François: L'Église n'est que de Dieu

Première analyse de JL Restàn sur le nouveau Pape. (15/3/2013)

Original ici: www.paginasdigital.es
Traduction de Carlota.

     

François: L’Église n’est que Dieu

José Luis Restán
14/03/2013
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«La fidélité est toujours un changement, une floraison, une croissance ». Ainsi parlait le cardinal Jorge Mario Bergoglio dans un entretien concédé à la revue 30 Giorni alors que se terminait la Conférence d’Aparecida (ndt référence à la Conférence Générale de l’Épiscopat latino-américain et des Caraïbes à Aparecida au Brésil, à laquelle le saint-Père Benoît donnait le lancement lors de son voyage de 2007).
C’est une clef de lecture de la nouvelle surprise que l’Esprit Saint a donné à son Église. Dans le même entretien de celui qui était alors archevêque de Buenos Ayres disait que, en ce moment, « ce qui manque le plus c’est la miséricorde et la valeur apostolique », la valeur de semer sans repos la beauté de l’Évangile, la surprise de la rencontre avec Jésus. Il concluait en disant que le plus grand danger pour l’Église est ce que le théologien de Lubac appelait « la mondanité spirituelle », mettre un soi même en son centre.

Peu après 19 heures à Rome, le cardinal Protodiacre, surprenait les siens et les étrangers en annonçant que le nouveau pape s’appelait Jorge Mario, mais pour la première fois dans l’histoire le nom de François. Dans aucun des infortunés lotos n’apparaissait l’archevêque de Buenos Ayres, de 76 ans, dont on se rappelait bien son rejet décidé de parcourir le chemin vers le Siège de Pierre au Conclave d’il y a huit ans.
Il y a matière à réflexion.
Le vaticaniste Sandro Magister offre dans l’Espresso une explication qui me paraît plausible (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350465?fr=y). À cette occasion ceux qui prétendaient bloquer l’élection de Joseph Ratzinger firent confluer leurs votes sur le cardinal Bergoglio et celui-ci, observant la manœuvre, la rejeta fermement. Sa dévotion et son adhésion au déjà Souverain Pontife émérite furent toujours publiques, comme on a pu le voir dans son premier message au peuple assemblé sur la place Saint Pierre.

À cette occasion, toujours selon Magister, l’accumulation de préférences autour de Bergoglio a été constante les jours précédents.
Ce qui a pesé surtout, c'est son profit de radicalité évangélique (« son profil est celui d’un saint », a dit le secrétaire de la Conférence des Évêque espagnols, Mgr Martínez Camino) qui se connecte bien avec la direction de purification et de retour à l’essentiel imprimée par Benoît XVI à son pontificat. Le nom choisi, François est toute une homélie. Il s’agit d’un homme saisi par le Christ qui voulait seulement vivre « l’Évangile sans glose », qui a généré un vent de reconstruction dans l’Église de son temps, et ne l’oublions pas, s’est jeté aux pieds du Pape pour demander sa reconnaissance et sa bénédiction.

Avec le Pape François, selon certains, le temps des surprises, fait irruption. Est-ce que cela ne serait pas plutôt que la surprise est la condition permanente de l’Esprit qui conduit à l’Église. Il y a cinquante ans la grande surprise de l’évènement conciliaire, en 1978 la surprise d’un pape slave venu de l’autre côté du Rideau de fer, et il a huit ans la figure tranquille et lumineuse d’un nouveau Pape de l’Église capable de parler au monde postchrétien depuis les plus illustres tribunes. Et maintenant, depuis « presque « le bout du monde », arrive le premier pape latino-américain de l’histoire.

Nous aurons le temps de connaître à fond notre nouveau Pape. Mais pour ce qui est de l’avenir gageons que les surprises ne sont pas terminées, en particulier pour les amis des schémas faciles, trop mondains. Bergoglio n’est pas un théologien mais un homme de gouvernement et de mission à pied de rue. Dans les amères années soixante-dix il affronta comme Provincial de la Compagnie de Jésus la dérive révolutionnaire de pas que quelques prêtres captivés par l’analyse marxiste ; et comme archevêque du grand diocèse de Buenos Ayres il n’a pas hésité à affronter différents pouvoirs quand la dignité et les droits des personnes, et la liberté de l’Église, ont été en jeu.

Ceux qui dessinent l’image d’un pape « progressiste » pourront continuer avec leur divertissement mais pour peu de temps. Et ceux qui parlent d’un tournant ou d’une rupture n’ont pas la moindre idée de qui est François. En étant par tempérament et formation très différent de Joseph Ratzinger, il y a un fil d’or qui les lie très profondément, leur centre est seulement le Christ, le cœur de l’Église, et leur passion est de communiquer sans repos aux gens : miséricorde et valeur apostolique, rénovation dans la continuité, la fidélité est toujours croissance. Ainsi croît l’Église, « l’Arbre de Dieu ». Nous attendent des jours heureux.

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Note de traduction (Carlota)


Il est certain que les catholiques de sensibilité traditionnelle en Argentine et dans l’Hispanité (pas forcément que lefebvristes qui sont bien implantés dans ce pays avec un séminaire et avec un évêque hispano-argentin) y compris du diocèse de Buenos Aires n’ont pas forcément toujours compris l’ex-cardinal Jorge Mario Bergoglio. J’ai eu l’occasion d’en faire écho, peut-être à tort, sur ce même site (cf. benoit-et-moi.fr/2012%28III%29/articles/une-interview-du-pere-cantalamessa.php ). Mea culpa si ma vision était erronée.

« Nous attendent des jours heureux » dit José Luis Restán, tant mieux, même si notre salut dans l’éternité, doit passer par les épreuves en ce bas monde.