José Luis Restàn interviewe Mgr Müller

Traduction de Carlota (31/1/2013)

     

Mgr Müller, de passage à Madrid, vient d’accorder un court entretien, en espagnol, à José Luis Restán, pour son émission « El Espejo » de la chaîne Cope (en vo ici: www.cope.es) qui a été repris ici (www.paginasdigital.es), et il a notamment déclaré : « Les polémiques sont inutiles, nous devons nous concentrer sur les grandes questions existentielles ».

Je ne sais pas la façon dont s’exprime habituellement dans sa langue maternelle, le Préfet pour la Congrégation de la Foi, mais il faut tenir compte ici que même s’il s’exprime très correctement en espagnol, il n’a pas néanmoins, sans doute, les mêmes facilités, ce qui peut donner l’impression de phrases basiques. Néanmoins la dernière est dans sa simplicité particulièrement forte.

     

José Luis Restán
29/01/2013
Transcription de l’entretien.


JLR: Parlez-nous d’abord de votre nouvelle tâche comme Préfet de la Foi. De votre Dicastère, parfois nous ne voyons que les polémiques, les nécessaires corrections…Mais je suis sûr que votre tâche va bien au-delà de cela.
Mgr Müller:Les polémiques sont inutiles, nous devons nous concentrer sur les grandes questions existentielles des hommes de notre temps, qui cherchent un futur…Des questions sur la famille, sur comment vivre, sur l’avenir de nos pays et sur cette Europe…On a besoin de l’annonce de l’espérance et l’Église a cette espérance pour tous les hommes. Notre Congrégation a cette tâche, confiée par le Saint Père, de promouvoir la foi, non seulement de la défendre. Nous ne pouvons être superficiels, nous devons aller au point central des questions des hommes qui vivent aujourd’hui à notre côté…

Q: Vous avez participé aujourd’hui à la fête de Saint Thomas [d’Aquin] à l’Université San Dámaso de Madrid. Quelle est l’importance des Universités et des centres d’enseignement supérieur de l’Église (1) dans la tâche de la Nouvelle Évangélisation.
R: Commençons par dire que c’est l’Église qui a fondé l’Université, les universités sont le fruit du christianisme européen, elles ont créé une bonne partie de la culture du continente et elles forment une partie de son identité.
Notre foi catholique n’est pas un irrationalisme, pas non plus que des sentiments, mais elle implique une philosophie et une théologie qui expriment toute la réalité et le Logos (2) qui s’est fait chair et est présent au milieu de nous. C’est pour cela que le Pape Jean-Paul II a écrit l’encyclique Fides et Radio. Et également notre Pape actuel, Benoît XVI, a toujours souligné ce lien entre foi et raison.
Pour la Nouvelle Évangélisation, pour présenter l’Évangile comme force qui donne la vie, il est nécessaire de souligner l’intelligence et la rationalité de la foi, mais aussi de reconnaître la direction de la raison des hommes qui s’oriente vers la foi, jusqu’à arriver à la rencontre avec Dieu comme personne, dans sa Trinité.

Q: Nous les catholiques espagnols, nous sommes parfois dominés par l’image de notre société imperméable à l’annonce chrétienne et qu’il ne nous reste plus qu’à trouver un refuge et résister. Vous qui venez d’Allemagne, qu’est-ce que vous nous dites ?
R: La sécularisation est un problème de toute l’Europe, malgré ses racines chrétiennes. Mais cette mentalité séculariste ne peut résoudre les problèmes existentiels des gens (3), ne peut donner une réponse aux souffrances, à la question sur l’au-delà après la mort, au désir de construire une société avec une justice et du social et le respect de la dignité humaine… Pour cela , il faut une nouvelle rencontre avec le Dieu qui donne la donne la vie, avec le Dieu qui s’est fait chair en sa propre Parole, qui est le Christ, son Fils. Nous ne pouvons pas perdre le courage d’annoncer l’Évangile. Nous les chrétiens nous savons beaucoup mieux que les politiques laïcistes et que les médias relativistes ce qui est nécessaire pour l’homme d’aujourd’hui. Pour cela, je dis à tous les catholiques d’Espagne : courage !

Q: Vous connaissez le Pape depuis de nombreuses années, et maintenant vous travaillez très près de lui. Qu’est-ce qui vous impressionne le plus dans sa façon de vivre cet instant de l’histoire ?
R: Le Pape est un homme d’une grande humilité et simplicité, mais c’est aussi un grand intellectuel qui connaît profondément l’histoire, la philosophie, la musique, tous les éléments de notre culture actuelle. En outre sa santé est bonne, de sorte qu’il a la capacité de diriger l’Église avec une bonne direction (ndt !), vers une nouvelle évangélisation et vers une nouvelle culture de l’humanité, parce que, en fin de compte l’évangélisation et l’humanisation sont les deux faces d’une même médaille.

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Notes complémentaires de traduction
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(1) On sait que les universités catholiques, en particulier en Amérique Latine (mais aussi en Europe et de façon peut-être moins voyante mais très insidieuse), sont de plus en plus noyautées par des éléments contraires à l’Église. Se rappeler le cas de l’Université Pontificale Catholique de Lima (Pérou), et plus récemment l’affaire de celle de Saõ Paulo au Brésil (attention vidéo pénible mais très significative - www.youtube.com)

(2) ndr du grec, la parole/verbe.

(3) Je crois que le combat existentiel auquel on assiste aujourd’hui en France, avec par exemple une prière et des chants catholiques devant l’Assemblée Nationale (un rassemblement autorisé par le préfet de police) et notamment l’intervention du député martiniquais (pourtant de gauche) Bruno Nestor Azérot sur le « mariage homo » (ici) est très significatif, même si ces faits sont peut-être insignifiants au regard des 7 milliards d’habitants, et peuvent paraître complètement « surréalistes », à des esprits sécularisés. Des lignes sont en train de se déplacer, même si les conséquences ne seront pas forcément spectaculaires et immédiatement visibles. C’est un encouragement.