L'Avvenire voit la France catholique en rose
Le journal de la conférence épiscopale italienne publie une enquête excessivement optimiste sur la situation de la religion catholique dans notre pays. (article mis à jour le 29/8/2012)
Marie Christine me fait observer que cet optimisme affiché pourrait bien être lié à la prochaine visite ad limina des évêques français, qui seront reçus par le Pape entre le 20 septembre et le 3 décembre 2012, en trois groupes, et par provinces ecclésiatiques (selon la Croix).
Articles liés, sur ce site:
- Les cathos se font draguer: http://benoit-et-moi.fr/2011-I
- Caricature: http://benoit-et-moi.fr/2011-I
- Comment va la France catholique (Un article de la revue des jésuites "Civiltà cattolica"): http://benoit-et-moi.fr/2011-I/
L'Avvenire, le journal de la conférence des évêques d'Italie, consacrait dans son numéro d'hier trois articles à la France.
Parmi eux, une interviewe du cardinal Barbarin (où le nom du Pape n'est pas cité une seule fois!) et une enquête (non signée) - tellement surprenante que j'ai dû me frotter les yeux pour me convaincre que je ne rêvais pas - décrivant en termes dithyrambiques et d'auto-satisfaction béate la situation du catholicisme en France. Un article tout droit sorti des enquêtes de La Vie, Le Point et autres Express sur les "cathos".
La description tient à la fois de la méthode Coué, de l'hagiographie et du conte à l'eau de rose pour enfants: ce pays où la foi catholique est proclamée sans complexe par les intellectuels et même les médias, n'est pas vraiment celui où je vis, et évoque davantage les villages Potemkine que la morne réalité des paroisses, les catholiques qui rasent les murs quand ils veulent exprimer leurs convictions (cf. la prière du 15 août), le désert spirituel qui s'étend dans les jeunes générations (selon un sondage de 2011, qui vaut ce qu'il vaut, 34% des français qui se disent catholiques ne croiraient pas en Dieu), l'hostilité militante des medias, et les manifestations "artistiques" blasphématoires (pièces de théâtres, expositions) qui se déroulent sans qu'aucun des "farouches" catholiques évoqués dans l'article ne fasse entendre une voix - même timidement - discordante.
Manifestement, c'est un autre univers que celui du catholique de base, qui est évoqué ici. Un tableau où le "peuple de Dieu" est absent, et a laissé la place aux "élites culturelles" qui sont favorables au mariage des prêtres, pas hostiles à celui des homosexuels ni à l'avortement (mais quand même opposés à l'euthanasie), écoutent le Pape avec une condescendance distraite et souvent agacée, et ne lèvent jamais le petit doigt pour l'Eglise. C'est regrettable - de surcroît dans un journal lu dans les milieux ecclésiatiques, en particulier l'entourage de Benoît XVI: travestir la réalité n'aidera certainement pas à résoudre les problèmes, bien réels, eux!
Et ce n'est certainement pas parce qu'il a constaté que tout allait pour le mieux que le Saint-Père a décrété pour 2012 une "Année de la foi".
J'ai traduit l'article (presque sans commentaires!! sinon des soulignements, mais chaque phrase en mériterait un) comme témoignage du fossé entre la réalité vécue et le monde fantasmé de l'Avvenire.
Texte en italien: http://www.avvenire.it/
France: la foi renaît, les fidèles renaîtront-ils?
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La situation de la foi en France peut sembler paradoxale.
Comment un pays avec un clergé en diminution et des «regroupements paroissiaux» de plus en plus géographiquement dispersés, en particulier dans les zones rurales, peut-il connaître aujourd'hui un essor de la transmission de l'Evangile au niveau culturel, éducatif ou à travers d'innombrables initiatives associatives?
Parmi les faiseurs d'opinion et les universitaires, prévaut désormais une hypothèse bien symbolisée en cet été olympique, par le jaillissement du plongeur qui remonte du fond avec un élan égal à celui de la plongée.
Dans le sillage de 68, et jusqu'aux années 80, la France a subi des tentatives énergiques pour éradiquer le christianisme: qu'on pense aux universités ou aux médias, où la colonisation marxiste a conduit à l'expulsion des propositions et des interprétations chrétiennes. Mais la chape de plomb est aujourd'hui soulevée et la culture française redécouvre, souvent avec un véritable enthousiasme, son antique âme catholique.
