trésor dans un vase de terre cuite. La division qui demeure chez les chrétiens est un point de faiblesse et c’est pour cela que l’on doit promouvoir l’œcuménisme. La rareté du clergé, le manque de vocation, en est une autre. Il y a des scandales très douloureux mais beaucoup de médias ne voient que cela en l’Église. Il y a peu d’efforts pour voir l’intense travail envers les pauvres, les marginaux, en faveur de la défense de la vie.

- Comment le Pape affronte-t-il ces situations de scandale?

Le Saint Père a été très clair et ouvert en reconnaissant des erreurs et en demandant pardon ». Et en criant contre l’énormité de ces cas d’abus des mineurs. Mais l’Église n’est pas une force de police, c’est une force spirituelle. La société propose aussi un code de comportement moral mais il y a des personnes qui ne le suivent pas.

- Ces situations ont fait du mal à une institution de 2000ans ?

-L’Église est très vaste, il y a de tout. Le filet sort de la mer des bons et des mauvais poissons.

- On trouve encore des résistances à l’intérieur de l’Église aux avancées de Vatican II ?

-Durant le Concile sont apparues deux lignes très évidentes: les progressistes disaient que c’était une grande avancée, une rupture avec le passé. Pour les traditionnalistes, c’était un drame, une tragédie. L’Église a parlé d’une nouveauté dans la continuité. Le Concile a fait une rupture par rapport au passé proche de l’Église mais une continuité par rapport au passé plus ancien. Il y en a qui voient dans le Concile une nouveauté très timide. D’autres le contraire. Il n’y a pas de résistances explicites sinon chez les lefebvristes. D’après une indication du cardinal Newman, souvent les conciles n’ont pas été compris sans un après.

- Est-ce aujourd’hui un temps propice pour penser à de nouvelles réformes dans l’Église?


-Il y a des points que le Concile Vatican II n’a pas touchés. Des pas en avant très courageux ont été faits et il y a eu des changements spectaculaires. Mais il reste des problèmes : le célibat obligatoire du clergé se discute (ndt naturellement il convient de relire ce que dit exactement le Pape sur ce sujet), comme la collégialité des évêques, une plus grande participation des épiscopats dans le gouvernement de l’Église. Mais l’Église se meut avec un rythme différent. On ne peut pas faire un pas qui provoquerait de profondes divisions.

- Peut-on s’attendre à ce qu’à un moment l’on aborde ces sujets?

- Il y a déjà des évêques qui traitent ces problèmes. Il ne paraît pas au Pape que ce soit le moment de décider d’une chose aussi significative, comme le célibat des prêtres. Mais on a commencé à y réfléchir, c’est la dynamique qui a toujours porter les réformes. Je suis complètement ouvert à ces changements, mais parfois je recommande de ne pas être impatient, il semblerait que le changement est la panacée, le médicament pour tous. Et il n’en est pas ainsi. Il y a des problèmes aujourd’hui dans le mariage, la famille. Cela se présente d’une manière si compliquée, si fragile. Cela peut être une charge terrible pour un prêtre, qui doit s’occuper de toute la société. La sagesse de Dieu guidera l’Église.

- Est-il possible que des changements se produisent dans l’Église en ce qui concerne la situation des divorcés remariés?

-L’admission aux sacrements des divorcés remariés est un problème qui est en discussion. Des pas en avant se sont produits, et bien qu’ils soient exclus de l’Eucharistie, ils sont acceptés dans la vie de l’Église. Quelques évêques sont plus avancés que d’autres sur cette ligne. L’Esprit Saint portera l’Église vers une solution, une pratique évangélique, mais aussi miséricordieuse, ouverte à la compréhension de l’homme. Jésus était si compréhensif! Il affirmait les principes du mariage (l’homme quittera sa maison et s’unira à sa femme, l’homme ne peut désunit ce que Dieu a uni), mais c’es le seul qui pardonne à la femme adultère.

- L’Église pourrait-elle revoir sa position?

