Pas de fracture numérique au Vatican

Reprise d'une interviewe de juin 2011, de Mgr Celli, président du Conseil Pontifical des Communications sociales: "Nous ne sommes pas vieux jeu, nous sommes à l'avant garde de toute les technologies modernes" (8/12/2012)

Image ci-contre: un tweet du Pape donne le lancement au nouveau portail d'informations du Vatican, le 29 juin 2011

>> "Communication": quand deux mondes se rencontrent

     

J'ai traduit hier un long article d'un journaliste anglophone (américain?) paru sur le Washington Post: voulant offrir un panorama de la communication du Vatican à l'occasion de la création du compte twitter @pontifex, il déroulait une compilation de lieux communs archi-rebattus depuis bientôt 8 ans. Disons que mon travail ingrat était juste un exercice de réinformation
Le journaliste en question, David Gibson, ne risque pas de me lire, aussi n'est-ce pas à lui que cette mise au point s'adresse! Mais ces lieux communs ont vraiment la vie dure, on les retrouve (ou on les retrouvera) immanquablement aussi dans la presse française.
Presque chaque ligne de son papier contient une appréciation malveillante.

Je retiens en particulier la comparaison (comique, si l'on considère l'uniformité de l'information d'un bout à l'autre de la planète, en partie assurée par le monople de trois ou quatre agences, un problème que nous avons déjà évoqué ici: Vatileaks: Les agences qui couvriront le procès(2) ) de l'Osservatore Romano à la Pravda!!! Il y en a qui ne doutent de rien.

Même malveillance dans son appréciation du site du Vatican, qui selon lui, daterait des années 90, "et cela se voit".
Or, le 29 juin 2011, le Saint-Père donnait par un tweet (oui, déjà!) le lancement du nouveau portail d'information du Saint-Siège. J'avais souligné à l'époque le graphisme très réussi, la fluidité de la navigation, l'association de toutes les technologies les plus récentes, et la richesse du contenu (cf. benoit-et-moi.fr/2011-II).

Enfin, les insinuations sur l'incapacité technologique des vieilles barbes du Vatican sont particulièrement insupportables. Gibson expliquait en effet que dans le cadre de sa communication renouvelée, le Saint-Siège utilisait désormais "quelques-uns de ses plus jeunes fonctionnaires, de niveau intermédiaire, plus accessibles aux journalistes. Même s'il ne peuvent délivrer que des briefings de second plan, ces fonctionnaires ont tendance à être plus abordables aux journalistes que les cardinaux de haut rang, pour lesquels les médias sont un mal nécessaire et le télécopieur une nouveauté (des officiels de la Curie aiment dire en plaisantant que la devise du Vatican devrait être «demain la technologie d'hier»)".
Mgr Celli en était lui même agacé. Il y répondait dans une inteviewe à Vatican Insider, justement à l'occasion du lancement du nouveau portail
(Cf. http://benoit-et-moi.fr/2011-II)

Une interviewe de Mgr Celli, Président du Conseil Pontifical pour les Communications sociales
"Nous ne sommes pas vieux jeu, nous sommes à l'avant garde de toute les technologies modernes"
Vatican Insider
Fabio Marchese Ragona
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Cela s'est passé il y a seulement quelques jours: Le Pape, en mondovision, a envoyé un message (avec sa bénédiction) sur Twitter, en utilisant une tablette placée sur son bureau. Une scène en rappelant une autre, dont le protagoniste était Jean-Paul II: c'était en 2001, et Papa Wojtyla envoyait par mail une exhortation aux évêques d'Océanie avec un ordinateur portable.

A 10 ans de distance, le geste "retentissant" se répéte, mais avec des technologies différentes, adaptées aux temps.
Aux côtés de Benoît XVI, pour lui expliquer les fonctionnalités de la tablette électronique, cette fois, il y avait son «ministre des Communications», le Président du Conseil Pontifical pour les Communications sociales, Mgr Claudio Maria Celli, l'un des «metteurs en scène» de cet événement, engagé depuis des années dans la technologie pour entraîner le Vatican dans le monde virtuel.
Le tweet du pape joue également le rôle d'un signal, un message entre les lignes que la technologie au Vatican n'est pas si larguée, comme il est dit dans les dépêches de Wikileaks: en 2009, la numéro deux de l'ambassade U. S. auprès du Saint Siège, Julieta Valls Noyes (ndt: administration Clinton oblige, qui sait si la dame ne s'est pas informée auprès de John Allen), écrivait "La plupart des dirigeants du Vatican, tous des hommes, en général septuagénaires, ne comprennent pas les médias modernes et le Saint-Siège souffre d'une "muddled messaging" (confusion dans la communication) en raison de la technophobie des cardinaux et de l'ignorance des communications du XXIe siècle. Seul le porte-parole Federico Lombardi a un Blackberry et seuls quelques uns ont un e-mail ".

