Le terrible business des mères porteuses (1)

Cela se passe en Inde. Et c'est d'une terrifiante actualité, au moment où l'on essaie de nous faire croire que le seul enjeu du "mariage pour tous" c'est de permettre à deux individus, quel que soit leur sexe, d'avoir un enfant ensemble, pour sceller leur "amour". Traduction d'un document exceptionnel, paru sur la Bussola (13/1/2013)

Comme l'article est très long, je le traduis en deux ou trois fois.

     

Femmes indiennes sacrifiées pour donner des enfants aux couples gay
Diego Molinari
13/01/2013
www.lanuovabq.it

Aujourd'hui, à Paris, la manifestation massive des associations familiales contre la décision du gouvernement français de reconnaître les mariages entre personnes du même sexe. Hier, en Italie, le jugement de la Cour de cassation qui légitime les unions gay (cf. Homoparentalité: la guerre des mots). Il y a une poussée idéologique à travers tout l'Occident qui cherche à imposer la légitimation du mariage homosexuel. Mais une histoire qui vient de l'Inde nous montre l'un des effets aberrants de cette course à l'homosexualisme. C'est un texte très long, mais nous avons préféré le laisser entier parce que c'est un document exceptionnel.

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Pour la visite de routine avec le Dr Manish Banker, elle est venue au Pulse Women’s Hospital, où elle s'écroule au sol.
Premila Vaghela, qui était enceinte de huit mois, est morte peu après. C'est arrivé en mai dernier, à Ahmedabad, la région pauvre et turbulente du centre-ouest du Gujarat, en Inde. Le docteur Banker est un spécialiste privé en IVF (en français FIV), l'abréviation dans cet anglais médical riche en latinismes qui désigne la fécondation in vitro.

Premila était l'une de ses «surrogate»: de pauvres femmes qui offrent leur appareil de reproduction pour de l'argent à de riches couples étrangers (américains, taïwanais, Arabes, Européens, Singapouriens, et même Indiens des classes les plus riches), qui, en substance, en louent l'utérus pour y implanter un ovule fécondé: le leur. Ce phénomène, appelé par les anglophone simplement «surrogacy», càd «maternité de substitution» (en français, on parle de mères porteuses) est maintenant un enjeu important pour la société indienne, ainsi que pour une grande partie de la culture libérale américaine. Comme dans tout autre phénomène économique du marché globalisé, à une demande spécifique des «consommateurs» issus par exemple de l'Upper West Central Park (le quartier des riches de New York) ou de Californie, correspond une réaction précise d'une main-d'oeuvre délocalisée dans le tiers monde: ici Anand, dans le Gujarat, la capitale mondiale de la maternité de substitution, où les couples d'étrangers investissent de l'argent pour faire reproduire leur propre progéniture. Ahmedabad, la ville de l'histoire de Premila, n'est pas loin.

Premila est morte, mais pas avant d'avoir porté à son terme son sale travail. L'histoire de sa courte, très courte «hospitalisation» est significative, parce qu'elle met en lumière (folle inversion par rapport à la culture de l'avortement), la valeur de la vie de la femme par rapport à celle de l'enfant, qui n'est pas son fils, mais un produit, bien payé, destiné à d'autres. Premila, qui s'est écroulée au Pulse Women’s Hospital - la structure privée qui gère les «grossesses de substitution» - a été immédiatement transportée à l'unité de soins intensifs prénataux, où ils ont extrait le bébé par césarienne. Plus tard, les médecins ayant constaté l'état critique de Premila, l'ont envoyée dans un autre hôpital, le Sterling Hospital. Les rapports officiels de cet hôpital rendent compte de l'état désespéré dans lequel la femme est arrivée, victime d'une grave crise cardiaque. Les tentatives pour la réanimer ont été vaines. Premila laisse un mari et deux enfants. Le bébé, qui pesait 1,750 kg à la naissance, a été mis en couveuse. On ignore si la commande qui a coûté la vie à Premila a été finalement livrée au couple de riches Américains anonymes.
Le Dr Banker a donné les informations nécessaires à la police qui, au moment de la tragédie avait promis une enquête. Il semble en fait qu'aucun dossier n'ait été ouvert pour ce cas.