- Aujourd’hui la position des divorcés n’est pas une exception. Le divorce est un phénomène social si répandu, qu’on ne peut pas laisser tous ces gens exclus de l’Église. On doit trouver une formule qui puisse sauver les principes et appliquer l’Évangile d’une manière évangélique. Les divorcés doivent se sentir pleinement enfants de Dieu. Ce qui guide l’Église n’est pas tant de défendre un principe : c’est sauver le mariage, qui est attaqué aujourd’hui dans la société. L’Église défend un bien, le bien de la famille, du mariage. Comment conjuguer cette défense avec la miséricorde, c’est là le défi.

- Aujourd’hui est-il plus difficile d’avancer dans le dialogue œcuménique ?

-Quelques sites radicalisés sur Internet disent que les rencontres œcuméniques sont des créations du diable. Il existe ces groupes, mais le mieux pour les isoler c’est que les plus responsables se réunissent et avancent vers l’unité des chrétiens. Ce que nous avons en commun est beaucoup plus important que ce qui nous sépare. C’est la ligne pour isoler les groupes les plus radicaux qui existent toujours.

- Benoît XVI s’est-il vu affecté par le récent jugement du maître d’hôtel et les fuites au Saint Siège?

-Il a été affecté et a beaucoup souffert. C’est quelque chose qui l’a touché de très près. Ce sont des choses qui sur le moment paraissent le plus important du monde et ensuite l’on voit que c’est une question secondaire. Il y a beaucoup d’hypothèses. Au Vatican, comme dans toutes organisations, il y a différentes opinions.

- Parle-t-on déjà au Vatican de la façon dont se fera la prochaine succession du Pape ?

-Vous connaissez le dicton: qui entre pape au conclave en sort cardinal; qui entre cardinal en sort pape. Il n’y a pas de possibilité de prévoir ce qui se passera. Cela dépend de beaucoup de choses. On ne parle pas de quelqu’un en particulier qui pourrait être papabile. Il y a beaucoup de noms, mais ils n’ont pas beaucoup de fondement. En fait ce pape Benoît XVI a une personnalité si respectueuse des autres, si gentille et si humble, que c’est impressionnant. Il laissera une empreinte difficile à mettre de côté. Tous ses voyages commencent dans une atmosphère terrible, négative, et à la fin ils sont la manifestation d’énormes succès. C’est arrivé ainsi, par exemple, en Angleterre, et récemment au Liban où des chrétiens et des musulmans sont venus l’écouter. Il a une personnalité qui n’est pas agressive, très respectueuse.

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Main dans la main
La parole comme style de vie

Sans cris ni propos excessifs, l’homme que le Pape écoute sait mesurer ses paroles. Il les accompagne de gestes et de regards qui donnent lieu à un dialogue cordial, qui invite à la profondeur. À 78 ans le Père Raniero Cantalamessa a fait de la parole un style de vie. Il n’a pas besoin d’hausser la voix pour présenter des sujets polémiques qui peuvent générer des réactions dans l’Église même. Il ne cherche pas non plus à se mettre en avant du monde, mais, au contraire, inspecter ce monde parfois hostile, le comprendre, lui apporter une lumière rénovée du message que l’Église diffuse depuis 2000 ans. Il est né à Colli del Tronto, à 150 km de Rome, il a été ordonné il y a 54 ans. Il appartient aux frères mineurs capucins, l’une des trois branches de l’ordre fondé par Saint François d’Assise, et il garde la barbe et l’habit marron qui caractérisent les franciscains. Diplômé en théologie à Fribourg et en Lettres Classiques à Milan, il est engagé dans la Rénovation Charismatique, point de rencontre entre l’Église catholique et des mouvements évangéliques, et delà il fait la promotion de la nécessité d’avancer vers l’unité des chrétiens. « C’est la meilleure antidote contre l’intolérance et le fondamentalisme » est sa déduction. .

