Medjugorje, une expérience de foi

Entretien avec Rino Cammilleri sur les apparitions mariales les plus longues de l'histoire, à propos de son livre, récement sorti en Italie (22/11/2012)

     

En juin 2011, la lecture d'un article de Vittorio Messori avait attiré (ou plutôt captivé) mon attention, sur les apparitions de Medjugorje, ce village perdu de Bosnie-Herzégovine où la Sainte Vierge est apparue (et continue à le faire) à 6 Croates d'Herzégovine depuis le 24 juin 1981.
J'avais à l'époque traduit l'article et cherché des informations: (cf. Le dilemme de Medjugorje, benoit-et-moi.fr/2011-II)

Messori écrivait:

A Medjugorje, il s'est produit l'inverse de ce qui s'est passé pour Lourdes ou pour Fatima, où le refus était venu des athées, des laïcistes, des anti-cléricaux. Ici, les deux évêques qui se sont succédés à la tête du diocèse ont pris une attitude de plus en plus négative, jusqu'à parler de "l'une des plus grandes escroqueries de l'histoire de l'Eglise". Là-bas [à Lourdes et Fatima], la défense des apparitions a caractérisé les catholiques conservateurs, tandis que ceux que l'on dit «ouverts» exprimaient des doutes. Ici aussi, les positions sont inversées: ce sont les disciples de Mgr Lefebvre qui nient de façon polémique qu'il puisse s'agir de la "vraie" Vierge, dans les messages où ils voient ce qu'ils appellent "les déviations hérétiques conciliaires". Des croyants publient un dossier intitulé "Medjugorje: tout est vrai". Mais d'autres croyants répondent avec un instant book, "Medjugorje: tout est faux".
...
Pour le Saint-Siège, Medjugorje est un dilemme déchirant.
D'une part, il reconnaît avec gratitude l'abondance des fruits spirituels, et de l'autre côté il n'oublie pas le vulnus (coup porté) au droit canon, avec un mouvement mondial combattu par les ordinaires du lieu, auquel il revient de discerner.

Peu de temps après, Andrea Tornielli publiait un témoignage qui nous renvoyait aux bons fruits de Medjugorje (cf. benoit-et-moi.fr/ete2011/).

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Rino Cammillieri, écrivain catholique et politiquement incorrect que mes lecteurs doivent connaître, a écrit un livre sur son expérience personnelle.
Comme je l'ai déjà dit en d'autres circonstances, un livre est fait pour être lu... mais aussi (à défaut, ou en plus) pour qu'on en parle.
Voici donc une interviewe du 15 novembre publiée sur Vatican Insider, qui m'avait échappée, et à laquelle le site italien ami Totus Tuus donne une seconde chance.

     

Medjugorje, une expérience de foi
Vatican Insider (via Totus Tuus)
15 Novembre 2012
Entretien avec Rino Cammilleri sur les apparitions mariales les plus longues de l'histoire (depuis le 25 Juin 1981)

Giuseppe Brienza
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Le 25 Juin dernier, c'était le 31e anniversaire des apparitions mariales les plus longues de l'histoire de l'Église, provenant de la célèbre paroisse de Medjugorje, en Herzégovine. Le dernier livre de Rino Cammilleri (1) n'est pas un texte de dévotion, ou un recueil de messages de la Vierge Marie, mais un instrument documenté pour comprendre un phénomène.

En effet, après plus de 30 ans d'apparitions (non encore reconnues), la littérature sur Medjugorje abonde, mais il y a peu de livres qui cherchent à insérer ces événements extraordinaires dans un contexte historique et religieux précis, à partir des deux voyages effectués là-bas par l'auteur en 1990 et 2011. Avec Cammilleri, nous parlons donc non pas d'expériences surnaturelles vécues, mais d'une foi qui, de ses pèlerinages dans la paroisse perdue de l'ex-Yougoslavie, sort confirmée et renforcée.

- Vous venez de publier un livre, Medjugorje. Le chemin du cœur ("Medjugorje. Il cammino del cuore", Mondadori, Milan 2012), dans lequel vous présentez cet événement extraordinaire des apparitions. Quelle foi conduit tant de gens à aller à Medjugorje?
Rino Cammilleri: Une foi «débitrice» des apparitions, et des récits de ceux qui y sont déjà allés Dans le livre, j'utilise comme modèle deux pèlerinages que j'y ai faits à vingt ans de distance. Et je rapporte toutes les réflexions, y compris historiques (je veux dire par là, d'autres apparitions de la Sainte-Vierge), que les deux voyages m'ont suggérées. Sans négliger, pourquoi pas, les doutes sur les secrets, les prophéties, la fin des temps, et ainsi de suite.

- Votre livre sur Medjugorje est le dernier dans l'ordre chronologique. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour l'écrire?
Rino Cammilleri: L'idée m'est venue seulement après mon deuxième voyage. J'ai hésité pendant longtemps, aussi parce que le sujet est omniprésent dans les médias (ndt: pas en France!) ... J'ai pensé, toutefois, qu'il n'y avait aucune voix des sans voix, cette majorité nécessairement silencieuse qui à Medjugorje n'a rien vu de «spécial» sinon les fruits qui garantissent la bonté de l'arbre. Donc, je voulu mettre sur papier mon pèlerinage; et surtout les réflexions qu'ils mm'ont suggéré en terme d'apparitions, de prophéties, de secrets. Et aussi les doutes qui au fil des ans, me sont venus sur tel ou tel point de toute cette affaire, que j'ai confrontée avec d'autres apparitions, historiques et / ou encore en cours.