Parmi les «immortels» de l'Académie française, le plus prestigieux cénacle intellectuel, brillent désormais surtout des croyants comme René Girard, Michel Serres, Marc Fumaroli, Jean-Luc Marion, Max Gallo et Jean d'Ormesson (?). Et sous la Coupole siège Mgr Claude Dagens, évêque d'Angoulême. Mais dans le Cénacle concurrent aussi, l'Académie Goncourt qui attribue le prix du même nom, se distinguent des catholiques comme Michel Tournier et Didier Decoin. Parmi les plus jeunes pousses, la critique exalte le poète Christian Bobin, Sylvie Germain, l'incandescent Fabrice Hadjadj, Alexis Jenni, qui a remporté le dernier prix Goncourt (cf. La Vie). Et les exemples pourraient continuer indéfiniment, compte tenu de la nouvelle génération d'essayistes croyants.
Le premier festival de théâtre, celui d'Avignon, vient d'être confié au polyédrique dramaturge Olivier Py, dont l'oeuvre est imprégnée de références à l'Evangile. Et, pour le cinéma, des stars comme Juliette Binoche, Gérard Depardieu et Anouk Aimée (???) extériorisent volontiers leur foi. Dans ce domaine, en particulier, la traînée lumineuse laissée par le film "Des hommes et des dieux» ne ternit pas - le film sur le témoignage spirituel des moines de Tibhirine , dont le succès retentissant, d'autant plus énigmatique pour un film d'auteur, est devenu un «cas», qui a eu droit à la couverture des magazines et à l'attention des sociologues.
Parmi les nombreux exemples de musique légère émergente, on peut aussi citer l'intense Camille (http://fr.wikipedia.org/wiki/Camille_(chanteuse) ).
A côté du débat théologique animé, les revues intellectuelles Etudes, des Jésuites, et Esprit, fondée par le philosophe personnaliste Emmanuel Mounier, ainsi que les publications dominicaine des Editions du Cerf, témoignent d'un prestige inattaquable. Ce n'est pas un détail que le quotidien le plus lu dans le pays, Ouest France (800.000 exemplaires), se revendique farouchement fidèle à la doctrine sociale de l'Église (?). En outre, à Paris, peu d'autres centres culturels connaissent le succès du Collège des Bernardins, voulu par le regretté Cardinal Jean-Marie Lustiger.
Inversement, l'écho des écrits anti-cléricaux semble s'éteindre. Le succès même de l'essayiste Michel Onfray ressemble déjà à un feu de paille (ndt: il faut dire que Michel Onfray a franchi la ligne jaune le jour où il a décidé d'étriller Freud!!!). L'Express (!!), le premier et autorisé hebdomadaire d'information, s'est récemment moqué du soi-disant «athéologue», en notant que même les athées les plus endurcis pourraient finir par croire, en constatant que «les livres de Michel Onfray sont vraiment trop mauvais».
Au niveau associatif et caritatif, ensuite, la constellation catholique continue de s'élargir. Il suffit de rappeler l'héritage florissant d'œuvres et d'initiatives laissées par l'abbé Pierre et Soeur Emmanuelle, les deux religieux longtemps au sommet du classement des français les plus aimés et les plus populaires.
Et il est aussi très symptomatique que les écoles privées catholiques ne sont plus en mesure de répondre aux demandes (ndt: mais sont-elles encore catholiques? voir par exemple cet article qui ne date que de 2008: benoit-et-moi.fr/2008/). Augmentant régulièrement depuis des années, les inscrits ont aujourd'hui largement dépassé les 2 millions.
Mais cette nouvelle effervescence sociale et culturelle sera-t-elle un viatique pour les vocations et pour une redécouverte des sacrements, ainsi que pour un redimensionnement de la laïcité d'État, encore souvent hostile au fait religieux? Cela semble être la grande inconnue de l'équation française, même en considérant le retour au pouvoir des socialistes conduits par le président François Hollande: un retour qui suscite des craintes bien compréhensives, en particulier sur le front éthique en raison de tentations «zapatéristes» évidentes.
Dans les paroisses, pendant ce temps-là, le service pastoral est assuré par l'arrivée généreuse de centaines de jeunes prêtres et séminaristes étrangers, principalement de l'Afrique d'expression française ou de pays européens comme la Pologne. Décisif est aussi l'apport des quelques 10 000 laïcs (ndt: c'est en effet le chiffre annoncé sur la page d'accueil du site de la CEF) qui ont formellement accepté un mandat de leur évêque.
Et pour les fidèles, ces jours-ci, résonne encore plus forte la méditation de Sainte Thérèse de Lisieux, reprise plus tard par Bernanos en conclusion de son Journal d'un curé de campagne: «Qu'importe? Tout est grâce»