Les ennemis de l'Eglise

... qui opposent Benoît et François. Un article dans l'irréprochable "Sussidiario" (16/3/2013)

A force de traduire l'italien - que je suis contente d'avoir appris au lycée, mais que j'avais complètement oublié jusqu'à un certain 19 avril - il m'arrive de penser... en italien.
Depuis l'élection du pape François, je pense à l'expression "Dare un colpo al cerchio e una alla botte", qui m'avait plongé dans un abîme de perplexité quand je l'ai rencontrée pour la première fois, jusqu'à ce que je comprenne que certains idiomes étaient intraduisibles, et se comprenaient dans le contexte.
"Dare un colpo al cerchio e una alla botte", c'est exactement ce que je fais en ce moment, en essayant de comprendre.
Bref, je suis troublée, et j'envie - en les comprenant, car j'ai connu cela avec Benoît XVI - ceux qui sont parvenus à la phase de certitudes sans mélange.

Honnêtement, il faut lire les homélies du nouveau Pape.
Il paraît qu'elles sont sublimes. J'avoue que je n'ai pas fait plus, jusqu'ici, que du copié-collé.

     

Les ennemis de l'Eglise qui opposent Ratzinger et Bergoglio.
http://www.ilsussidiario.net/
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Irritation. Je la sens monter en moi et j'ai tout de suite pensé que le diable y mettait la patte et les cornes pour gâcher le moment de bonheur absolu vécu avec toute l'Église.
Irritation, car trois jours seulement après l'élection de François, le tir de fléchettes a déjà commencé, le massacre médiatique, la définition par opposition, le "déchargement" du précédent pour l'exaltation de l'autre.

La gêne physique pour l'hypocrisie de certaines signatures, les culbutes des commentateurs et l'importance accordée aux détails ont déjà produit une dangereuse amertume, la conviction rampante qu'ils ne changeront jamais, même après l'un des grâces les plus belles qui pouvaient arriver. Et je ne parle pas seulement des comptes-rendus fantaisistes de ce qui s'est passé sous les voûtes de la Chapelle Sixtine, de la tentative de tout serrer dans le schéma aride des factions, des hypothèses et des alliances, proposées par des journalistes que même l'humiliation subie de la part du Paraclet n'a pas arrêtés, mais de la tentation sinueuse qui traverse toute l'Église, de regarder le nouveau en perdant la mémoire.

Vous l'aurez compris, il ne me convient pas que même au sein de l'Eglise, on oppose deux hommes de foi comme Ratzinger et Bergoglio, ou pire, que l'on évalue l'élection de François comme l'examen de rattrapage de l'Esprit Saint, à 8 ans de distance, pour la prétendue catastrophe Benoît.
Je n'en ai pas après les habituels et prévisibles gardiens de la réforme à outrance, les idéologues des printemps et des espèrances ecclésiales, ceux qui, de Leonardo Boff à Hans Kung,en passant par "Nous sommes l'Eglise" et Mancuso, ont salué l'élection de l'archevêque argentin comme un changement historique du christianisme, presque comparable à l'annonce du Concile, mais avec les insoupçonnables.
Les "foudroyés" par Ratzinger, aujourd'hui oublieux et même critiques de son pontificat-calvaire, de son choix douloureux et nécessaire, du bien immense voulu à l'Eglise, du travail difficile de labour que seul un «travailleur dans la vigne du Seigneur» pouvait faire. Parce que si une chose est très claire, c'est qu'il n'y a aucune discontinuité entre les deux pontifes, l'émérite et celui en charge, qui n'auraientt pas de sens l'un sans l'autre, et que le Saint-Esprit avec les cardinaux ne pouvait pas faire de meilleur choix.
Seul un idiot pourrait ne pas remarquer la progression de sainteté des pontificats qui depuis le XXe siècle ont tracé les lignes de l'Eglise du troisième millénaire.
Un nombre croissant surtout dans les 35 dernières années, Jean-Paul II, le cardinal Ratzinger, Bergoglio. Avec un chevauchement entre les deux derniers peut-être providentiel pour cette Eglise si fragile dans ses peurs, si blessée dans son humanité, si salie par les péchés de quelques-uns et l'indifférence des autres.
Un seul Pape bien sûr, mais un autre qui a attendu pour monter au ciel et a accepté de rester sur la montagne pour ajouter une intensité humaine à sa prière. Il est monté sur la croix, cela a été admis. Mais il y reste cloué. Et il mériterait sans doute plus de respect laïc, à défaut d'amour inconditionnel.

Apprenons de François, rendons-lui la reconnaissance qu'il mérite: la pensée à la loggia des bénédictions, l'appel téléphonique après l'élection, la prière constamment demandée, la consécration à Marie de sa vie monastique, la citation dans tous les discours prononcés à ce jour. Nous n'avons pas encore le détachement pour regarder l'Histoire. L'estomac retourné, le cœur exultant, les émotions latines déclenchées par le nom inattendu, ont peut-être fait tourner les têtes, mais nous ne pouvons pas oublier ce qui est évident. Et c'est que les deux pontifes, l'émerite et l'autre, possèdent la même «sainte obsession» du Christ (tous deux le tutoient), utilisent la même langue, ont la même foi coriace, le même réalisme, la même dévotion Mariale, la même matrice populaire. Avec des styles différents. Teutonique avec des éclairs bavarois, Ratzinger, piémontais adouci par les notes latines, Bergoglio.

Et si l'un aimait la mozzette et le camauro et l'autre préfère le blanc total, on s'en moque. Même un «catho-dandy» comme Camillo Langone dans il Foglio reconnaît que c'est une chose à laquelle on peut renoncer pour «sauver le Christ». Si le numéro 265 des successeurs de Pierre a ramené une certaine splendeur dans les liturgies ébouriffées de quelques paroisses, et le numéro 266 semble ne pas vouloir quitter sa chère croix de fer, qu'importe. Je pense que la seule chose sur laquelle on ne peut pas se tromper, c'est l'urgence authentique de proclamer l'Évangile. Mais pour mettre en évidence les traits d'unités, on aura le temps. Pendant ce temps, cueillons le charme des mots et des phrases qui reviennent avec insistance, sans solution de continuité. Comme «ne pas céder au pessimisme» ou «faire de l'église une ONG de piété» ou «confessons l'unique gloire: le Christ crucifié». Ou encore «marchons».
Mais le pape émérite ne s'était-il pas défini comme un pèlerin?
Le diable essaie, c'est à nous de le démonter.

Un dernier PS.
Petit cadeau d'un cardinal électeur avant de retourner dans son diocèse: le très beau récit de la messe célébrée par le pape François à 7 heures dans la chapelle de la Domus Sanctae Martae. C'est l'homélie dans laquelle le pape Bergolio parlé du temps de la désolation et de la persécution en citant son Ignace de Layola pour la première fois en tant que pontife, quand dans les "règles du discernement", il conseille que «dans le temps de la désolation, on ne fasse jamais de changements, mais que l'on reste ferme et constant dans les résolutions et les décisions que l'ont aura prises dans le temps de la consolation.»
Sinon, a dit le saint curé François, si on s'éloigne, quand le Seigneur reviendra pour devenir visible, il risque de ne pas nous trouver.