- Qu'est-ce qui fait des apparitions de Medjugorje un événement exceptionnel dans l'histoire?
Rino Cammilleri: Tout à Medjugorje se révèle exceptionnel, surtout la durée du phénomène. Trente ans, et cela se poursuit encore. Et puis les voyants sont les premiers - dans l'histoire des apparitions - à avoir subi l'examen minutieux des médias et de la technologie médicale du troisième millénaire. Mais c'est surtout le bouche à oreille, qui fonctionne: le nombre de personnes qui reviennent converties ou abasourdies par la vue des phénomènes extraordinaires est contagieux, si bien que désormais, nous en sommes à un million de pèlerins par an. Et cela ne cesse de croître. Personnellement, je n'ai rien vu, et je n'en suis pas revenu émotionnellement marqué. Mais maintenant, je connais trop de gens qui ont vu et ont «éprouvé».

- Mais qu'est-ce qui pousse les fidèles à entreprendre le voyage vers un endroit si reculé?
Rino Cammilleri: la perte d'autorité de l'Eglise et de ses représentants, unie au gâchis humain de la déchristianisation, fait que les gens sont à la recherche d'un contact immédiat (c'est-à-dire sans médiation) avec le sacré. En gros: les mots (homélies, conférences, plans pastoraux et ainsi de suite) ne suffisent plus, déjà parce qu'à l'ère médiatique, nous sommes suffisamment étourdis par les rumeurs, par les exhortations, les promesses, les proclamations de principe de toutes parts (même les chanteurs «prêchent»!). Il y a le besoin d'aller à la source, la Sainte-Vierge, qui parle peu et agit beaucoup, garantissant le peu qu'elle dit par les miracles. Surtout celui de la conversion, qui remet l'homme sur pied, donne un sens à la vie, et la paix intérieure, ainsi que la force d'affronter la vie dans ses pires aspects. Aujourd'hui, à ce qu'il semble, la tâche de la réévangélisation, c'est la Sainte Vierge qui l'assume directement.

-Une commission d'enquête, présidée par le cardinal Camillo Ruini, est au travail depuis plus de deux ans. À votre avis, à quelles conclusions arrivera-t-elle?
Rino Cammilleri: La commission ne peux pas se prononcer tant que les apparitions ne sont pas finies, et c'est logique: une déclaration aujourd'hui pourrait être contredite par un fait qui se produit demain. Donc, nous devons attendre encore, et selon moi, longtemps.

- L'Église a-t-elle «anticipé» en quelque occasion son jugement?
Rino Cammilleri: Je crois qu'une position autorisée de la part du Saint-Siège sur les apparitions, a été synthétisée par le Cardinal Tarcisio Bertone en 2007, dans un passage d'un entretien avec le regretté vaticaniste de TG1 Giuseppe De Carli. Je me réfère à "La dernière voyante de Fatima" (L'ultima veggente di Fatima, Ed. Rai-Rizzoli, p. 103-107), un livre que Benoît XVI a tenu à conforter par une préface de sa main. Dans ce passage de l'interviewe, le secrétaire d'Etat du Vatican a, entre autres choses, déclaré: «tous les pèlerins catholiques peuvent aller à Medjugorje, lieu de culte marial où il est possible de s'exprimer avec toutes les formes de dévotion». Il a ainsi confirmé la liberté absolue des pèlerins d'aller à Medjugorje, en précisant que l'Eglise le considère comme un lieu de dévotion mariale, où il est possible de participer à la Sainte Messe, au Chemin de Croix, à l'Adoration du Saint-Sacrement et, surtout, se confesser. Ce dernier point est un argument sur lequel la Madone revient un nombre incalculable de fois dans les apparitions. Une seule citation, à sujet, tirée du message donné à la voyante Mirjana le 2 Juillet 2007: «Dans le grand amour de Dieu, je viens à vous aujourd'hui pour vous conduire sur le chemin de l'humilité et de la douceur. La première station dans cette voie, mes enfants, est la confession; Rejetez votre arrogance et agenouillez-vous devant mon Fils.»

Note

(1) Medjugorje. Le chemin du cœur

Présentation de l'éditeur
(www.libreriadelsanto.it/)
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Tout à Medjugorje est exceptionnel: la durée du phénomène des apparitions, les nombreuses guérisons, l'intérêt des médias. Et, plus que tout autre, l'écho suscité dans le monde, un écho qui en l'espace de trente ans a fait de ce petit village inconnu de l'ex-Yougoslavie, le but d'un million de pèlerins par an.
Mais qu'est-ce qui pousse les fidèles à entreprendre le voyage vers un endroit si reculé? Qu'est-ce qui les pousse à entreprendre la dure montée de la Colline des Apparitions ou celle, encore plus difficile, de Krizevac, parfois même pieds nus?
Et, au retour, que reste-t-il du voyage spirituel accompli?
Rino Cammilleri nous aide à comprendre cette profonde expérience de foi en nous offrant le récit de deux pèlerinages qu'il a faits dans le village bosniaque, le premier en 1990, à la suite d'une crise existentielle, et le second en 2011, riche d'une maturité douloureusement acquise dans le temps.
Deux voyages faits à vingt ans de distance, au cours desquels beaucoup de choses ont changé: le climat politique après la chute du mur de Berlin, la désintégration de la Yougoslavie et la fin de la guerre froide; le village, qui s'est agrandi et se concentre désormais sur l'accueil des pèlerins; les voyants, aujourd'hui devenus adultes, et vivant une vie presque «normale».
Ce qui n'a pas changé, c'est l'intensité de son expérience religieuse.