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Un avenir possible, selon Cantalamessa

Avec Jean-Paul II on a débattu du pontificat à vie. Cela peut-il être révisé de nouveau?

-Ce n’est pas une question qui répond à un critère d’ordre dogmatique. Il y a eu des cas de renonciation dans l’histoire de l’Église : le pape Célestin V, au XIIIème siècle. Benoît XVI lui même a exprimé en différentes occasions l’idée que la renonciation d’un pape est possible. Il a même dit que si sa santé arrivait à un point où il rendrait compte qu’il ne peut assurer toutes ses fonctions, il pourrait renoncer. C’est une possibilité concrète. Dans le cas du cher pape Jean Paul II, sa décision fut bonne, car avec sa maladie, il a donné un message au monde peut être plus fort que celui qu’il transmettait avec sa force, son énergie et le fait d’être sûr de lui, quand il jouissait de pleine santé. Il a partagé sa souffrance avec tant de gens dans le monde, en leur donnant une dignité. Avec son exemple, beaucoup se sont sentis encouragés pour mener une vie digne, même dans la maladie. Son exemple est très précieux. Benoît XVI qui a aujourd’hui 85 ans, a dit que si à un moment donné il se rendait compte qu’il ne pouvait pas répondre à ses devoirs, il pourrait démissionner.--

Notes (et réserves...) de la traductrice

(1) Le cardinal Jorge Bergoglio (très prisé des médias et papabile du Conclave de 2005!), archevêque de la très cosmopolite et sécularisée Buenos Ayres n’a pas vraiment très bonne presse chez certains catholiques même modérés, et encore moins chez les catholiques plus traditionnalistes (sans parler des lefebvristes). Il est extrêmement peu réceptif au motu proprio summorum pontificum (libéralisation de la messe en latin), il a fait nommer des évêques très médiocres ( dans le domaine doctrinal mais aussi au niveau du comportement) alors même que l’Église catholique en Argentine a du faire front de toutes parts, contre le progressisme (d’autant plus accentuée de par le fait que tout ce qui était considéré comme plus traditionnel était réduit sans nuance ad odiosam dictaturam militiarium) et contre toutes les églises néo-protestantes pour ne pas dire les sectes, enfin il est tellement favorable à un certain œcuménisme que cela a pour conséquence de brouiller le message catholique donc de l’Église Universelle et donc de rétrograder l’Église romaine a une pratique religieuse que l’on prend et que l’on repose au super marché des « religions », selon ses envies et les capacités commerciales du vendeur.