Histoires désespérées de colonialisme biologique
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Coolie est un vieux mot, à dire vrai méprisant, avec lequel les colons anglais décrivaient les autochnones des terres colonisées. Le mot semble dériver de cool, «frais». Les coolies étaient les serviteurs qui, avec de grands évantails, suivaient les élégants anglais dans les canicules d'Asie et d'Afrique. Le mot, considéré comme très offensant dans l'Inde indépendante, refait brutalement surface dans le discours public: certains décrivent les mères porteuses comme des biological coolies, concrètement des esclaves biologiques. L'essence et les modalités concrètes de ce phénomène font en effet penser à l'esclavage, ou peut-être même une servitude encore plus dangereuse et humiliante. Beaucoup parlent en fait de «colonialisme biologique». Un retour de l'impérialisme des pays riches, sous la forme - envahissante jusqu'au paroxysme - d'une exploitation du ventre des autochtones. Le Sydney Herald, dans un article dense consacré à ce phénomène le 7 Septembre, raconte l'indifférence de nombreux «clients» envers les mères porteuses de leurs enfants que, souvent, ils ne veulent même pas rencontrer. «J'aurais voulu frapper un gay qui m'a demandé, après que son fils soit né, où il pourrait trouver une nourrisse» a déclaré au journal la gynécologue Anita Nayar. «Il voulait que son enfant ait les défenses immunitaires que donne le lait maternel, comme si les indiennes étaient des esclaves de plantations pour l'élevage des enfants».

Les détails juridiques, économiques et sociaux du phénomène donnent raison à ceux qui utilisent le mot «esclavage». Même s'il savait qu'il en a le droit, le mari de Premila ne peut pas poursuivre le Pulse Hospital pour obtenir une indemnisation. Le contrat de subrogation signée par elle, comme par toutes les autres, exonère les médecins et les couples étrangers de toute complication avec la mère porteuse, en s'assurant que son mari assumera tous les risques, médicaux, financiers et psychologiques.
Le Sydney Herald, toujours lui, affirme que «les contrats précisent que si une mère est diagnostiquée avec une maladie mortelle à la fin de la grossesse, elle sera maintenue en vie par voie artificielle pour protéger la qualité du fœtus et pour assurer une naissance en bonne santé pour le compte des parents génétiques. Le moustachu Dr Banker, affirme que le couple américain a payé un million de roupies à la famille de Premila. «La somme est insignifiante» tonne Kishwar Desai, une écrivain indienne qui vient de publier un livre sur le sujet intitulé «Origins of Love». Desai représente l'une des premières réactions concrètes d'intellectuels à la propagation de ce phénomène, allant jusqu'à écrire sur le prestigieux quotidien britannique The Guardian: «De combien d'autres femmes comme Premila n'avons-nous pas entendu parler? Personne ne veut écrire sur la mort d'une pauvre femme». L'écrivain est irritée par le fait que l'Inde soit devenue l'Eldorado mondial de la maternité de substitution.

L'industrie de la surrogacy vaudrait aujourd'hui deux milliards et demi de dollars, produisant quelque chose comme 25.000 enfants par an.
L'induit est très structuré: aux cliniques, s'ajoutent les recruteurs, les avocats pour les contrats, les espaces où les cliniques font vivre ensemble les femmes enceintes, les hôtels qui hébergent les parents étrangers qui viennent pour vérifier l'état de leur commande ou «retirer» le produit prêt à être livré. La clientèle est majoritairement américaine, mais on dit que la moitié des cas impliquent des indiens de la classe supérieure: le cas le plus notoire, délibérément diffusé par les médias, est l'une des stars de Bollywood, Amir Khan et sa femme Kiran Rao, qui en Décembre 2011 ont affirmé avoir eu un enfant par une mère porteuse. Dans le «portefeuille clients» des plus d'un millier de cliniques spécialisées du sous-continent, il y a les Australiens, les Taiwanais, les Singapouriens et les Européens. Le groupe avec la plus forte croissance est celui des gay occidentaux.

Une étude réalisée par le Centre for Social Research (CSR) à New Delhi, sortie en Avril dernier et intitulée Surrogacy Motherhood: ethical or commercial, a commencé à communiquer des données et des épisodes vraiment inquiétants. Ranjana Kumari, la directrice du centre, raconte: «Nous avons trouvé une femme qui avait reçu 25 cycles de FIV. Une autre a été forcée d'avoir quatre embryons implantés à la fois, contre la pratique internationale d'un embryon à la fois, ou tout au plus, deux». D'après le document, que l'on peut consulter en ligne (ndt: je n'ai pas fait la recherche...), il semble qu'à beaucoup de mères porteuses, on fait signer le contrat, mais elles ne reçoivent pas de copie; qu'un grand nombre d'entre elles ont trois ou quatre enfants qu'elles tentent d'élever grâce à deux ou trois grossesses de substitution; qu'elles sont confinées dans des hôtels où, en cas de maladies contractées par leurs enfants ou leur mari, elles ne peuvent pas recevoir de visites; que si un enfant naît «défectueux» (habituons-nous à ce vocabulaire commercial, parce que c'est vraiment de commerce qu'il s'agit) la femme n'est pas payée: en tenant compte du fait que le risque de mal-formation avec la fécondation in vitro est le double par rapport à la fécondation naturelle, cela qui signifie que beaucoup de mères porteuses ne sont pas payées à la fin de la gestation, et du «déchet» c'est-à-dire de l'enfant, on aimerait bien connaître le sort, sur lequel, pour le moment, nous n'avons aucune information. Enfin, il y a le contexte social plus vaste, où souvent, la femme est poussée à la grossesse de substitution par le mari qui a des problèmes d'alcool, le mari qui gaspille, le mari qui a besoin d'un capital de départ avec lequel démarrer une entreprise: une fois le capital épuisé (ce qui arrive souvent), la femme procédera à une nouvelle grossesse pour des tiers. La directrice du Centre for Social Research, Ranjana Kumari ne craint pas de déclarer au journal australien que «notre étude montre qu'est en train de se créer une mafia de trafiquants, avec des femmes trouvées dans des endroits reculés par des agents de recrutement qui ont le seul but de gagner de l'argent. La vulnérabilité des pauvres est exploitée».