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"Les lieux communs ont la vie dure, et celui d'un Vatican peuplé exclusivement de prélats âgés, technologiquement restés à l'âge de pierre, est parmi les plus résistants. Mais aussi parmi les plus faux", nous dit Mgr Celli, 70 ans le 20 juillet prochain, amoureux d'internet et possesseur d'un smartphone.
"Comme partout, il y a, bien sûr, une proportion de la population qui utilise peu et n'est pas familière avec les nouvelles technologies de communication. Mais dans l'ensemble, je ne pense pas vraiment qu'à l'intérieur des murs il y ait une sorte d'enracinement conscient et convaincu. Loin de là. Quant à la capacité, non seulement d'utiliser mais de comprendre les médias modernes, je crois qu'il faut aller au-delà: ils ont droit de cité à part entière dans tout l'état (du Vatican), et la preuve est qu'il est équipé de toutes les technologie les plus moderne et sophistiquées, non seulement pour la communication, mais aussi pour tous les services qui requièrent leur utilisation spécifique".

- Donc, Excellence, il n'est pas vrai que le Vatican est un peu vieux jeu en matière de technologie?
" Une certaine image veut le Vatican comme un monde clos, ou même vieux jeu, comme vous le dites. La réalité est tout autre, parce que, même s'il est de taille extrêmement limitée, l'Etat est à l'avant-garde dans tous les domaines où est nécessaire l'application des technologies modernes. Un exemple pourrait suffire: l'extension des panneaux solaires dont le Vatican reçoit une partie de l'énergie nécessaire à ses besoins. Dans le domaine des communications, les ordinateurs - de tous types - ont depuis longtemps remplacé les machines à écrire, et je ne pense pas qu'il existe, proportionnellement, une aussi large extension de l'utilisation de l'Internet qu'au Vatican ".

- Selon les dépêches de Wikileaks, cependant, le père Lombardi serait le seul à avoir un Blackberry ...
" Nous nous trouvons parfois face à une réalité quelque peu romancée. Le père Lombardi utilise son «Blackberry», et surtout il utilise son art de bien communiquer. Je dirais que surtout dans ce sens, il est à la pointe. Pour le reste, je dirais que qu'il est en bonne et nombreuse compagnie"

- Wikileaks parle aussi des cardinaux technophobes qui ne comprennent pas les médias modernes. Seuls quelques-uns, peut-on lire dans les dépêches, ont un e-mail. C'est vrai?
" Je connais personnellement des cardinaux et des évêques qui utilisent les nouvelles technologies avec une grande facilité. Certains ont donné une forte impulsion également au niveau de leur dicastère. Les adresses e-mail des hauts prélats sont de plus en plus nombreuses, et apparaissent souvent dans l'annuaire du Vatican. Les communications internes du Saint-Siège se font désormais par ordinateur. "

- Quelle est la pensée du pape sur les technologies? Son geste peut-il être considéré comme un signe fort de proximité avec le monde virtuel?
" Benoît XVI s'est exprimé à de nombreuses reprises sur les nouvelles technologies. Si on parcourt la liste des questions au cœur des six derniers journées mondiale des communications sociales, on peut voir à quel point cet aspect est central, en particulier, l'influence des nouvelles technologies sur la culture, les relations humaines et sur la manière même de communiquer. Plutôt que de gestes, je parlerais d'une attitude de la part du Saint-Père: une attitude d'ouverture et d'accueil, et justement pour cela, particulièrement responsable face aux problèmes indéniables associés aux nouvelles formes de communication. Du reste, les films, et les activités du Pape sont régulièrement sur YouTube, comme sur tous les réseaux sociaux.