Le type de rencontres fraternelles évoquées ci-dessus a notamment déchaîné les passions et la soit disant «bénédiction » du Père Cantalamessa à genoux, par un vendeur de dentifrice, pardon, un prédicateur pentecôtiste, avec la photo que l’on peut voir ci-contre n’a pas vraiment aidé à calmer le jeu (cf. infocatolica.com/).
Certes je n’étais pas présente à ce grand « show spirituel » et ne sais pas exactement ce qui s’est passé. Mais je crois qu’aujourd’hui, alors que l’anaphabétisation religieuse des baptisés catholiques (ne parlons même pas des pratiquants) est à son comble, des photos de ce genre peuvent prêter à confusion, même si c’est peut-être un risque à courir, car le Père Cantalamessa est magnifique d’humilité avec son habit de pauvreté si caractéristique de son ordre multiséculaire, face à l’homme moderne en cravate et avec son micro, symboles de la puissance de l’argent de notre monde moderne sous domination de Mister Dollar. Elle est très belle cette photo d’un capucin d’abord à genoux devant Notre Seigneurs et sûrement pas pour une bénédiction dans le sens strict du terme que peut lui donner un pompeux marchand de paroles même sorties d’une Bible pentecôtiste ou évangélique. Mais est-ce que les spectateurs de ce type de « show », sauront que l’œcuménisme, c’est vers l’Église catholique universelle et le Saint Père que côtoie justement ce capucin à genoux ?
Aussi, je comprends tout à fait ce que dit l’excellent directeur d’Infocatólica dans son article du 19 octobre 2012 intitulé « Que fait le prédicateur de la Maison du Pape agenouillé devant un pasteur protestant ? » concluant ainsi son écrit: « Sincèrement, je ne m’imagine pas Saint François de Sales s’agenouillant devant un pasteur calviniste. Ni Saint Ignace faisant la même chose devant un pasteur anglican. Je ne crois pas que le Bienheureux Henry Newman se serait laissé imposer les mains par l’archevêque de Canterbury une fois entré dans l’Église Catholique.
Nous pouvons nous mettre ensemble à genoux pour prier. Mais un prêtre catholique ne peut pas tomber dans l’attirail pseudo-liturgique du protestantisme évangélique, surtout pentecôtiste, qui plait tant à ce genre de show. Il y a des années nous l’avons vu d’un cardinal de l’Église tombé dans la même erreur (ndt je crois bien qu’il s’agissait de msg Bersoglio justement). Aujourd’hui nous le voyons chez un religieux qui occupe un poste bien en vue auprès du Pape lui-même. Même si l’intention est bonne ce n’est pas suffisant pour commettre des erreurs qui ne servent à rien sinon à créer la confusion ».
Il est certain que ceux d’entre nous qui connaissons l’esprit de certains protestants et néo-protestants, l’on peut douter de leur volonté d’un rapprochement en vue d’une pleine communion avec Rome. Leur intention même inconsciente serait plutôt une totale « protestantisation » de l’Église catholique, d’ailleurs déjà bien commencée parfois, sans leur soutien !

(2) Je n’arrive toujours pas à comprendre cette vision que, seul et enfin Vatican II, aurait donné leur rôle aux laïcs ! Les « compagnons » que Jésus envoya par le monde étaient une douzaine et l’Évangile s’est propagé comme une traînée de poudre (image!) dans tout l’Empire Romain et même jusqu’en Inde (Saint Thomas). Combien étaient les prêtres et les religieux missionnaires, et combien étaient leurs fidèles custos autochtones, à l’époque des grandes découvertes? Combien étaient les croyants depuis toujours sans qu’il y ait Vatican II. Et nos Vendéens et les Cristeros n’ont pas attendus d’être reconnus au niveau pontifical pour affirmer leur foi. Certes des mouvements charismatiques, et des groupes de catholiques (qui ont pignon sur rue aujourd’hui, enfin la une des médias), dans les années qui ont suivi le Concile mais leurs fruits n’ont pas toujours partout étaient des meilleurs. Si Dieu a besoin des hommes pour reprendre le titre du roman d’Henri Queffelec repris au cinéma en 1949, j’ai aussi souvenance du film espagnol « La Guerra de Dios » (1953) de Rafael Gil, où un jeune prêtre en soutane (joué par le Français Claude Laydu), revenait dans un village minier du nord du pays complètement déchristianisé et hostile à l’Église, pour remettre Dieu à sa place ! Quand je revois ce film je pense à certains jeunes prêtres d’aujourd’hui…
Par contre ce que je vois c’est que de nombreux laïcs qui se disent catholiques ont vécu depuis Vatican II dans une incohérence complète. Certes ils ont pris presque pris la place des prêtres dans les cérémonies eucharistiques, ils ont presque décidé à la place de l’Église ce qui était péché ou ne l’était pas, ils ont bien constitués des groupes médiatiques tonitruants sous certaines étiquettes, mais se sont-ils rappelé qu’ils étaient catholiques aussi quand, par exemple, ils mettaient leur bulletin de vote dans les urnes…

Vatican II pourtant donnait parfaitement la mission des laïcs. Ils n’ont pas forcément voulu l’entendre pour rester, au mieux, dans l’air du temps. Le Père Alfredo Sáenz, un jésuite argentin, le rappelle d’une remarquable manière dans une conférence qu’il a prononcée récemment à l’Université Catholique de La Plata et dont la traduction suit.