Rémy Brague, "Nobel" Ratzinger?

C'est une information de Sandro Magister. Une récompense qui appelle quelques réserves: Rémy Brague avait signé en février 2009 la pétition de La Vie, "Pas de négationiste dans l'Eglise" (27/7/2012)

On a parlé ces jours-ci du "Prix Nobel de théologie" (raccourci journalistique discutable) autrement dit le “Prix Ratzinger”, créé par la Fondation Vaticane Joseph Ratzinger-Benoît XVI, qui sera remis par Benoît XVI le 20 octobre prochain, au cours du synode des évêques consacré à la "nouvelle évangélisation" (source: Sandro Magister ).
Le jésuite espagnol Francisco Ladaria Ferrer, secrétaire de la congrégation pour la doctrine de la foi) annonce que parmi les lauréats de cette année, il y aura un français, Rémy Brague, né en 1947, normalien d'Ulm, agrégé de philosophie, membre de l'Institut.
Je ne veux évidemment pas porter un jugement sur l'oeuvre scientifique de l'universitaire prestigieux, "professeur de philosophie grecque, romaine et arabe à la Sorbonne, à Paris, et à la Ludwig-Maximilian Universität, à Munich" (Magister).
J'ai encore le sens du ridicule.
Rémy Brague a été rencontré à plusieurs reprises dans ces pages, et la première fois, c'était dans la presse italienne , L'Avvenire, où il réagissait à "La censure qui a empêché le Pape de parler à la Sapienza" ... qu'il interprétait comme le "miroir d'une faiblesse culturelle" (benoit-et-moi.fr/2008-I).

Ma déception ultérieure n'en a été que plus grande.

En 2009, à la suite de la révocation de l'excommunication des évêques lefebvristes, il avait signé la fameuse pétition de la Vie "Pas de négationistes dans l'Eglise" (cf. benoit-et-moi.fr/2009-I). Un manque de loyauté envers le Saint-Père difficile à excuser, au moment où les "amis" se comptaient sur les doigts d'une main.
Et un peu plus tard, il s'en était justifié dans... Libération!! (cf. benoit-et-moi.fr/2009-I). Ses propos peuvent sembler défendables, mais qui croyait-il convaincre, dans ce journal dont la cathophobie est une des raisons d'exister?

« Je craignais ce qui s’est passé depuis, à savoir une confusion entre une démarche purement juridique qui est celle de la levée d’une excommunication, et l’approbation donnée aux propos scandaleux d’un homme sur un sujet particulièrement sensible. Pour l’Eglise, en effet, le peuple juif n’est pas n’importe quel peuple, mais un peuple auquel elle est liée de toutes les fibres. ...
Il semble que le pape soit obsédé par le jugement que l’Histoire pourrait porter sur lui. A savoir un homme qui n’a pas réussi à résoudre ce schisme. Son métier est de faire tout ce qu’il peut pour éviter que les choses ne deviennent irréparables. Or le schisme avec l’Eglise d’Orient dure depuis plus de mille ans, et ne parlons pas de la Réforme protestante, même si c’est plus récent. Tout ceci doit l’obséder.

En octobre 2010, il s'exprimait en termes pour le moins ambigus sur la réintégration des anglicans de la TAC au sein de l'Eglies Catholique (benoit-et-moi.fr/2009):

« Nous n’avons peut-être pas le droit, nous catholiques, d’accueillir cette nouvelle avec une joie sans mélange.
...
Je regrette un peu qu’il semble que la raison majeure pour laquelle des croyants anglicans demandent leur réintégration dans la communion avec l’Eglise de Rome soit avant tout disciplinaire et/ou morale.
Il y a sans doute des écarts beaucoup plus grands à l’intérieur de l’Eglise anglicane que les problèmes concernant le mariage des prêtres – ce qui n’est après tout qu’une décision disciplinaire de l’Eglise latine qui remonte au XIème siècle.

(...) si l’on devait s’éloigner de l’Eglise anglicane pour une bonne raison, j’aimerais mieux que ce fût à cause d’un certain flou dogmatique – qui n’existe pas partout et n’est pas officiel – plutôt que sur des questions de mœurs. Il faut donc se réjouir de cette décision mais ne pas « laisser filer dans les ténèbres extérieures » toute cette richesse, et j’aimerais que ce soit pour des raisons valables, de fond plutôt que pour des choses un peu spectaculaires et qui passent mieux dans les media .

Bref, en ce qui me concerne, un enthousiasme mitigé, même si je n'ai aucune compétence pour juger de la valeur de l'oeuvre théologique de Rémy Brague.

Le Saint-Père n'est vraiment pas rancunier. Il n'en est que plus grand.;