Huit ans avec lui...

Et maintenant, sans lui. Mais il nous a pris par la main, et nous a montré le chemin. Pensées (13/2/2013)

Lundi, j'ai reçu un pan de montagne sur la tête. J'étais désemparée.
Hier, je me suis jetée dans un activisme frénétique, peut-être excessif, au point que ma fille m'a dit "on dirait que tu as embauché une équipe de traducteurs". C'était sans doute une façon d'exorciser un sentiment de vide et d'angoisse.
Dans la journée, l'ami Philippe - latiniste distingué, entre autres talents - , dont nous avions lu une réflexion ici sur "le monde à l'envers" (cf. Une société devenue folle) m'a écrit : "Si tu veux écrire un hommage à Benoît XVI pour ton site, je te le traduirai en latin". Une pensée délicate, dont je lui sais gré.
Je me suis creusé la tête, et je me suis dit: mais c'est vrai, tu n'as même pas été capable d'écrire un billet d'hommage.

Je vais essayer de "me" répondre. Je rassure mes lecteurs, l'exhibitionisme n'est pas dans mes habitudes.

En réalité, Joseph Ratzinger était entré dans ma vie (et même dans celle de mes plus proches, parce que je les y ai entraînés) un certain 19 avril 2005. Et depuis, il ne m'a plus quittée. Il m'a ccompagnée, je dirais, chaque jour, presque chaque instant. Ce site pour lui en témoigne, qui contient sans doute des milliers de pages (je n'ai pas compté, ni consulté les statistiques), articles écrits souvent par d'autres, quelquefois par moi, illustrations, nombreuses traductions, dont beaucoup avaient le but de le faire mieux connaître - je pense que j'ai largement échoué, du moins ai-je fait de mon mieux. Et puis les sujets se sont diversifiés au fil du temps. Et surtout, il a créé à mes côtés un petit cercle d'amitiés "virtuelles", qui sont parfois devenues réelles. Il a dilaté ma sphère d'intérêt. Il m'est revenu à l'esprit l'homélie qu'il avait prononcée le 10 septembre 2006, lors de la messe géante de Munich, commentant l'évangile où Jésus guérit le sourd-muet:

L'Evangile nous raconte que Jésus posa les doigts dans les oreilles du sourd-muet, il mit un peu de sa salive sur la langue du malade, et dit: "Effatà" - "Ouvre-toi!".

Oui, il m'a tant donné!
Je me sens donc incapable de résumer dans un billet ces presque huit années dont pas un jour ne s'est passé pour moi sans lui. Il y a trop de faits, d'images, de sentiments.
Le temps viendra, peut-être; pas maintenant.
De toutes façons, il est encore vivant physiquement, pour longtemps, j'espère. Et après cette vie physique, il y aura l'éternité - au Ciel, bien sûr, mais aussi sur cette terre, car c'est un géant..

Pour le moment, il nous reste encore quinze jours de sa présence publique. Profitons-en intensément.

Je conclus par cette pensée. J'ai mis en exergue de la dernière version de ce site une phrase extraite de son autobiographie.

Quant à moi j'ai fait mes valises pour Rome et depuis longtemps je marche, mes valises à la main, dans les rues de la Ville Éternelle. J'ignore quand on me donnera congé...

Eh bien, je crois qu'il a demandé - une fois de plus - son congé au Seigneur. Et que Celui-ci le lui a enfin accordé, sur cette terre, après soixante deux ans de service (il a été ordonné en 1951), dont 32 passés à faire ce qu'il ne voulait peut-être pas faire, à la CDF, puis sur le Trône de Pierre.
Et il nous a rappelé que rien sur cette terre ne nous appartient définitivement. C'est le Seigneur qui dispose.
C'est une pensée sereine, et qui m'apaise, comme m'ont apaisé les propos de son frère que je viens de traduire.

* *

PS: Depuis que j'ai achevé ces lignes, il y a eu l'audience du mercredi des Cendres. La catéchèse qu'il a prononcée n'est pas un testament (mot sinistre), plutôt les recommandations qu'un Père sur le point de partir en voyage ferait à ses enfants. Nous aurons tout le temps, après, de la lire et de la méditer.
Il semblait totalement serein, et (re)devenu incroyablement jeune, comme aux premiers jours du Pontificat.

Béatrice B., 13 février 2013, fête de sainte Béatrice