Les indiens commencent à être sceptiques sur cette commercialisation de la maternité. Un pays qui n'a pas beaucoup de perception de l'étranger, commence à se demander pourquoi l'Inde doit offrir un service qui est un crime ailleurs. Mais plus encore: les images des femmes enceintes sur les panneaux d'affichage des cliniques, désormais très répandues, offensent de plus en plus la population, qui est consciente du fait que ces femmes sont obligées de vivre ensemble dans des dortoirs qui ressemblent beaucoup à un élevage d'animaux: baby-factories, «usines à bébés». Il n'est pas rare, en effet, que le contrat prévoit la séparation temporaire de la fécondée avec sa famille afin d'éviter le risque de relations sexuelles avec son mari, et donc la transmission de maladies vénériennes qui peuvent affecter la qualité du produit, c'est à dire l'enfant de substitution.

Le coût de la vie: la publicité
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Une des sources qui rapporte les détails de l'histoire de Premila est l'article écrit à chaud par le Times of India, disponible sur le site Web en anglais du journal. En faisant défiler la page vers le bas on trouve les Google Ads, c'est-à-dire les espaces avec les annonces publicitaires que Google associe au profile de l'internaute selon les mots-clés spécifiques pour cette page. Eh bien, l'automatisme «a-moral» de l'algorithme veut me conseiller des sites comme le New Dehli IVF Center (“International standards with good success rates. Donor and surrogacy"). Il m'en conseille aussi d'autres de ce type, certains ont comme extension de domaine. Ru (Russie) ou. Gr (Grèce). Mais c'est oneinsix.com qui a attiré mon attention. «Surrogacy Cost $26,500 Surrogate & Surrogacy in India» est le titre. J'entre dans le site, qui est dépouillé, moche; bien visible, toutefois, le bouton pour payer avec Paypal, et puis, à la page «coût» , un texte, dans un anglais hérissé de fautes de grammaire typique de certains Indiens: «En 2005, la maternité de substitution coûtait 12.000 $. Aujourd'hui, les mêmes cliniques font payer 35.000 dollars. Un suicide économique de reporter ou retarder ton traitement n'est pas nécessaire», écrit le site. «Deux cliniques que nous connaissons offrent la maternité de substitution pour 26.000 dollars, le prix de Juin 2012. Ces cliniques procurent une mère porteuse pour ce prix incluant un dépôt pour la naissance du bébé». Quand on pense à des êtres humains comme marchandise, on n'arrive pas à imaginer que l'on puisse être aussi explicite. Le site continue énumérant ce qui est inclus dans le prix: «conseil et recrutement de la mère porteuse; préparation de la mère porteuse; cliniques pour le cycle de FIV; médicaments et injections pour la FIV, en fonction du dosage; rembousement de la mère porteuse; chambre et pension pour la mère porteuse pendant 9 mois; travailleurs sociaux [sic]; assurance; dépôt pour l'hopital de livraison et en cas d'urgence». La liste est incohérente, imprécis et effrayante.
Plus bas, dans une section intitulée tout simplement «The West» (L'Occident), le site, avec les habituelles fautes de grammaire, touche le sommet de l'ignominie: «Un autre sujet de préoccupation est qu'on nous dit que nous vivons en Rip-off Britain [la Grande-Bretagne qui nous tond]. Les lois du gouvernement limitent le nombre d'embryons implantés chez une femme à trois (...) et ils veulent maintenant réduire les embryons à un! (...) En Inde, où l'on peut implanter une moyenne de 4-6 embryons, mais plus encore, le coût est nettement inférieur». Suivent des comptes arithmétiques sur le prix d'un embryon, et la critique méprisante de ceux qui parlent d'«exploitation».

A suivre....